Intervention de Denis Baupin

Réunion du 3 février 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Monsieur le président, monsieur le directeur général, je vous souhaite bon courage (Sourires), car vous allez devoir gérer tous les problèmes que l'industrie nucléaire n'a pas su gérer depuis plusieurs décennies. C'est un peu comme s'il vous était demandé de construire des toilettes dans un appartement qui en était jusqu'alors dépourvu ! (Murmures divers) Quand vous nous dites que les déchets nucléaires sont une réalité et qu'il faut bien les gérer, nous ne saurions vous donner tort : il faut bien que la génération actuelle, et celles qui suivront, assument l'impéritie de ceux qui ont engagé la France dans cette filière sans prévoir aucune solution pour les déchets qu'elle engendre. Que l'on ne vienne pas nous dire que l'enfouissement des déchets dans la croûte terrestre constitue une solution digne de ce nom : cette idée soulève plus de questions qu'elle n'en règle, et nous ne sommes même pas certains que le projet Cigéo, qui va commencer par une phase expérimentale, soit un jour opérationnel. De mon point de vue, il ne serait pas inutile de réfléchir à un plan B quand on se dit soucieux du sort des générations futures.

Nous avons été très émus d'apprendre qu'un employé était décédé lors de l'accident survenu fin janvier, et adressons toutes nos condoléances à sa famille. Monsieur le directeur général, avez-vous une idée des délais dans lesquels l'enquête judiciaire va pouvoir aboutir ? Quels enseignements peut-on tirer de cet accident au sujet de la fragilité de l'argile, censée pouvoir tenir 100 000 ans ? J'ai pris note du principe consistant à séparer la zone de stockage de celle du creusement de nouvelles galeries, mais comment pouvez-vous garantir que ce principe sera encore respecté sur les chantiers qui seront entrepris dans soixante-dix ou cent ans ?

Pour ce qui est du coût, vous rappelez à juste titre que la Cour des comptes a affirmé que son impact sur la facture des consommateurs était tout à fait marginal. Pour autant, je veux souligner à quel point il est essentiel de bien chiffrer ce coût : à défaut, s'il manque de l'argent dans plusieurs dizaines d'années, ce n'est pas nous, les consommateurs ayant produit ces déchets, qui paierons, mais nos enfants, ce qui serait tout à fait anormal. De ce point de vue, les écarts entre les différentes évaluations nous laissent pantois : l'évaluation initiale était de 15 milliards d'euros, les producteurs font état d'un chiffrage de 20 milliards d'euros, vous-mêmes parlez de 33 milliards d'euros – ce que l'Autorité de sûreté nucléaire estime sous-évalué –, et la ministre retient finalement un « coût objectif » de 25 milliards d'euros : cette absence de visibilité est pour le moins préoccupante !

Visiblement, vous vous êtes fixé pour objectif de mener un chantier low cost (Murmures divers), puisque significativement moins cher que ce que vous aviez prévu initialement. Sur quoi allez-vous rogner pour atteindre cet objectif ? J'invite chacun de mes collègues à prendre connaissance des documents publiés par l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur les risques inhérents au projet Cigéo en matière d'incendie ou d'explosion, et à réfléchir aux conséquences d'une éventuelle modification, dans quelques années, de la politique menée par le pays en matière de retraitement des déchets radioactifs.

Enfin, je vous avoue que votre exposé relatif à la réversibilité m'a laissé un peu sur ma faim. Si les grands principes ont été rappelés, vous n'avez guère abordé l'aspect concret des choses, notamment ce qui touche aux questions de récupérabilité. L'ASN a dit qu'elle allait donner dans quelque temps – on ne sait pas quand exactement – ses préconisations en la matière. En savez-vous un peu plus que nous sur ce point, et le cas échéant pouvez-vous nous communiquer les informations en votre possession, afin de nous permettre de nous faire un avis ? Il faudra, en tout état de cause, que nous soyons correctement informés avant que le Parlement ne soit amené à prendre position. Enfin, j'ai été surpris par la durée de dix que vous nous avez indiquée pour la phase pilote. La semaine dernière, lors d'une rencontre avec des parlementaires, le directeur général de l'IRSN a fait état d'une durée minimale de trente ans, nécessaire pour que l'on puisse juger de la déformabilité des alvéoles – un critère essentiel en matière de récupérabilité. Sur nombre de questions, nous avons l'impression d'une action menée dans la précipitation.

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