Intervention de Sandrine Mazetier

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Pour ma part, je n’éprouve pas d’états d’âme à inscrire l’état d’urgence dans la Constitution. En effet, il y a un paradoxe à ce que soit le seul état d’exception à ne pas y figurer, alors qu’il a été le plus utilisé depuis 1958.

Cette situation n’est pas seulement paradoxale : elle me paraît aussi dangereuse. En effet, l’état d’urgence et les dispositions – adaptées ou non – de la loi de 1955 peuvent toujours être prorogés par la loi. Nous courons le risque que, dans d’autres temps, on applique toute la loi de 1955, y compris son article 12, qui autorise le recours à des tribunaux militaires en lieu et place de la justice ordinaire. Il est donc temps de subordonner l’application de l’état d’urgence au droit, ce qui est tout le sens, à mes yeux, de l’article 1er, à condition, toutefois, que la loi de 1955 soit abrogée et que soit adoptée une loi organique. En effet, celle-ci, par définition, sera moins susceptible d’être modifiée sans cesse, comme peut l’être la loi ordinaire. Cette loi organique devrait définir les modalités de l’état d’urgence et les mesures qu’il autorise pour une durée limitée. Or, l’avant-projet de loi d’application de l’article 1er que vous nous avez transmis, monsieur le Premier ministre, porte modification de la loi du 3 avril 1955, ce qui signifie que celle-ci n’est pas abrogée.

Par ailleurs, j’ai deux questions à vous poser sur le contrôle parlementaire. Premièrement, certains souhaitent inscrire ce contrôle dans la Constitution, ce que je comprends, mais n’y a-t-il pas là un risque de contradiction avec d’autres dispositions de la Constitution ? Deuxièmement, n’y aurait-il pas, par ailleurs, un risque d’exclure simultanément d’autres contrôles – je pense à ceux du Conseil constitutionnel ou du Conseil d’État – sur la nécessité et la proportionnalité des mesures prises sous le régime de l’état d’urgence ? Je ne doute pas, monsieur le Premier ministre, que vous pourrez répondre à ces interrogations.

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