Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 16 janvier 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Ni l'article 34 du code civil, relatif aux actes d'état civil qui incombent aux officiers d'état civil, ni l'article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales, qui précise les attributions exercées au nom de l'État par les officiers ministériels, ne prévoient la clause de conscience. L'objection de conscience fut instaurée dès les années 60, mais pour des jeunes conscrits refusant d'obtempérer à un ordre de guerre ; elle ne peut être invoquée pour autoriser des officiers d'état civil à s'affranchir de leurs obligations légales. Nous pensons d'ailleurs que les maires responsables et consciencieux respecteront la loi, quelles que soient leurs convictions intimes.

De surcroît, ce que vous voulez ranger sous la « clause de conscience » heurte des droits et libertés constitutionnels, tels que la neutralité du service public, le droit au mariage, l'égalité devant les droits et le principe de non-discrimination. Je ne doute pas que le Conseil constitutionnel, le cas échéant, réagirait.

La future loi s'imposera aux officiers d'état civil. Des sanctions administratives ou pénales sont déjà prévues pour les officiers d'état civil, au premier rang desquels les maires, qui s'affranchissent des obligations légales ; ceux qui feraient ce choix accepteraient donc de s'y exposer. M. Mamère a ainsi été sanctionné après avoir célébré un mariage qui n'était pas prévu par le droit.

Hier, enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a confirmé la décision de la justice du Royaume-Uni, qui avait condamné un officier d'état civil à un licenciement après qu'il eut refusé de célébrer un partenariat civil entre deux personnes de même sexe. La Cour, saisie sur le fondement des articles 14 et 9 – relatifs, d'une part, aux discriminations et, de l'autre, à la liberté religieuse et à la liberté de conscience – de la Convention européenne des droits de l'homme, a estimé que le but poursuivi, à savoir la signature du partenariat entre deux personnes de même sexe, était légitime, et que l'effet pénal de la désobéissance de l'officier d'état civil n'était pas disproportionné.

Vous me dites, monsieur Fenech, que vous n'accepterez jamais de me remettre votre livret de famille ; mais il se trouve qu'il ne me viendra jamais à l'esprit de vous le demander, ni à titre personnel ni à titre officiel. Je me demande néanmoins si cet argument ne constitue pas le prochain leurre que vous allez répandre dans l'opinion.

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