Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, pour la première fois de cette législature, nous sommes amenés à préparer l’exercice de notre rôle de pouvoir constituant. Il ne s’agit pas là d’un moment anodin. Nous nous apprêtons à fixer la règle de fonctionnement de notre République pour les temps à venir, au-delà de notre propre mandat actuel.

Je pense parler au nom de certains d’entre nous quand je dis que c’est avec une grande humilité et davantage de réflexions et d’interrogations que de certitudes que nous entrons dans ce moment de la vie publique nationale. Le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation fait l’objet de plusieurs débats. Cela est légitime puisque ce texte, aussi bien par le moment difficile dans lequel il s’inscrit, que par son objet même, interroge ce que nous sommes et les valeurs que nous portons.

Le Premier ministre nous l’a rappelé : nous sommes en guerre. C’est une situation qui requiert des représentants que nous sommes de nous hisser à la hauteur des enjeux et des attentes de nos concitoyens. Il nous faut trouver l’équilibre pour doter les pouvoirs publics et le Gouvernement des moyens d’agir, pour contrer la menace qui nous fait face et qui nous a déjà durement frappés.

Il nous faut, dans le même mouvement, le faire « dans le respect de nos valeurs et sans rien perdre de ce que garantit l’État de droit », selon les mots du Président de la République prononcés à Versailles devant le Parlement réuni en Congrès. C’est cette double exigence qui doit nous animer, parce que nous sommes des républicains et des démocrates sincères. C’est cette double exigence qui doit nous conduire, à mon sens, à approuver la constitutionnalisation de l’état d’urgence par l’article 1erdu projet de loi.

L’inscription dans la Constitution de cet outil offre davantage de garanties que ne pourra jamais le faire la loi qui, jusqu’à présent, l’organisait et que nous avons été amenés à réformer au mois de novembre dernier. L’état d’urgence est et doit rester un état exceptionnel, un état répondant à une crise au sens étymologique du terme, c’est-à-dire une période appelant des décisions et des choix. L’inscription constitutionnelle le marque de ce sceau de l’exceptionnalité, que nous souhaitons tous lui conférer. L’état d’urgence s’inscrira donc désormais, à côté de l’état de siège et de la procédure de l’article 16 de la Constitution, comme l’un des outils de réponse à une crise majeure.

Le travail en commission, qui sera présenté en séance, nous permet d’encadrer son exercice, notamment par le contrôle parlementaire dont nous avons pu observer ces derniers mois toute l’utilité. Je veux en profiter pour saluer la qualité et l’exigence du travail réalisé à ce titre par Jean-Jacques Urvoas et Jean-Frédéric Poisson. À la constitutionnalisation du contrôle parlementaire, il nous faudra ajouter l’impossibilité d’une dissolution et le droit du Parlement à siéger pendant la durée de l’état d’urgence.

Il me paraît aussi souhaitable que le texte d’application que nous aurons à voter par la suite soit une loi organique, comme le préconisait le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République dans son rapport de 2007 et comme plusieurs voix l’ont exprimé en commission des lois.

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