Intervention de Harlem Désir

Séance en hémicycle du 28 janvier 2016 à 9h30
Violation des embargos — Présentation

Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes :

Or, en l’état actuel de la législation française, la répression des violations d’embargos ne relève d’aucune disposition du droit pénal général. Le juge doit s’appuyer sur le droit pénal spécial relatif aux armes et matériels de guerre ou aux infractions à la réglementation douanière. Dès lors qu’elles touchent au commerce ou à l’exportation de matériels de guerre, les violations de ces embargos ou mesures restrictives peuvent être poursuivies sur la base de dispositions du code de la défense. Quant au code des douanes, il permet de sanctionner le transfert frauduleux de biens à double usage ou de nature civile.

Malheureusement, en matière de commerce d’armes et de matériels de guerre, statistiquement le plus concerné par les décisions d’embargos ou autres mesures restrictives, la législation ne permet pas de traiter de manière satisfaisante toutes les situations de violation. Par exemple, le transport de matériels de guerre entre un pays tiers et un pays soumis à un embargo ne peut pas être sanctionné pénalement. En outre, les opérations d’assistance technique et de formation, de plus en plus fréquemment visées dans les embargos internationaux, ne sont que très imparfaitement couvertes. Par ailleurs, les embargos ou autres mesures restrictives édictés par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le Conseil de l’Union européenne peuvent prévoir des interdictions ou des restrictions sur des biens ou des services ne relevant pas de la législation sur les matériels de guerre, dont la violation échappe donc largement à toute possibilité de sanctions pénales.

J’ajoute que le Conseil de sécurité des Nations unies, dans sa résolution 1196 adoptée le 16 septembre 1998, encourage chaque État membre à adopter des mesures législatives érigeant en infraction pénale la violation des embargos imposés par le Conseil.

Le présent projet de loi vise donc à créer une nouvelle incrimination, qui fera l’objet de l’article 437-1 du code pénal. Ce nouvel article donne une définition de ce qu’il faut entendre en droit interne par « embargo ou autres mesures restrictives ». Ce texte vise aussi à couvrir de manière exhaustive l’ensemble des cas de violation d’embargo, quelle qu’en soit la nature et quel que soit le domaine d’activité concerné. Il propose ainsi d’instituer une incrimination générale de nature à permettre, dans tous les cas, la poursuite et le jugement des infractions.

L’extension de la notion d’embargo ou de mesure restrictive à des activités autres que commerciales ou financières permettra de couvrir tout un pan d’activités qui ne pouvaient jusqu’à présent faire l’objet de sanctions pénales. Elle concernera désormais également les actions de formation, de conseil ou d’assistance technique qui ne peuvent pas toujours être considérées comme des activités commerciales ou financières, notamment lorsqu’elles n’entraînent pas de contrepartie financière immédiate.

Ce projet de loi vise donc à nous conformer à nos obligations internationales, mais également à rendre l’un des outils de notre politique étrangère plus robuste et efficace afin de mieux lutter contre les trafics.

Compte tenu du rôle de la France dans ce domaine, notamment à travers l’adoption et la promotion du traité sur le commerce des armes, il est essentiel de mettre notre système législatif en cohérence avec les instruments que nous avons adoptés. C’est un impératif de sécurité internationale.

Ce texte nous donne aussi un outil supplémentaire pour inciter au respect du droit international, qui est facteur de paix et de résolution des conflits. Les embargos sur les armes et autres mesures restrictives ne sont certes pas des outils magiques, mais des instruments de pression dont l’histoire, notamment l’histoire récente, a montré…

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