Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle dont nous débattons participe d’une réponse globale à cette menace diffuse et malheureusement devenue permanente qu’est le terrorisme. Il y a donc à l’origine de ce texte un contexte fort et dramatique. Cette réponse, c’est le chef de l’État qui en est à l’origine, au lendemain des graves attentats de novembre 2015 qu’a connus notre pays.

La réforme constitutionnelle a deux versants : constitutionnaliser le dispositif de l’état d’urgence, en l’encadrant ; inscrire dans la Constitution une mesure juridique de rupture avec les criminels qui commettent ces actes ou y contribuent. C’est le Président qui a inspiré cette réforme et l’a proposée devant le Congrès, réuni pour entendre son message, même si c’est juridiquement le Premier ministre qui la porte devant nous aujourd’hui.

Sous la Ve République, il existe deux grands pouvoirs élus au suffrage universel direct : le Président de la République et l’Assemblée Nationale. La pratique constitutionnelle et politique fait du chef de l’État, depuis le début des années 1960, le mandataire de la nation entière. Elle le place sur un registre différent et indépendant, garant de l’unité de la nation devant le peuple qui l’élit. Il s’agit d’un constat, pas d’un jugement. La réforme proposée est une illustration de cette légitimité politique augmentée dont il est le dépositaire. Le Parlement doit en tenir compte.

Je fais partie des députés qui se sont interrogés sur la portée de ces propositions. Je fais partie des députés qui pensent qu’à plusieurs on est meilleurs que tout seul et qui veulent comprendre. Guy Carcassonne disait qu’un bon député n’est pas un député spécialiste, mais un député capable d’étonnement et d’interrogation. Face à un projet qui inscrit l’état d’urgence et le principe d’une sanction dans le texte de la Constitution, j’ai voulu comprendre.

J’ai d’autant plus voulu comprendre que j’ai une double nationalité et que je viens d’un pays qui a rejoint l’Europe, après avoir sombré sous le joug de ceux qui prétendaient le sauver. Je fais partie des députés qui ont souhaité une convergence entre l’exécutif et la majorité des députés, à la condition d’un effort de clarté et de garanties.

Concernant l’état d’urgence, il n’était pas inéluctable de le prévoir dans le texte au sommet de notre hiérarchie des normes. Mais, suite aux améliorations apportées par les amendements votés par la majorité, son inscription offre des garanties qui n’existaient pas avant, notamment grâce à son encadrement par le biais du vote et du contrôle parlementaires, ce qui est très positif. C’est notamment le Parlement qui établira les mesures de police administrative pouvant être prises par l’autorité civile. C’est le Parlement qui, par son vote, déterminera la durée maximale de son application.

S’agissant de la déchéance de nationalité, mesure ô combien discutée dans l’opinion et au sein de notre assemblée, je crois utile de rappeler quelques éléments. Cette sanction existe déjà dans notre droit, ainsi que dans des formes analogues à l’étranger. Il est à noter que, lors de la discussion parlementaire, en 2010, sur le projet de loi devenu la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, un amendement avait été discuté qui visait à faire encourir la perte de nationalité en cas de crime contre un agent public dépositaire de l’autorité publique.

Les députés socialistes avaient alors rappelé que si le législateur et le Conseil constitutionnel avaient, dès 1996, accepté une extension pour faits de terrorisme, c’était en raison de la nature particulière de ces actes qui manifestent clairement l’intention de ceux qui les commettent, non seulement de se placer en dehors de la République, mais de se poser en ennemi de la République. Autrement dit, le débat a déjà eu lieu.

Ce qui est nouveau, c’est l’introduction d’une référence à la perte de nationalité dans la Constitution. Ceci aurait pour effet de sanctuariser les conditions de cette déchéance, à la suite du Conseil constitutionnel, et d’empêcher une extension hors du cadre des atteintes les plus graves faites à la République. Cette inscription purgerait en quelque sorte le risque de voir l’extension de la sanction demandée pour des motifs n’ayant plus de lien avec l’atteinte grave à la vie de la nation.

Parallèlement, notre assemblée a fait évoluer le projet initial. Le texte amendé ne fait plus référence aux binationaux. Le mot même était un point de départ possible pour de nouveaux débats sur l’existence d’un lien qui, en aucun cas, ne permet de juger d’une différence de comportement à l’égard de notre pays. Le Premier ministre a, par ailleurs, pris l’engagement que notre pays ratifie les traités visant à prévenir l’apatridie.

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