Intervention de Patrice Carvalho

Réunion du 20 janvier 2016 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Au sein de la production hydroélectrique, la France compte un peu plus de 2 000 petites centrales représentant environ 10 % de la production nationale de cette énergie renouvelable, ce qui n'est pas négligeable. Or cette activité subit aujourd'hui l'impact de l'application du principe de continuité écologique tel qu'il est défini dans la loi sur l'eau et les milieux aquatiques promulguée en 2006, dans le prolongement de la directive-cadre européenne sur l'eau.

Ainsi la France a-t-elle classé une grande partie de ses cours d'eau sur la liste 2 prévue par l'article L. 214-17 du code de l'environnement au titre des continuités écologiques, lequel prévoit que les ouvrages situés sur les cours d'eau doivent être gérés, entretenus et équipés afin d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Selon ce classement, 10 000 à 20 000 seuils et barrages sont actuellement concernés par ce mode de gestion, qui implique soit une obligation d'équipement par des dispositifs de franchissement, très onéreux pour les propriétaires ou les exploitants, soit leur destruction. Compte tenu de ce coût substantiel, le scénario le plus probable est celui de la destruction, laquelle ne correspond cependant pas à un choix délibéré du propriétaire de l'ouvrage. Cette destruction représentera d'ailleurs elle-même un coût non négligeable qui sera supporté en majeure partie par la collectivité publique.

Le principe de continuité écologique répond à des impératifs environnementaux essentiels, mais son application trop rigide, telle que fixée par la loi sur l'eau et sur des bases hydromorphologiques contestables – Mme la ministre vient d'ailleurs d'adresser un courrier à l'ONEMA lui demandant de mettre la « pédale douce » pendant six mois –, risque d'avoir plusieurs conséquences préoccupantes pour notre territoire : perte d'une partie de notre potentiel hydroélectrique, perte de la fonction de réserve des masses d'eau, destruction d'un patrimoine hydraulique au détriment de l'intérêt paysager, économique, touristique et fiscal des territoires ruraux.

J'ai saisi, à plusieurs reprises, Mme Ségolène Royal sur ce sujet et j'en ai parlé à plusieurs reprises à la commission. Du reste, je n'ai pas été le seul, d'autres parlementaires, des élus locaux, des propriétaires privés concernés ont entrepris la même démarche. Cela n'a pas été sans effet, puisque Mme la ministre a adressé une lettre aux préfets leur demandant de ne pas concentrer leurs efforts là où il y avait des blocages et elle a demandé au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de faire un état des lieux et une analyse des sites conflictuels. Pour ma part, j'ai proposé la constitution d'une commission de travail ouverte à l'ensemble des parties prenantes pour définir les conditions d'une mise en oeuvre plus équilibrée de la continuité écologique. Je souhaiterais connaître votre avis.

De même, j'aimerais avoir votre sentiment sur un problème dont on parle peu. En France, sitôt que quatre gouttes tombent sur nos plaines, nos champs et dans nos forêts, l'eau ne pénètre pas à cause d'un damage régulier des sols et file directement à la mer. Une des particularités des différents barrages qui existent sur les petites rivières est de permettre à l'eau, en faisant remonter le niveau de quelques dizaines de centimètres, de retourner, par capillarité, dans les nappes phréatiques où elle ne peut plus pénétrer par d'autres endroits. Pour faible qu'elle soit, cette compensation existe. Si l'on baisse les niveaux, l'eau pénétrera moins dans la terre et alimentera moins la nappe phréatique. Envoyer de l'eau dans les nappes phréatiques participe aussi à la continuité écologique et est une source de vie.

Avez-vous pu vérifier sur place que la continuité écologique s'arrêtait dans des endroits bizarres ? J'aurais souhaité vous emmener dans des lieux bien précis ; vous auriez eu alors une autre vision des choses. En remontant certaines rivières, par exemple, on trouve une multitude de petits barrages privés puis, tout à coup, un barrage EDF. Et comme par hasard, c'est évidemment là que la continuité écologique s'arrête net ! Voilà une méthode quelque peu machiavélique de gérer la continuité écologique, car la rivière remonte plus loin et les poissons aimeraient bien pouvoir aller plus haut pour pondre et se reproduire.

Enfin, les agents de l'ONEMA se comportent plus souvent comme des gendarmes prêts à la répression et à la sanction – je l'ai vérifié personnellement, à tel point qu'il m'est arrivé de tenir devant la ministre des mots un peu durs à leur endroit. Or ce n'est pas ce qu'on lui demande. Si l'on veut un vrai débat entre ceux qui s'occupent des petits moulins et l'ONEMA, peut-être devrait-il changer d'attitude.

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