Intervention de Isabelle Le Callennec

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Cette proposition de loi de notre collègue Christian Estrosi, désormais président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), vise à favoriser le développement régional de l'apprentissage. Celui-ci a subi de lourdes attaques au début du quinquennat de François Hollande : suppression des primes, division du crédit d'impôt par deux, réforme du circuit de la taxe. Le résultat fut immédiat, dans toutes les régions : fin 2014, la baisse des aides avait atteint 550 millions d'euros et les entrées en apprentissage ont reculé de près de 11 % en deux ans.

Ce n'est pas faute d'avoir alerté le Gouvernement ! J'en veux pour preuve les questions d'actualité répétées du groupe Les Républicains, ou encore la proposition de loi de notre collègue Gérard Cherpion, examinée en octobre 2014. Votre motion de rejet préalable était le signe de votre entêtement à privilégier les contrats aidés au détriment des contrats d'apprentissage qui affichent pourtant un taux d'insertion durable très supérieur : 70 % et jusqu'à 90 % dans certaines filières.

Sans mea culpa, mais en finissant par reconnaître implicitement une grave erreur, le Président de la République a annoncé 500 000 apprentis en 2017 et tenté de corriger le tir : plusieurs plans de relances successifs, la création de nouvelles primes d'apprentissage plus restrictives, puis l'aide TPE-apprentis inscrite en loi de finances 2016, sans oublier les mesures d'assouplissement incluses dans le plan pour l'emploi. Malheureusement, les liquidations judiciaires se sont entre-temps multipliées sur le territoire, notamment chez les artisans, principaux employeurs d'apprentis.

Comme pour le plan des 500 000 chômeurs en formation, le Président de la République veut désormais s'appuyer sur les régions – probablement pour partager les responsabilités, mais aussi les financements. Cette proposition de loi tombe donc à pic en proposant des solutions pragmatiques qui ne manqueront pas de susciter le débat.

La création des banques régionales de l'apprentissage permettrait de faciliter le lien entre apprentis et entreprises et de susciter une véritable émulation à l'échelle des territoires. On peut imaginer qu'une telle banque favorisera également le diagnostic des besoins des entreprises et des formations à encourager, et de ce fait le développement d'un « écosystème » de l'apprentissage.

Le texte propose de transférer la compétence en matière de lycées professionnels de l'éducation nationale à la région. En effet, c'est désormais en commission permanente du conseil régional qu'on arrête la carte des formations ; mais il s'agit cette fois-ci d'aller au bout de la logique de décentralisation de l'apprentissage, renforcée par la loi du 5 mars 2014, en unifiant au niveau de la région l'ensemble des offres de formation professionnelle initiale. Favoriser la synergie plutôt que les doublons ou la concurrence entre CFA et lycées professionnels contribuera à instaurer une dynamique forte en matière d'orientation, de formation et d'insertion durable. Je suis bien placée pour savoir que le président de la région a le dernier mot : nous essayons, sur mon territoire, de faire valider un baccalauréat professionnel en apprentissage dans les métiers de maintenance, mais le refus de la région a été net, alors que les besoins sont là et les entreprises, prêtes à embaucher les jeunes. C'est difficile à accepter, même s'il existe des possibilités de recours.

En tant qu'oratrice du groupe, je dois à mes collègues l'honnêteté de reconnaître que la possibilité de conclure un contrat d'apprentissage dès quatorze ans ne fait pas l'unanimité dans nos rangs. La loi Cherpion de 2011 prévoyait l'accès à un dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA), sous statut scolaire, pour les jeunes de quatorze ans. Cette disposition a été supprimée par l'actuelle majorité, mais l'amendement AS6 de notre rapporteur à l'article 3 propose de la réhabiliter. Au-delà de la question de l'âge minimum d'accès à l'apprentissage, nous maintenons que le collège unique est en partie responsable de l'échec scolaire et qu'encore trop de jeunes sont orientés vers la voie professionnelle par défaut. Les régions qui sont désormais chargées du service public de l'orientation ont là aussi un rôle majeur à jouer.

Parce qu'elle tente de mieux encadrer l'apprentissage pour en faire une voie de réussite, voire d'excellence, parce qu'elle aligne les conditions de travail des apprentis sur celles des salariés, moyennant toutes les mesures de sécurité nécessaires – ni plus ni moins –, cette proposition de loi recueillera le soutien du groupe les Républicains. Je déplore que la majorité ait déposé des amendements de suppression de chacun des articles ; cette attitude ne va pas dans le sens de l'unité nationale à laquelle le Premier ministre ne cesse de nous appeler.

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