Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Eh bien, monsieur le Premier ministre, je vous invite à venir dans ma petite commune de Moult parler avec les enfants de l’école.

J’ai donc expliqué à cette jeune fille que nous allions faire tout un ensemble de choses, et qu’en particulier, à la demande du Président de la République qui venait de nous réunir en Congrès, nous allions modifier la Constitution. Pourquoi ? Parce que si la Constitution de 1958 est incontestablement très complète pour ce qui concerne les temps ordinaires, on peut considérer qu’elle ne l’est pas pour ce qui concerne les temps extraordinaires. En effet, chacun admettra que l’article 16 de la Constitution, qui fit jadis l’objet de multiples attaques de la part du président Mitterrand, est un élément d’équilibre de la Constitution, surtout depuis que nous lui avons donné un encadrement démocratique ; mais il y a aussi l’article 36, qui prévoit l’état de siège. J’ai donc essayé de comprendre si oui ou non, la Constitution était suffisamment précise, suffisamment balancée entre le temps ordinaire et le temps extraordinaire, et je suis aujourd’hui intimement persuadé que vous avez raison de vouloir inscrire dans la Constitution ce qui relève de ce que certains appellent « l’état de crise », d’autres « l’état d’urgence », d’autres enfin, dont je suis, « l’état de nécessité ».

Il fallait à l’évidence préciser un certain nombre de mesures qui relevaient de la loi du 3 avril 1955. Cette dernière, si elle a été jugée conforme à la Constitution, pose quand même certains problèmes puisqu’elle confère le pouvoir de supprimer la possibilité de se réunir, de manifester ou d’organiser des spectacles – c’est-à-dire ce qui fait l’essence même d’une société démocratique.

Alors oui, monsieur le Premier ministre, il est nécessaire d’inscrire l’état de nécessité, ou « état d’urgence », dans la Constitution, et il est nécessaire de faire ce que vous-même et le garde des sceaux avez exigé, à savoir prévoir un contrôle par le Parlement des mesures prises par l’exécutif.

Fallait-il en revanche conserver la notion d’état de siège ? Très franchement, je ne le crois pas – et je voudrais essayer de vous en persuader. Si nous insérons un article 36-1, nous conforterons l’article 36, puisque nous inscrirons ces nouvelles dispositions à l’intérieur de ce dernier : ne pas modifier l’état de siège, cela revient à le conforter. Or qu’est-ce que l’état de siège ? C’est une notion qui renvoie à l’Ancien régime, lorsque tous les pouvoirs étaient donnés au responsable d’une société assiégée. Cela n’a plus rien à voir avec la vie actuelle. J’ai regardé quels étaient les pouvoirs en question : il s’agit de pouvoirs considérables, donnés à une seule personne. En outre – et c’est ce qui, en tant que juriste, m’inquiète fortement –, l’état de siège prévoit la suppression du pouvoir judiciaire au profit du pouvoir militaire : non seulement les pouvoirs civils sont transférés au pouvoir militaire, mais l’autorité judiciaire est confiée au pouvoir militaire, lorsque celui-ci le demande. Comment peut-on imaginer cela après que l’on a supprimé la Cour de sûreté de l’État et les tribunaux militaires des forces armées ? Cela ne correspond plus à rien ! Il faut donc supprimer cet article 36.

Je pense que grâce à ce qui a été inscrit dans l’article 2, ainsi que dans l’article 1er, l’union de la France et l’état de droit vont être confortés.

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