Intervention de Fanélie Carrey-Conte

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFanélie Carrey-Conte :

Après les terribles événements du mois de novembre, les débats sur l’état d’urgence sont toujours difficiles, face à la menace terroriste, que personne ne nie, face à la peur et à l’émotion, qui demeurent vivaces, et aussi parce que, pour la plupart de nos concitoyens, l’état d’urgence ne change pas le quotidien. Cela peut d’ailleurs conduire certains à penser que les débats sur le respect des libertés fondamentales sont simplement théoriques et présentent finalement peu d’importance. Or, je crois que le rôle de la représentation nationale est d’expliquer que ce sont au contraire des débats fondamentaux pour notre démocratie et pour notre pacte républicain, et qu’il faut les mener dans la raison et la sérénité, quel que soit le terrible contexte dans lequel ils se tiennent.

Le 19 novembre dernier, on nous demandait, dans l’urgence, en quelques heures, de voter, non seulement la prolongation de trois mois de l’état d’urgence, mais aussi des mesures substantielles modifiant le contenu de la loi de 1955. C’est au nom de ces modifications que je me suis abstenue sur le vote de la loi, considérant que plusieurs d’entre elles posaient problème et, surtout, qu’il fallait éviter de faire ce que nous avions condamné par le passé, à savoir légiférer dans l’émotion, a fortiori sur la question des libertés publiques.

À présent, on nous demande de constitutionnaliser cet état d’urgence et, en toile de fond, on nous annonce que l’on veut d’ores et déjà le prolonger à l’issue de cette période de trois mois. Cela s’articule avec un nouveau projet de loi de lutte contre le terrorisme, dont de nombreuses dispositions inquiètent défenseurs des libertés et autorités judiciaires.

Il est important de souligner que c’est dans cet enchaînement sécuritaire qu’il faut examiner ce que l’on nous demande de voter aujourd’hui. Dans ce contexte, constitutionnaliser l’état d’urgence permettra-t-il de mieux articuler la sécurisation de l’ordre public et le respect du droit et des libertés, et de mieux protéger ces dernières ?

Je ne le crois pas, parce que le contexte ne permet toujours pas d’avoir le recul suffisant pour répondre à une telle question. Nous sommes d’ailleurs en train de légiférer en plein état d’urgence : les débats ne sont toujours pas tranchés sur son efficacité dans la durée, ni sur les conséquences de mesures de modification votées il y a moins de trois mois.

De plus, à ce stade, la constitutionnalisation que l’on nous propose ne s’accompagne pas des dispositions qui permettraient de mieux encadrer ces mesures de l’état d’urgence, notamment par le contrôle de l’autorité judiciaire. C’est pourquoi, dans ces conditions, je m’opposerai à cet article premier.

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