Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

Ainsi encadré, l’état d’urgence présentera le niveau maximal de garanties.

L’article 2, relatif à la déchéance de nationalité, n’est pas revêtu de la même évidence. Cela tient probablement à la façon dont nous sommes entrés dans ce débat. Une majorité d’entre nous approuvent la volonté de marquer le fait que ceux qui choisissent de porter les armes contre la France et d’atteindre notre pays dans sa chair ne sauraient rester partie prenante de notre communauté nationale. Par la monstruosité de leurs actes, ils s’en excluent d’eux-mêmes.

Ce point ne fait pas débat quand bien même chacun est conscient du caractère anecdotique de la mesure en termes de prévention et de dissuasion. Le projet de loi constitutionnelle tel qu’il a été présenté par le Gouvernement instaurait une déchéance de nationalité limitée aux binationaux nés en France. Il ne me paraissait pas souhaitable – c’est là une question de principe – d’instaurer dans notre texte fondamental une distinction fondée sur la façon dont les uns ou les autres sont devenus Français. Ce serait introduire encore une rupture d’égalité alors que nous affirmons dès l’article 1er de la Constitution que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens.

Il me paraît évident et juste de sanctionner un terroriste en fonction de la nature du crime qu’il a commis et non en fonction de son origine. Aussi, la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement est plus équilibrée puisqu’elle n’ouvre plus dans le marbre de notre texte fondamental une brèche au principe d’égalité. La question, ensuite, des modalités pratiques d’application de la déchéance de nationalité restera en bonne partie entière à l’occasion de l’examen du texte législatif d’application de la réforme constitutionnelle dont nous débattons, quand bien même nos débats se nourrissent aussi de son anticipation.

Je constate le chemin parcouru et veux dire mon approbation des grands équilibres, tels qu’ils ont été présentés par le Premier ministre, à la fois devant la commission des lois la semaine dernière et depuis lors. Il en va ainsi de la judiciarisation de la sanction, dont le rapporteur a souligné qu’elle permettait de rappeler que les actes terroristes sont des crimes. Il est alors logique de judiciariser également l’autre sanction prévue par l’article 2, c’est-à-dire la déchéance de nationalité. Toute mesure de déchéance, quelle qu’elle soit, doit être une peine complémentaire, imposée par le juge judiciaire. Reste la question de l’opportunité de laisser ouverte ou non la possibilité de déchoir de leur nationalité des Français mononationaux, donc de créer des apatrides.

Sans renoncer aucunement aux objectifs auxquels la France a souscrit en signant la Convention de 1954 ainsi que la Convention sur la réduction des cas d’apatridie du 30 août 1961, notre pays doit se laisser cette possibilité, pour les cas exceptionnels, qui sont visés par la déchéance de nationalité, lors de crimes ou délits constituant une atteinte grave à la vie de la Nation. Il nous est permis d’exprimer des réserves sur ce point spécifique lors de la ratification de la Convention de New York, dans laquelle nous nous sommes engagés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion