Intervention de Manuel Valls

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de revenir dans cette salle de la commission des Lois où j'ai siégé durant cinq ans en tant que député – je retrouve des visages familiers – et où je suis aussi intervenu en tant que ministre de l'Intérieur.

Je salue l'action de M. Jean-Jacques Urvoas à la tête de votre Commission. Chacun connaît sa rigueur intellectuelle mais aussi son indépendance et sa cohérence. À mon tour, comme l'a fait ce matin le Président de la République, je veux également saluer l'action de Christiane Taubira.

En janvier et en novembre 2015, notre pays a été frappé par le terrorisme islamiste, par des actes de guerre. Onze autres tentatives ont été évitées l'an dernier, dont deux au mois de décembre.

La France est visée ; elle l'est au plus haut point. Elle n'est pas la seule. Si le bilan pour 2015 n'est pas encore connu, une étude internationale de référence établit qu'en 2014, le terrorisme a causé plus de 32 600 victimes dans quatre-vingt-treize pays, soit une augmentation de 81 % en un an. Onze pays ont enregistré plus de 500 morts. La moitié des victimes de ces actes terroristes dans le monde est le fait de Daech ou de Boko Haram.

Depuis le début du phénomène, chiffre sans précédent, les filières terroristes syro-irakiennes ont impliqué, ou impliquent encore, près de 2 000 personnes. Plus de 1 000 individus ont fait le voyage : 600 sont encore sur place, 154 y ont été tués, et plus de 250 en sont repartis.

Nous sommes entrés dans un nouveau monde, dans une réalité particulièrement dure qui vient faire basculer une forme d'insouciance dans des pays qui vivaient en paix. La France, parce qu'elle est la France et qu'elle porte en elle une vision du monde et des valeurs universelles, se situe en première ligne. Les terroristes contestent notre engagement diplomatique et militaire. Mais ce qu'ils contestent avant tout, c'est notre modèle démocratique, nos libertés, notre idéal de laïcité, notre art de vivre. Les terroristes cherchent à nous déstabiliser, et à s'engouffrer dans les failles qui traversent notre société.

La gravité du moment nous oblige. Les Français attendent de nous que nous soyons, collectivement, quelles que soient nos sensibilités, à la hauteur des défis et de leur exigence. Une éthique de responsabilité collective s'impose.

Être à la hauteur, c'est donner davantage de moyens à nos forces de l'ordre, à nos services de renseignement, à nos armées ; c'est ce qu'a décidé le Président de la République, et ce que le Parlement a souvent approuvé de manière très large, ce que je salue.

Être à la hauteur, c'est poursuivre et intensifier notre action militaire pour frapper Daech et les groupes terroristes à la racine. La France assume son rôle de grande puissance.

Être à la hauteur, enfin, c'est adapter notre loi fondamentale à cette guerre nouvelle. Cet engagement, le Président de la République l'a pris devant vous. Il l'a pris devant la représentation nationale réunie en Congrès à Versailles. Il l'a donc pris devant la France. Il a réuni ainsi, d'une certaine manière, les conditions du rassemblement de la Nation.

Depuis le 13 novembre, le Parlement est étroitement associé aux réponses que nous apportons. Le 15 novembre, les groupes parlementaires et les formations politiques étaient reçus à l'Élysée. Le 16 novembre, vous étiez réunis en Congrès pour entendre le Président de la République. Le 19 novembre, vous votiez, à l'Assemblée nationale, l'état d'urgence, adopté le lendemain dans les mêmes termes par le Sénat et promulgué dès le 20. Le 25 novembre, vous autorisiez la prolongation de l'engagement des forces aériennes en Syrie. À chacune de ces dates, j'ai tenu à être devant vous. Il est donc naturel que je le sois à nouveau aujourd'hui pour ce projet de révision constitutionnelle, projet qui s'inscrit, je veux insister sur ce point, dans le fil de notre stratégie antiterroriste ; dans le fil du plan de lutte contre les filières terroristes, adopté par le Conseil national du renseignement en avril 2014 ; dans le fil, enfin, de la réforme du renseignement intérieur et territorial, des renforcements successifs des effectifs et des moyens, techniques et budgétaires accordés aux services de renseignement, d'investigation, et plus généralement de sécurité.

Ce projet s'inscrit également dans le contexte d'une refonte globale du cadre juridique applicable aux services de renseignement. Elle a permis de conforter les moyens d'investigation dont ils disposent au service de la détection des terroristes et de leurs projets, avec une saisie aussi fréquente que possible de l'autorité judiciaire.

J'en viens au premier élément du projet de loi constitutionnelle : l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution.

Vous connaissez la succession des événements : dans les trois heures qui ont suivi les attentats, dès le 13 novembre au soir, le Conseil des ministres décidait le déclenchement de l'état d'urgence. Et, dès l'examen parlementaire du projet de loi de prorogation, le Gouvernement proposait au Parlement de moderniser la loi de 1955.

Il était nécessaire d'aller plus loin en donnant un fondement constitutionnel incontestable au régime de l'état d'urgence. Les juristes que le Gouvernement avait consultés informellement le recommandaient, et le Conseil d'État l'a officiellement confirmé dans son avis du 11 décembre.

Je veux exposer brièvement les trois motifs qui justifient d'inscrire l'état d'urgence dans la Constitution.

Premièrement, le régime de l'état d'urgence est d'abord le régime de circonstances exceptionnelles le plus fréquemment utilisé sous la Ve République ; mais aussi le seul qui ne soit pas inscrit dans la norme juridique la plus haute. Cela pose un vrai problème au regard de la hiérarchie des normes. Le bloc de constitutionnalité s'est considérablement enrichi depuis les débuts de la Ve République. Il faut donc pouvoir justifier, au regard de la jurisprudence constitutionnelle, l'ensemble des pouvoirs temporaires et dérogatoires conférés aux autorités civiles dans le cadre de l'état d'urgence. Conférer une base constitutionnelle à l'état d'urgence, c'est consolider les mesures de police administrative définies par la loi de 1955.

Deuxièmement, il convient de parachever la révision de la loi de 1955. Certaines mesures n'ont pu être inscrites dans la loi du 20 novembre en raison de contraintes jurisprudentielles. Un projet de loi ordinaire permettra de préciser les conditions de déroulement des perquisitions administratives et d'assignation à résidence. II créera une mesure de retenue de brève durée, permettant de garder sur place la personne visée pendant les opérations de perquisition, pour une durée maximale de quatre heures, durée maximale habituellement applicable à la vérification d'identité. Si la personne visée le demande, l'autorité judiciaire sera immédiatement prévenue et aura la possibilité de mettre fin à la mesure si elle l'estime non justifiée. En outre, lorsque des documents liés à l'objet de la perquisition ne peuvent être matériellement exploités pendant les opérations – s'ils sont, par exemple rédigés dans une langue étrangère –, un régime de saisie temporaire à durée limitée, de quinze jours, sera prévu. Il en ira de même lorsque l'exploitation ou la copie sur place des matériels informatiques ne sera pas techniquement possible. Enfin, si la perquisition permet de révéler un autre lieu fréquenté par la personne visée, un droit de suite permettra de réaliser une perquisition en urgence dans cet autre lieu.

Troisièmement, il s'agit d'empêcher la banalisation de l'état d'urgence ou tout recours excessif. C'est le rôle de la norme la plus haute d'en encadrer les principes essentiels, c'est-à-dire la caractérisation des motifs de déclenchement, le fait de subordonner ce déclenchement à une décision prise en conseil des ministres, et le fait de confier au Parlement la prérogative de pouvoir, seul, le proroger au-delà de douze jours.

L'état d'urgence s'inscrit pleinement au sein de l'État de droit. En 2016, il est grand temps d'en tirer les conséquences en l'inscrivant dans la Constitution, c'est-à-dire aussi d'en protéger les critères essentiels – toute modification étant en effet conditionnée à une majorité de trois cinquièmes des parlementaires.

Le Président de la République avait pris l'engagement que le Parlement serait informé très étroitement des conditions de mise en oeuvre de l'état d'urgence, et que tout serait fait pour faciliter le contrôle parlementaire. Cet engagement a été tenu. Et je veux remercier tout particulièrement la commission des Lois et M. Jean-Jacques Urvoas, qui fut son président jusqu'à il y a quelques heures à peine, pour leur engagement remarqué dans ce domaine. Certains amendements proposent de constitutionnaliser l'existence et la nature de ce contrôle parlementaire au rang des principes essentiels. Le Gouvernement est très ouvert sur ce sujet et pourra se rallier à une formulation de cette nature.

D'autres amendements proposent de constitutionnaliser un plafond temporel, par exemple, de quatre mois, à la prolongation de l'état d'urgence par les parlementaires. Cette limitation des prérogatives du Parlement ne présente pas que des avantages. Elle pourrait ne pas s'adapter à certaines crises civiles. Mais le Gouvernement souhaite écouter tous les arguments présentés à ce sujet pendant la discussion et poursuivre le dialogue, sans a priori.

La constitutionnalisation du principe d'incompatibilité entre la procédure de dissolution parlementaire et la mise en oeuvre de l'état d'urgence est plus délicate. Si l'état d'urgence avait été déclaré en mai et juin 1968, le Général de Gaulle aurait-il pu dissoudre l'Assemblée nationale ? Je ne doute pas que nous débattrons de ces questions en séance publique.

Je ne reviens pas aujourd'hui en détail sur les conditions de mise en oeuvre de l'état d'urgence. Nous en discuterons également très prochainement à l'occasion de l'examen du projet de loi portant nouvelle prorogation, qui sera délibéré mercredi prochain en conseil des ministres. Il a été inscrit à l'ordre du jour du Sénat du 9 février prochain. Je dirai simplement qu'il y a eu, sous l'autorité du ministre de l'Intérieur et des préfets, une application maîtrisée, contrôlée et encadrée. Elle s'est efforcée de tenir compte des observations faites au cours du contrôle parlementaire et de l'examen des recours juridictionnels.

À ce jour, 3 234 mesures de perquisitions administratives ont été décidées. Mais cela reste ciblé sur des personnes particulièrement signalées au regard des milliers de personnes concernées par la radicalisation violente. Le nombre des mesures d'assignation à résidence, par nature restrictives de liberté, est resté beaucoup plus réduit. Il concerne ou a concerné 406 personnes.

En outre, il faut souligner l'usage décroissant dans le temps depuis le début de l'état d'urgence du recours à ces mesures, et c'est normal. Ces dispositions demeurent toutefois très utiles, soit lorsqu'il faut traiter de nouveaux dossiers, soit lorsque des éléments inquiétants supplémentaires sont relevés à l'égard de personnes n'ayant pas justifié jusque-là une telle mesure.

Cette mise en oeuvre s'est accomplie dans l'entier respect des prérogatives de l'autorité judiciaire s'agissant des affaires sur lesquelles elle avait ouvert des enquêtes. Par ailleurs, toute nouvelle infraction constatée a été immédiatement portée à sa connaissance, entraînant un dessaisissement de l'autorité administrative.

Ces mesures ont permis, et permettent encore, d'accélérer le travail de renseignement sur la mouvance islamiste radicale.

Chacun, y compris les observateurs qui jouent leur rôle de contre-pouvoir, doit bien mesurer l'intérêt de ces mesures pour déstabiliser ceux qui soutiennent, encouragent ou participent aux filières du terrorisme, que ce soit directement ou indirectement.

À l'inverse, tout ce qui est fait en matière d'antiterrorisme depuis le 13 novembre ne relève pas de l'état d'urgence. Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, préparé par le ministère de la Justice, comprendra ainsi de nouvelles mesures, indépendantes de l'état d'urgence. J'ai eu l'occasion de dire, en répondant, hier, au président Roger-Gérard Schwartzenberg, lors des questions au Gouvernement, que nous examinerons aussi avec la plus grande attention les solutions avancées par le Sénat au travers de la « proposition de loi Bas-Mercier ».

Personne ne peut préjuger des événements à venir. Avec la diffusion toute récente de la vidéo de Daech, nous voyons bien quel est l'état de la menace. Mais le régime d'état d'urgence est un régime d'exception nécessairement borné dans le temps. Le constitutionnaliser ne revient bien sûr en rien à instaurer un état d'urgence permanent.

L'autre élément de cette révision constitutionnelle, le second article du texte, porte sur l'extension de la déchéance de la nationalité française à l'encontre de coupables condamnés pour des faits constitutifs d'atteintes graves à la vie de la Nation. Par cette expression, le projet du Gouvernement englobe des crimes de terrorisme, de trahison, d'espionnage, ou de gravité comparable pour la vie collective nationale.

Le Gouvernement mesure l'intensité du débat sur ce sujet. Il respecte tous les points de vue qui se sont exprimés, et je me présente devant vous avec l'intention d'être fidèle aux engagements pris par le Président de la République devant le Congrès le 16 novembre dernier, et avec la volonté de répondre aux interrogations politiques, morales et juridiques qui ont pu s'exprimer.

Je souhaite réaffirmer de manière très solennelle les valeurs et les objectifs poursuivis par le Gouvernement, et formuler certaines propositions permettant, je l'espère, le rassemblement le plus large possible.

Rappelons que la déchéance de la nationalité a une histoire juridique et politique, étroitement liée à celle de la République.

Cette mesure, originellement introduite pour combattre l'esclavagisme en 1848, a été élargie au XXe siècle comme moyen de sanction à l'encontre des citoyens ayant choisi de servir des puissances ennemies. Prévue initialement à titre temporaire par les lois de 1915 et 1917 à l'encontre des Français naturalisés, cette sanction a été consolidée par la loi du 10 août 1927. Notons d'ailleurs, que ce texte, voté sous le gouvernement d'Union nationale de Raymond Poincaré, attribue à l'autorité judiciaire la compétence pour prononcer cette sanction.

Avec la montée des tensions en Europe à la fin des années 1930 et la perspective d'un nouveau conflit, la décision fut prise en 1938 par décret-loi de confier le prononcé de cette sanction à l'autorité administrative. Toutefois, ce texte subordonnait la déchéance à une condamnation pénale préalable, marquant à nouveau l'importance attachée à l'intervention de l'autorité judiciaire.

Depuis, la déchéance de nationalité a toujours fait partie du droit républicain, pour sanctionner l'acte délibéré portant trahison des intérêts fondamentaux de notre pays avec la volonté de fragiliser ses institutions ou d'attenter à sa stabilité. La loi du 22 juillet 1996, qui la prévoit pour les actes terroristes, s'est inscrite dans cette filiation républicaine.

Bien sûr, chacun ici éprouve la plus grande répulsion face aux déchéances collectives ordonnées par le régime de Vichy. En ce domaine comme dans bien d'autres, ce régime a subverti le droit républicain au service d'une politique inique, raciste et discriminatoire. Mais, gardons-nous des raccourcis et ne confondons pas des décisions prises après condamnation par des tribunaux libres et indépendants avec ce pan sombre de notre histoire ! Le souvenir de Vichy ne doit jamais effacer la longue histoire de la République. Au lendemain de ces heures terribles, le général de Gaulle a également pris des décisions pour rappeler cette histoire.

Enfin, ayons à l'esprit une autre étape importante qu'a constituée la loi du 16 mars 1998, adoptée par le Parlement sur proposition du gouvernement de Lionel Jospin. Elle transcrit dans notre droit positif les accords internationaux humanitaires adoptés après-guerre, qui interdisent la création d'apatrides.

Tout dans l'histoire républicaine rappelle donc que la déchéance de nationalité est un acte exceptionnel, rare, qui sanctionne des comportements graves de rupture avec la communauté nationale. De nombreuses déchéances ont été prononcées depuis plusieurs années. Depuis 2012, le ministre de l'Intérieur a engagé des déchéances de nationalité. Cette histoire républicaine, c'est bien celle dans laquelle a voulu s'inscrire le Président de la République après les attentats commis au cours de l'année 2015. La rupture et la déchirure avec la communauté nationale appellent une réponse de l'État.

Dans son avis du 11 décembre 2015, le Conseil d'État, saisi par le Gouvernement, établit que l'extension du régime de la déchéance devait passer par une mention dans la Constitution, d'où ce projet d'article 2. Néanmoins, dans le souci d'avancer, et, je le répète, d'aboutir à un rassemblement le plus large possible, ou de lever des ambiguïtés, le Gouvernement a décidé, en accord avec le Président de la République, de proposer une nouvelle rédaction. Elle repose sur les principes qui suivent.

Premièrement, aucune référence à la binationalité ne figurera dans le texte constitutionnel, ni a priori dans la loi ordinaire. Seuls les principes prévus par la Convention internationale de 1954 et par la loi du 16 mars 1998, qui proscrivent la création de nouveaux apatrides, devront continuer à figurer dans notre droit positif. La France s'engagera d'ailleurs dans la ratification de cet accord qu'elle a signé dès 1955.

Deuxièmement, le principe d'égalité commande, aussi bien sur le plan moral que juridique, d'unifier les régimes applicables aux personnes condamnées encourant la déchéance, qu'elles soient naturalisées ou nées françaises. J'ai beaucoup entendu parler d'égalité devant la loi, mais je constate que personne n'a souligné qu'en l'état du droit, seuls peuvent être déchus de leur nationalité les Français naturalisés. Je n'ai pas entendu de nombreuses voix protester lorsque moi-même ou Bernard Cazeneuve avons engagé des déchéances de nationalité – ce qui s'était déjà fait précédemment, notamment sous la présidence de Jacques Chirac marquée également par des actes terroristes en 1995.

Troisièmement, seules des infractions d'un niveau de gravité très élevé pourront justifier la procédure de déchéance. Les crimes certes, mais sans doute aussi les délits les plus graves – dans le texte transmis au Conseil d'État, les délits et les crimes étaient concernés – tels que l'association de malfaiteurs à caractère terroriste, le financement direct du terrorisme ou l'entreprise terroriste individuelle, tous punis d'une peine de dix ans d'emprisonnement.

Quatrièmement, le champ sera strictement limité au terrorisme et aux autres formes graves d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, parmi lesquelles l'espionnage et la trahison. Depuis l'été 2015, le Conseil constitutionnel a clairement délimité cette notion.

Cinquièmement, la loi ordinaire comprendra un article instaurant un régime global couvrant à la fois la déchéance de nationalité et la déchéance de tout ou partie des droits attachés à la nationalité, actuellement prévues par le code pénal. Ainsi, cet article aura une portée universelle puisqu'il concernera l'ensemble des personnes condamnées pour les atteintes graves aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Je confirme que l'engagement de l'exécutif sera tenu, qui prévoit que votre assemblée dispose le plus rapidement possible des deux avant-projets de loi d'application des articles 1er et 2 du projet de loi constitutionnelle – soit bien avant la séance publique du 5 février prochain. Une communication sur ces sujets est prévue en conseil des ministres mercredi prochain. Les avant-projets pourront bien évidemment faire l'objet d'un débat avec les parlementaires.

Un dernier débat mérite d'être conduit, puis tranché : il concerne, au regard de l'histoire juridique républicaine de la déchéance que je viens de rappeler, le régime juridique de cette sanction. Doit-il s'agir d'une décision administrative, subordonnée à l'avis conforme du Conseil d'État, qui lie les mains de l'exécutif, ou bien doit-on en revenir à un régime de peine complémentaire prononcée par le juge pénal, en l'occurrence la juridiction nationale spécialisée dans la lutte contre le terrorisme ? À ce stade, je me contente d'une remarque pour nourrir ce débat : le droit actuel, c'est-à-dire la déchéance de nationalité par l'autorité administrative sous contrôle du Conseil d'État, ne prévoit aucune automaticité de cette sanction. Qu'elle soit administrative ou judiciaire, une sanction d'une telle gravité gagne toujours à être individualisée.

Ainsi, tout en laissant ouvert le sujet que je viens d'évoquer relatif au régime juridique de la sanction, le Gouvernement est conduit à proposer la rédaction suivante : « La loi fixe les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation. »

Je ne doute pas que vos débats nourriront la réflexion sur le sujet. Le Gouvernement, qui souhaite installer un dialogue permanent avec l'ensemble des groupes à l'Assemblée et au Sénat, sera extrêmement ouvert à l'ensemble des amendements.

Voilà, mesdames et messieurs, l'état de la réflexion du Gouvernement, après écoute et prise en compte du débat déjà très riche sur ce sujet qui est loin d'être terminé.

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