Intervention de Jean-Pierre Vigier

Réunion du 20 janvier 2016 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Vigier, co-rapporteur :

Mesdames, messieurs, chers collègues, nous avons aujourd'hui le plaisir de vous présenter le rapport d'information relatif aux continuités écologiques aquatiques sur lequel nous avons travaillé, avec ma collègue Françoise Dubois, depuis le mois d'avril dernier.

Cette mission d'information constitue l'aboutissement d'un processus initié en novembre 2014 avec l'organisation, par notre commission, d'une table ronde consacrée aux poissons migrateurs. C'est à la suite de cette table ronde que le bureau de notre commission avait décidé de créer une mission d'information consacrée à la restauration des continuités écologiques aquatiques.

La conservation des poissons migrateurs est le garant d'un très bon état écologique des milieux aquatiques et, par conséquent, d'une bonne continuité écologique de nos cours d'eau.

Lors de cette mission, nous avons fait le choix d'aborder parallèlement la continuité écologique et la restauration des populations des poissons migrateurs. Nous allons aujourd'hui vous en présenter les principales orientations. Pour ma part, je vous présenterai les trois premières et ma collègue les trois dernières.

La première orientation vise à aménager en priorité les cours d'eau où sont présents des poissons migrateurs. Les poissons migrateurs sont les premières victimes de l'aménagement excessif de certains cours d'eau, comme le montre l'exemple du saumon de l'Allier, menacé d'extinction. Malgré les efforts déployés depuis les années quatre-vingt-dix, les populations n'ont pas pu être restaurées de manière durable. Nous proposons de rendre prioritaires les opérations d'aménagement ou d'effacement des obstacles à la continuité écologique sur les cours d'eau dans lesquels sont présents des migrateurs menacés de disparition.

Comme vous le savez, la révision du classement des cours d'eau a conduit à créer deux listes. Sur les cours d'eau classés en liste 1 est interdite la construction de nouveaux ouvrages dès lors qu'ils constituent des obstacles à la circulation piscicole et sédimentaire. Sur les cours d'eau classés en liste 2, des obligations plus fortes sont imposées aux propriétaires : les ouvrages doivent faire l'objet d'un aménagement dans un délai de cinq ans. Concrètement, cela signifie que des opérations de démantèlement, partiel ou total, peuvent être envisagées lorsqu'un ouvrage n'a pas d'usage économique avéré.

Au cours de nos travaux, nous avons constaté que les délais impartis pour réaliser les opérations d'aménagement ou d'effacement d'obstacles à la continuité écologique ne seront jamais tenus. Nous sommes donc face à une urgence, qui est non d'atteindre un objectif fixé par les autorités administratives françaises et européennes, mais d'éviter la disparition de certains grands migrateurs. C'est pourquoi nous proposons de créer un niveau de priorité supplémentaire dans le classement des cours d'eau : nous souhaitons que soit créée une liste de cours d'eau classés « grands migrateurs » sur lesquels le déploiement des opérations de restauration des continuités écologiques aquatiques serait prioritaire. Ce classement « grands migrateurs » devra être réservé à un nombre limité de cours d'eau qui présenteront a minima les trois caractéristiques suivantes.

Premièrement, les cours d'eau devront posséder une population de grands migrateurs menacés d'extinction : il s'agit de protéger celle qui est encore présente et en grave danger de disparition. Deuxièmement, le classement « grands migrateurs » supposera que les opérations d'aménagement envisagées soient indispensables à la survie des espèces que l'on souhaite protéger ; par exemple, ne créons plus de passes à poissons inopérantes. Troisièmement, ce classement ne pourra intervenir si les évolutions projetées indiquent que le cours d'eau deviendra impropre à la survie des espèces.

Nous proposons par ailleurs que les aménagements sur ces cours d'eau classés « grands migrateurs » soient entièrement pris en charge par des fonds publics : il faut nous donner les moyens de financer ces aménagements prioritaires.

Nous souhaitons également que la fiscalité sur ces travaux soit allégée – par exemple par une baisse de la TVA sur les travaux ou une exonération partielle ou totale des impôts fonciers.

Deuxièmement, force est de constater une carence dans la coordination de la gouvernance au niveau local.

Nous nous sommes aperçus, au cours de nos déplacements et auditions, que l'une des principales difficultés pour assurer la continuité écologique était l'absence de concertation entre les parties prenantes. Afin de favoriser la concertation, nous proposons de généraliser les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) à l'ensemble des cours d'eau. Ils permettent de garantir une coordination entre les nombreux plans et stratégies qui existent au niveau local comme national. Actuellement, les SAGE définissent les règlements et élaborent des documents de planification, mais ils n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage des projets qui est réalisée par les collectivités, les syndicats mixtes, les propriétaires riverains ou des associations. Il nous paraît donc nécessaire d'avoir une structure locale porteuse de projets et maître d'ouvrage à l'échelle du sous-bassin versant. Cette structure serait en lien avec les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB).

Un maître d'ouvrage serait ainsi clairement identifié afin de coordonner concrètement l'action locale. Ce rôle pourrait être confié aux établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE), créés par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 et qui constituent une nouvelle structure de gestion de l'eau à l'échelle des sous-bassins. Ces établissements ont une vocation directement opérationnelle de maître d'ouvrage d'études et de travaux. Nous ne proposons pas la création d'une nouvelle structure : l'EPAGE pourrait être porté par un groupement de collectivités déjà constitué en syndicat mixte par exemple. De plus, sur un bassin-versant, l'EPTB aurait vocation à coordonner et à faciliter la mise en oeuvre des politiques de l'eau à l'échelle du bassin, son périmètre pouvant regrouper plusieurs EPAGE dont il assurerait la coordination.

Troisièmement, nous présentons quatre propositions destinées à renforcer la protection dont bénéficient les poissons migrateurs en France.

Nous souhaitons que les niveaux de qualité de l'eau au sein des cours d'eau classés « grands migrateurs » soient renforcés, notamment au niveau des frayères.

Nous proposons de renforcer les efforts de recherche dans deux secteurs : la compréhension des effets de l'anthropisation sur les poissons migrateurs, notamment en ce qui concerne le réchauffement des eaux ; l'amélioration de l'efficacité des aménagements de restauration de la continuité écologique, notamment des passes à poissons et des exutoires de dévalaison afin d'éviter que les ouvrages soient mal situés, inopérants et ne correspondent pas à la réalité.

Il est nécessaire de revoir la politique de gestion des prédateurs, en particulier les cormorans et surtout les silures. Ces poissons tendent à utiliser les passes à poissons comme des distributeurs de nourriture (Sourires) et contribuent donc chaque année à faire baisser le nombre de migrateurs. Nous proposons, d'une part, que des opérations de régulations ponctuelles soient autorisées et, d'autre part, que la réintroduction du silure dans les cours d'eau classés « grands migrateurs » soit tout simplement interdite.

Enfin, nous recommandons la mise en place d'une politique de gestion de la pêche - amateur et professionnelle – compatible avec la protection et la valorisation des populations de migrateurs.

Françoise Dubois va maintenant vous présenter les trois autres grandes orientations que nous avons identifiées.

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