Intervention de Patrick Mennucci

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mennucci :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous entrons dans ce débat constitutionnel comme nous sommes entrés à Versailles ; nous entrons ici, aujourd’hui, conscients de ce que nous sommes : les représentants de la nation. Et comme à Versailles, nous devons, au moment où nous nous saisissons de ce texte, avoir les yeux mouillés par les larmes du 13 novembre. Même si le temps a passé, même si le son des cloches des églises s’est tu, même si nous n’entendons plus les pleurs des mères, même si l’abomination des corps fauchés dans leur jeunesse sur les trottoirs de Paris s’est éloignée, même si la politique a repris le dessus – les oppositions, les débats, la polémique –, la question, la seule question qui vaille, est de savoir si nous serons dans les jours qui viennent capables d’être à la hauteur de la nation rassemblée dans le deuil de ceux qui sont tombés sous le feu de Daech.

Pour être à la hauteur de la protection de la nation, nous allons constitutionnaliser l’état d’urgence et sanctionner les terroristes en les expulsant de la nation, quelle que soit l’origine juridique de l’acquisition de leur nationalité française.

Je parlerai aujourd’hui essentiellement de la déchéance. Un important débat s’est ouvert sur ce sujet. Toute personne qui s’exclut elle-même de la communauté nationale, qui commet un crime contre la vie de la nation, doit pouvoir être exclue de cette dernière.

Des conditions très précises ont été fixées : tout terroriste pourra être déchu de la nationalité française s’il a commis un crime contre la nation. Ces conditions, je le fais remarquer à ceux qui se sont exprimés sur ce sujet avec parfois un peu de laisser-aller, notamment ce matin, sont beaucoup plus restrictives que celles qui existent aujourd’hui ; elles permettront de cibler bien plus précisément ceux qui s’en prennent à la nation. La déchéance de nationalité ne doit pas être une peine ordinaire ; ce sera une peine prononcée par le juge, une peine individuelle qui répondra à des menaces ou à des actes extrêmement graves.

Nous, députés socialistes, avons considéré qu’il ne pouvait y avoir de différence entre les Français qui n’ont qu’une nationalité et ceux qui en ont plusieurs. Nous avons refusé la stigmatisation d’une partie de nos concitoyens. Le long travail mené par les députés socialistes, par le président Le Roux, par les présidents successifs de la commission des lois – celui qui est rapporteur du texte et celui qui est devenu garde des sceaux –, nous a permis de lever un certain nombre d’inquiétudes, et l’on peut dire aujourd’hui que la façon dont la question de la déchéance de la nationalité est abordée est désormais convenable, parce qu’elle n’établit aucune différence de traitement, que l’on soit Français depuis quinze ans ou depuis quinze générations. Et votre décision, monsieur le Premier ministre, de présenter au Parlement la ratification de la convention des Nations unies de 1961 sur l’apatridie, signée par le général de Gaulle au coeur de la guerre d’Algérie, nous permettra de compléter ce dispositif.

Ce sont les terroristes qui ont quitté la nation. Ce sont eux qui ont pris les armes, qui ont chargé les kalachnikovs, qui ont pressé les détentes, qui ont vu les corps s’abattre – et l’on imagine leurs cris, leurs rires, leur joie mauvaise.

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