Intervention de Antoine Herth

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth, rapporteur :

Le secteur agricole et agroalimentaire est le deuxième secteur économique. Il est donc nécessaire de renforcer le travail parlementaire.

Vous dites ensuite, Monsieur Yves Blein, comme Madame Jeanine Dubié, que l'essentiel des mesures est d'ordre réglementaire. C'est vrai. Mais, quand nous allons sur le terrain, en tant que députés, on nous dit que cela ne marche pas bien et on nous demande de faire en sorte que cela change. Nous retournons à Paris, nous posons une question au Gouvernement ou une question orale sans débat, nous écrivons au ministre… À part cela, nous n'avons aucun levier pour agir. J'ai essayé, à travers les amendements que je propose, de voir ce que nous pouvions changer sur le plan législatif pour que la situation s'améliore ensuite sur le plan réglementaire. Mais vous avez, en effet, mis le doigt sur une difficulté : nous sommes en première ligne et nous n'avons pas les manettes. Comment mieux répondre aux attentes de nos concitoyens ?

M. Daniel Fasquelle a bien identifié le problème des charges et des règles. L'une de nos missions est d'accompagner les secteurs économiques français : nous parlons aujourd'hui de l'agriculture, mais, demain, ce sera du secteur aéronautique ou des télécommunications. Dans tous les cas, il faut faire en sorte que le cadre réglementaire permette à nos entreprises d'exprimer tout leur potentiel. L'agriculture française détient des atouts exceptionnels : il ne lui manque que la possibilité d'en jouer de la façon la plus efficace pour créer des emplois et relancer l'économie.

Je vous remercie, Monsieur Thierry Benoit, d'avoir rappelé votre attachement au fait que les étiquetages ne soient pas falsifiés. Vous vous opposez au logo « Transformé en France », qui peut malheureusement cacher des processus n'ayant aucun rapport avec la production nationale. Je vous rejoins tout à fait à ce propos.

Je vous remercie également d'avoir corrigé une omission en rappelant que la question des contrôles et les propositions que vous formulez sont aussi issues du travail de la députée Frédérique Massat, qui a été très peu citée ce matin, mais qui est également une grande source d'inspiration.

Madame Michèle Bonneton, je pense avoir largement répondu par anticipation à vos remarques, notamment sur la question de l'industrialisation. Il n'y a pas à opposer qualité et non-qualité. Il y a des qualités, avec des critères objectifs tels que la qualité sanitaire ou la qualité gustative, et des critères subjectifs, comme la qualité d'image, de réputation, de marque ou de démarche idéologique, qui sont rattachés à ces produits. Il y a de la place pour toutes ces qualités sur des marchés diversifiés.

Monsieur Chassaigne, je vous remercie pour la modération de votre propos, dont je serais tenté de dire que je le partage en grande partie. Moi non plus, je ne suis pas un fervent adepte du libéralisme. Ce n'est pas le code génétique de l'économie française. J'ai eu l'occasion d'aller à Reims l'automne dernier. En face de la gare, dans un parc, se dresse la statue de Jean-Baptiste Colbert. Je me suis dit que, finalement, c'était cela, le code génétique de la France : l'interaction entre les acteurs économiques et l'État. C'est la particularité de notre pays dans le concert européen, mais c'est aussi ce qui fait notre difficulté et qui explique que nous soyons minoritaires dans notre approche de ces sujets.

J'ai terminé mon propos liminaire en disant qu'il nous faudra reconstruire des outils de solidarité. Cela signifie qu'il faut que nous nous demandions comment convaincre nos partenaires européens que l'intervention de l'État est indispensable dans certains secteurs, en particulier dans le domaine agricole. Je pense, Monsieur André Chassaigne, que nous pouvons être d'accord sur ce point.

En ce qui concerne la remise en cause de la sécurité sociale, en revanche, je ne partage pas votre idée. Je sais que le parti communiste a été l'un des piliers de la construction de notre protection sociale à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, au côté d'un Gouvernement d'union nationale. Je vous rappelle que beaucoup de Français, aujourd'hui, disent qu'il serait bon de faire, comme à l'époque, l'union nationale pour apporter des réponses aux problèmes qu'ils vivent au quotidien.

Ce que nous proposons, avec la TVA sociale, ce n'est pas de casser le système, mais de le compléter, c'est-à-dire de créer une assiette supplémentaire par rapport à l'assiette essentielle, la taxation des salaires, complétée ensuite par la contribution sociale généralisée, à l'initiative de Michel Rocard. Aujourd'hui, nous proposons d'élargir cette assiette avec la TVA. Ce sont des organisations syndicales de gauche qui ont été les premières à proposer la TVA sociale comme réponse à notre déficit démographique, qui entraîne celui de la sécurité sociale. C'est encore plus vrai à propos des emplois peu qualifiés, pour lesquels se pose un problème de distorsion.

Madame Annick Le Loch, vous avez évoqué le sentiment d'abandon qu'éprouvent les agriculteurs, en particulier les éleveurs, et je salue le travail que vous menez avec Monsieur Thierry Benoit, sous la présidence de Monsieur Damien Abad, au sein de la mission d'information sur l'avenir des filières d'élevage.

Monsieur Jean-Claude Mathis a parlé de la reprise des exploitations agricoles, un sujet que je vais aborder au moyen d'un amendement. Le bilan d'une exploitation est composé des capitaux propres — le passif — et de l'endettement — l'actif. Il me semble qu'il serait utile de pouvoir intégrer à ce bilan, comme on le fait pour d'autres types d'entreprises, des porteurs de capitaux extérieurs. Cela permettrait d'éviter qu'un agriculteur passe toute sa carrière à rembourser des prêts pour se retrouver, lorsqu'il cesse son activité, dans l'impossibilité de transmettre une structure complète et fonctionnelle.

Monsieur Dominique Potier ne dit pas autre chose quand il parle de surcapitalisation. Il n'est pas question du foncier dans cette proposition de loi, mais la loi d'avenir sur l'agriculture a déjà largement évoqué ce sujet, sur lequel il ne me paraît pas opportun de revenir dans la précipitation : les règles relatives au statut du fermage doivent être abordées avec la plus grande précaution. En dépit de l'évolution législative qui s'est accomplie en la matière au cours du demi-siècle qui vient de s'écouler, on s'aperçoit, lorsqu'on se rend sur le terrain, que certaines pratiques coutumières remontant parfois à l'Ancien Régime sont toujours d'actualité. C'est dire la capacité de résilience - pour ne pas dire de résistance - dans ce domaine.

Monsieur Dino Cinieri, je sais que la question des indications géographique protégée (IGP) vous motive tout particulièrement, et nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen des amendements.

Monsieur Arnaud Viala a évoqué les formats juridiques des exploitations agricoles, qui constituent un sujet très important. On oppose trop souvent l'agriculture familiale à l'agriculture sociétaire, alors que les deux formes d'exploitation sont complémentaires. Lorsqu'une exploitation sans structure sociétaire est confrontée à des difficultés et finit par être mise en liquidation, l'exploitant perd tout, y compris sa maison et ses effets personnels — même la niche du chien y passe ! Pour une exploitation familiale, le fait d'adopter la structure sociétaire permet d'écarter ce risque et de protéger les familles concernées, en séparant le bien professionnel du bien privé. Nous devons continuer à travailler sur cette question.

Madame Valérie Lacroute, vous avez introduit dans le débat le thème de la région, auquel je tiens beaucoup. En France, il est d'usage de discuter et de décider à Paris, avant que les règles ne s'appliquent sur l'ensemble du territoire. Si ce n'est pas une mauvaise chose, il faut reconnaître que, en matière d'agriculture, la diversité des territoires, des bassins et des types de production et de marché justifie que le débat national soit complété par un débat ancré au sein des territoires. Je n'étais pas favorable à la nouvelle carte des régions, mais, puisqu'elle est aujourd'hui une réalité, j'estime que les nouvelles régions ont vocation à constituer le support du débat d'orientation des stratégies sur les territoires agricoles.

Messieurs Bernard Reynès et Jean-Claude Bouchet ont exprimé de légitimes préoccupations relatives au secteur des fruits et légumes. À ce sujet, il me paraît important de rappeler que, à défaut de réponse rapide sur les charges de main-d'oeuvre, le secteur des fruits et légumes va forcément subir un repli, à moins qu'il ne fasse le choix de la robotisation. J'ai eu l'occasion de voir l'année dernière, lors du salon de la machine agricole, les premiers robots servant à entretenir des rangées de légumes. Fort bien, mais ne perdons pas de vue que, en adoptant cette solution, nous perdrions l'un des principaux leviers de création d'emplois dans le monde rural ! Sachons donc revenir rapidement à l'essentiel, à savoir le niveau de charges sur les salaires des emplois peu qualifiés.

La question de la résilience évoquée par Monsieur Damien Abad est fondamentale. Nos concurrents américains ont basé l'essentiel de leur politique d'accompagnement sur la mise en oeuvre de systèmes assurantiels, qui n'en sont qu'à leurs balbutiements en Europe. Bien que le ministre de l'agriculture travaille très régulièrement sur ce point, les avancées sont encore limitées et, de ce point de vue, je ne doute pas que les travaux de la mission d'information soient très utiles.

Messieurs Lionel Tardy et Jean-Charles Taugourdeau ont insisté sur le cadre fiscal de l'entreprise. J'ai beaucoup hésité au sujet de l'article de la proposition de loi exonérant les exploitants agricoles de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, dans la limite de soixante hectares de surface agricole utilisable : cette disposition me semble extrêmement compliquée à mettre en oeuvre. En revanche, je reste persuadé qu'il est indispensable de réfléchir à un autre système fiscal, peut-être en nous inspirant de ce qui se fait dans le monde de l'entreprise en général, notamment en matière d'impôt sur les sociétés ou de contribution économique territoriale, ce qui a remplacé la taxe professionnelle. Remettre tout le dispositif à plat en partant d'un principe simple, à savoir que l'installation d'un élevage ou d'une unité de transformation de produits agricoles sur un territoire dégage des revenus dont la collectivité doit tirer un revenu, permettrait de régler nombre de questions, notamment celles relatives aux installations classées ou aux difficultés d'accompagnement du développement des activités agricoles.

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