Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Le premier alinéa de l’article 36-1 que vous nous proposez d’ajouter à la Constitution reprend l’article 1er de la loi du 3 avril 1955 qui définit les conditions de déclenchement de l’état d’urgence.

Force est de constater que cette rédaction, réalisée dans le contexte de la guerre d’Algérie, est particulièrement large. Comment pouvons-nous être certains qu’à l’avenir, un gouvernement ne retiendra pas une interprétation extensive du « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou « d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » ?

Certes, rendre ces dispositions immuables en les constitutionnalisant comme vous le proposez pourrait être salué comme un progrès si cela s’avérait la garantie d’un encadrement strict des pouvoirs conférés à l’exécutif. Mais vous nous demandez de constitutionnaliser une rédaction qui manque de rigueur alors que la protection des libertés fondamentales est ici en jeu.

Nous ne saurions tolérer que notre texte suprême intègre un encadrement aussi laxiste des conditions de mise en oeuvre d’un état d’exception impliquant de graves atteintes aux droits des citoyens. Quand bien même nous admettrions que certaines circonstances devraient impliquer des dérogations à l’État de droit, encore faudrait-il que ces dérogations ne puissent être mises en place de façon abusive au regard de l’intention originelle du constituant.

La force d’une Constitution réside dans sa capacité à résister et à anticiper l’imprévisible. Or cette rédaction de l’article 1er du projet de révision ne présente pas de progrès réel quant à la protection des droits fondamentaux. Sa mise en oeuvre est à la merci d’une interprétation malheureuse ou malintentionnée. Notre devoir est aussi de prémunir les Français contre de tels risques.

En conséquence, nous voterons contre cet article 1er. Mais, monsieur le Premier ministre, que ferez-vous si, dans six mois, nous devions subir un nouvel attentat ? Nous ferez-vous encore voter une loi ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion