Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur :

Merci, monsieur le Président, pour cette liberté de parole que vous nous garantissez.

Notre pays est aujourd'hui confronté à un niveau d'insécurité particulièrement élevé. Je pense naturellement à la menace terroriste et aux attentats de janvier et novembre 2015. Je pense également aux « répliques » que ces attentats ont occasionnées, sous forme d'actes isolés, ainsi qu'aux attentats déjoués, grâce à l'action de nos forces de sécurité, auxquelles je veux rendre ici hommage et exprimer notre reconnaissance.

Mais, au-delà du terrorisme, c'est en vue de lutter contre la criminalité en général et la délinquance que connaît notre pays au quotidien qu'il convient de renforcer les moyens d'action des forces de l'ordre. Policiers et gendarmes forment en effet le premier rempart garantissant à chaque citoyen son droit à la sûreté, droit naturel et imprescriptible proclamé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Tel est l'objet de cette proposition de loi visant à élargir les capacités d'intervention des forces de l'ordre, que notre groupe défendra dans l'hémicycle, le jeudi 4 février.

J'en viens à la présentation des trois séries de mesures que cette proposition de loi comporte.

En premier lieu, elle modifie la mise en jeu de la responsabilité pénale des forces de l'ordre, lorsque celles-ci font usage de leurs armes dans l'exercice de leurs missions.

Cette question a déjà fait l'objet d'une proposition de loi relative à la légitime défense des policiers, que nous avions déposée avec Philippe Goujon et Guillaume Larrivé, mais que la majorité a rejeté le 2 avril 2015. Les événements récents ont malheureusement montré que cette proposition de loi n'avait rien perdu de sa pertinence, comme en témoigne le récent arrêt de la cour d'assises de Seine-Saint-Denis, qui vient d'acquitter un policier, après la mort d'un braqueur armé à Noisy-le-Sec – décision dont le parquet général a cru devoir faire appel.

Je rappelle qu'en matière d'usage des armes, à la différence des gendarmes qui disposent d'un régime spécifique adapté à leurs missions, les policiers relèvent pour l'essentiel du droit commun de la légitime défense. Les conditions du recours à la force armée sont donc, pour eux, particulièrement contraignantes. Cette différence de traitement n'a plus de raison d'être. En conséquence, la proposition de loi définit un régime juridique commun à l'ensemble des forces de l'ordre, encadrant précisément les conditions du recours à la force armée.

Cette question sera certes abordée dans la future réforme pénale mais, d'après les indications données par le Président de la République, ne serait cependant concerné par ce texte que le cas d'un « périple meurtrier », celui d'un tueur de masse, lorsque les policiers « font face à des individus qui ont tué, et qui s'apprêtent à tuer encore ». De l'avis de la plupart des syndicats de police, de telles dispositions seraient très loin de couvrir l'ensemble des situations d'extrême dangerosité auxquelles sont confrontées les forces de l'ordre.

En deuxième lieu, cette proposition de loi assouplit les règles encadrant les contrôles d'identité, ainsi que les fouilles de véhicules et de bagages.

Là encore, le cadre juridique en vigueur n'est plus adapté à la menace qui pèse sur notre pays. En effet, dans le cadre d'une opération de police judiciaire, les contrôles d'identité ne sont possibles que sur réquisitions écrites du procureur de la République ou bien à condition qu'existent des « raisons plausibles de soupçonner » qu'une infraction a eu lieu ou est en cours de préparation ; dans le cadre de la police administrative, le contrôle d'identité nécessite que des circonstances particulières soient à l'origine d'un risque d'atteinte à l'ordre public. En matière de fouilles de véhicules, les forces de l'ordre ne peuvent agir – hors enquête de flagrance – qu'avec l'accord du procureur de la République, dans des conditions juridiquement très encadrées. Quant aux fouilles de bagages, elles ne sont même pas prévues par le code de procédure pénale.

Il vous est donc proposé de doter les policiers et les gendarmes des mêmes prérogatives que celles dont disposent les agents des douanes, qui bénéficient d'un « droit de visite général » leur permettant de « procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ». Ainsi, les policiers et les gendarmes pourraient, pour l'application des dispositions du code pénal, contrôler l'identité des personnes se trouvant sur le territoire national ; procéder à la visite des moyens de transport – ce qui inclurait tous les types de véhicule ainsi que, par exemple, les coffres de voiture ; procéder enfin à l'inspection visuelle des bagages et à leur fouille.

La conformité à la Constitution de ces dispositions a été, à au moins quatre reprises en 2011 et 2012, établie par la Cour de cassation, qui a jugé dépourvues de « caractère sérieux » des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l'article 60 du code des douanes.

Troisième et dernier point, la proposition de loi autorise policiers et gendarmes à porter leur arme en dehors du service.

Au cours des attentats du 13 novembre 2015, plusieurs policiers qui n'étaient pas en service ont été abattus. Il nous faut aujourd'hui autoriser, sur la base du volontariat, la conservation de leur arme de service par les agents des forces de l'ordre, en dehors même de l'exercice de leurs missions.

Le Gouvernement n'a, pour l'instant, ouvert cette possibilité – même si je lui donne acte de cette autorisation – que de façon limitée et provisoire : pour les agents de la police nationale, elle ne vaut que pour la durée de l'état d'urgence ; quant aux militaires de la gendarmerie, ils n'en bénéficient qu'à des conditions particulièrement drastiques, au premier rang desquelles la délivrance d'une autorisation individuelle préalable, au regard de « l'appréciation locale des menaces, du degré de probabilité d'une intervention hors service etou de l'exposition du militaire à un risque spécifique ».

Les risques pesant sur la sécurité de nos concitoyens n'ayant pas décru au cours des derniers mois, bien au contraire, la proposition de loi tend à pérenniser ces mesures et à les étendre à l'ensemble des agents des administrations publiques autorisés à s'armer pendant l'exercice de leurs fonctions, par exemple les policiers municipaux.

Pour terminer, je souligne que ces différentes dispositions ne représentent évidemment qu'une partie des moyens juridiques supplémentaires dont les forces de l'ordre ont aujourd'hui absolument besoin. Je vous soumettrai d'ailleurs plusieurs amendements visant à les compléter, en vue de renforcer les pouvoirs de perquisition et de visite domiciliaire en matière de criminalité organisée – ce qui inclut le terrorisme ; de porter à huit jours, au lieu de six actuellement, la durée maximale de garde à vue en matière de terrorisme ; de faciliter la consultation et le croisement des données issues des différents fichiers auxquels peuvent avoir accès les forces de l'ordre ; de rétablir enfin la possibilité de fouilles systématiques des détenus et des visiteurs en prison, avant ou après les parloirs.

Je souhaite que cette proposition de loi fasse l'objet d'un consensus qui témoigne de la reconnaissance que nous portons à nos forces de l'ordre et que son adoption leur permette d'être dotées des moyens que nous leur devons pour mieux les protéger, car ce sont elles qui sont en première ligne dans ce combat contre l'insécurité et le terrorisme.

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