Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

J’ai voté l’état d’urgence sans état d’âme, car je le crois nécessaire face à l’état de guerre dont a parlé avec talent et justesse le Premier ministre. La question n’est pas là. La question est de savoir s’il faut inscrire l’état d’urgence dans la Constitution. Pour avoir beaucoup travaillé la question et avoir cherché les arguments juridiques qui plaideraient en faveur de la constitutionnalisation, je vous avoue que je n’en ai point trouvé.

Cette loi a survécu à deux républiques. Elle a été utilisée à maintes reprises. Elle a été consacrée par le Conseil constitutionnel à deux reprises. Elle a été validée par le Conseil d’État. Son utilisation, ces derniers mois, a été contrôlée par le Conseil d’État et par le Parlement, qui vote les conditions d’entrée et de sortie. Toutes les garanties en matière de libertés publiques sont donc remplies, sous le contrôle du juge administratif.

Inscrire ces dispositions dans la Constitution ne changera donc rigoureusement rien – je dis bien rigoureusement rien – aux garanties de sécurité pour nos concitoyens. De ce point de vue, monsieur le Premier ministre – puisque, comme d’autres, vous avez utilisé cet argument – on ne peut pas comparer l’état d’urgence avec l’article 16, qui confère des pouvoirs exceptionnels au Président de la République en cas d’interruption du fonctionnement de nos institutions, ou avec l’état de siège, qui est une militarisation totale du pays en cas de guerre. Ce n’est pas la même chose.

Il n’y a donc aucune espèce de raison de constitutionnaliser cette loi, sauf des motifs qui tiennent, monsieur le Premier ministre, à l’habileté politique. C’est là, malheureusement, que nous nous séparons. Je crains fort que, depuis le 16 novembre, la fébrilité constitutionnelle du Gouvernement ne cache son impuissance à régler les problèmes concrets de la guerre contre le terrorisme, à commencer par la remise en ordre de nos services de renseignement, qui sont actuellement dans une situation plutôt chaotique, et le renforcement des moyens de nos forces de police et de défense.

Monsieur le Premier ministre, si nous subissons un autre attentat, ce qu’à Dieu ne plaise, je souhaite que, si vous devez expliquer les mesures que vous avez prises, vous puissiez mettre en avant autre chose que la réforme de la Constitution. Je crains donc que tout ce débat – pardon de le dire aussi crûment – ne soit qu’un enfumage général du pays.

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