Intervention de Philippe Wahl

Réunion du 13 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Philippe Wahl, président-directeur général du groupe la Poste :

La concertation a pour but de trouver une solution.

J'en viens au problème que vous évoquez, qui pose en quelque sorte la question de la poule et de l'oeuf. Nous réduisons les horaires parce que la fréquentation baisse. La Poste en souffre, comme tous les lieux de commerce physiques.

S'agissant du samedi matin, vous avez raison, la nouvelle patronne du réseau doit y remédier. Nous devons être ouverts en milieu rural plus souvent le samedi matin car les clients sont là.

Les maisons de services au public, qui trouvent leur origine dans le rapport de M. Jean Launay, reposent sur l'idée de la mutualisation. Nous sommes décidés à rester dans les territoires. Pendant les deux ans qui viennent de s'écouler, nous avons refusé la tentation malthusienne, comme dans tous les autres pays, de la fermeture et de la disparition des points de contact. Mais il faut désormais trouver des nouvelles formes, avec vous.

110 maisons de services au public au sein d'un bureau de poste ont été créées ; l'objectif est d'atteindre le chiffre de 500 à la fin de l'année 2016.

Nous tiendrons nos engagements. Nous ne pouvons pas conserver notre présence dans les territoires ruraux sans l'implication des collectivités et des élus locaux. Je cite deux exemples de cette collaboration : à Bagnac-sur-Célé dans le Lot, six partenaires sont réunis ; à Meilhan-sur-Garonne dans le Lot-et-Garonne, ils sont onze partenaires opérateurs.

Que pouvez-vous faire pour nous aider ? Stimuler tous les autres opérateurs publics pour qu'ils participent, qu'ils paient et qu'ils soient présents. Les maisons de services au public, en mutualisant les moyens, sont une manière de pérenniser les bureaux de poste. Un autre moyen d'assurer leur préservation, lorsque les horaires sont faibles, ce sont les facteurs-guichetiers. Depuis 2013, 265 postes ont été créés. Cette solution, qui permet d'éviter de transformer un petit bureau de poste en agence postale territoriale – une postière ou un postier ouvre le guichet le matin et à partir de 11h30 commence la distribution du courrier –, est plébiscitée par les syndicats mais aussi par les élus des petites villes qui conservent ainsi leur bureau de poste. Quarante ans après, c'est le retour du receveur-distributeur.

Nous dialoguons mais, je ne vais pas vous raconter d'histoire, je suis un chef d'entreprise : la fréquentation est le seul critère pour un lieu de vente ; ma position sur le samedi matin en est le reflet : puisqu'il y a un potentiel de fréquentation, les bureaux doivent être ouverts davantage. Nous sommes à votre disposition, avec M. Jacques Savatier, pour évoquer des situations particulières et trouver des solutions adaptées.

Concernant l'aménagement des bureaux de poste par les communes, déménager un bureau coûte beaucoup d'argent. La question est de savoir à qui. Si une commune s'engage à payer le transfert, nous examinons le dossier. Mais, même dans ce cas-là, cela peut poser un problème à la commune et à La Poste au regard de la concurrence avec les banques.

Quant à la présence dans les supermarchés, quand une ville importante compte de nombreux bureaux de poste, transformer l'un d'eux en relais poste urbain, c'est améliorer le service public. Ce n'est pas de la provocation. À partir de dix-neuf heures le soir, le supermarché de proximité est ouvert, de même que le samedi et le dimanche alors que nos bureaux sont fermés. Si on transformait les relais en réseau public urbain, ce serait une atteinte au service public mais, en complément d'un réseau postal dynamique, cela peut être positif.

Les buralistes entrent dans le format relais poste commerçant. Nous sommes tout à fait favorables à cette évolution qui fait l'objet de discussions avec les buralistes. Cela peut être notre intérêt.

Nous sommes décidés à rester dans les territoires et à faire de cette proximité humaine une force. Mais cette présence doit nécessairement s'accompagner d'une coopération avec les collectivités et d'une multiplication des formats. Nous devons tous faire des efforts pour sauvegarder ce réseau auquel vous tenez et qui fait partie de l'identité française – en Allemagne, il ne reste plus un seul bureau de poste.

L'activité internationale représente plus de 20 % de notre chiffre d'affaires, nos effectifs s'accroissent. Notre objectif est de devenir le numéro un du transport et de la livraison de courrier par mode routier ; aujourd'hui, nous sommes numéro deux derrière DHL.

La bonne nouvelle, c'est que nous comblons l'écart avec DHL, nous pourrons peut-être les rattraper en 2016. La mauvaise nouvelle, c'est que nous devons affronter un nouveau concurrent qui est notre premier client et qui s'appelle Amazon : Amazon vient en effet de prendre le contrôle de Colis privé, qui, une fois redressé, deviendra un concurrent de La Poste.

Les livraisons le dimanche 20 décembre ont été un succès, fondé sur le volontariat des facteurs. Cette expérience visait à mieux servir nos clients, à alléger la pression, très forte avant Noël, et à contrebalancer la détérioration du service – à cette période, l'entreprise est submergée par la vague tant les colis sont nombreux.

Cette opération ponctuelle deviendra-t-elle une politique ? Cela va dépendre du marché. Je l'ai dit aux syndicats que je rencontre régulièrement pour évoquer la stratégie de notre groupe. Si Amazon, à Paris, Lyon, Toulouse et Bordeaux, lance un service de livraison de colis de haute valeur pour une clientèle prête à payer le dimanche, La Poste sera au rendez-vous. Nous ne pouvons pas abandonner le meilleur marché à un concurrent. Si les besoins et la pratique se développent, l'entreprise publique que nous sommes y répondra et trouvera par la négociation sociale les moyens d'y répondre.

Nous aurons transporté en courrier français 13 milliards d'objets en 2015, peut-être 9 en 2020, contre 18 milliards en 2008. Dans le monde entier, Geopost transporte un milliard de colis. Il n'y a donc malheureusement pas de compensation en volume entre colis et courrier, même si j'ai pris la décision de rattacher ColiPoste au courrier. Les colis compensent une partie mais ils ne compenseront jamais la masse de plis que nous prenions en charge lorsque le courrier était le mode communication dominant de notre société.

La compensation ne viendra pas des colis. Elle viendra, c'est ma conviction, des nouveaux services de proximité et des nouveaux services du facteur.

L'évolution de notre société fait sourdre des besoins que j'appelle des besoins de poste : lutte contre la solitude, vieillissement, distance, aide à domicile, conseils financiers. C'est la raison pour laquelle notre entreprise doit valoriser son premier savoir-faire que sont les femmes et les hommes de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle notre objectif stratégique est d'être la première entreprise de services de proximité humaine. Certains services ont marché, d'autres pas. Le grand intérêt de ces expériences que j'avais assumées devant vous, même dans leur désordre créatif, est de nous donner les éléments pour décider d'arrêter ce qui ne marche pas et d'accélérer ce qui fonctionne. La « silver économie » est un gisement pour La Poste. Notre pays vieillissant, le besoin de proximité et de services va croître très rapidement. C'est une force pour La Poste.

Évidemment, nous utiliserons le numérique. On oublie toujours, parce que nous sommes d'abord une entreprise de service public et de main-d'oeuvre, que nous sommes une fantastique entreprise numérique. Je vais vous en donner la preuve : nous suivons des milliards d'objets chaque année numériquement. Vous avez été plusieurs à évoquer les problèmes de qualité de service, je ne les nie pas, mais quand une lettre recommandée est perdue, nous sommes capables de la suivre. Cela ne repose que sur une chose, sur la puissance numérique de La Poste. C'est la raison pour laquelle, – je pense que la loi pour une République numérique que vous examinez nous en donnera les moyens –, nous sommes candidats à délivrer et à protéger l'identité numérique et les données numériques des Françaises et des Français.

Je ne crois pas que le terme de comptable soit celui qui correspond à la réalité, nous sommes une entreprise. Les profits que nous faisons vont à l'investissement, à l'intéressement des postières et des postiers et à la rémunération de deux actionnaires qui nous soutiennent dans cette transformation : l'État et la Caisse des dépôts et consignations. Je veux dire – ce n'est pas un passage obligé pour tout PDG – qu'ils ont accepté de limiter le dividende alors que nous sommes en pleine transformation. Nous devons faire plus de profits pour construire l'entreprise.

Sur la qualité de service, je ne veux pas répondre par des statistiques car elles nous sont toutes favorables – la qualité de service est mesurée chaque semaine par un institut de sondage indépendant. Mais cela ne suffit pas, vos remarques le montrent bien et je le sais. Je sais que dans les quinze derniers jours de l'année, la qualité de service s'est profondément dégradée. Il faut souligner l'augmentation du nombre de colis pour Noël, liée notamment en zone urbaine aux drames du mois de novembre en raison duquel les gens ont beaucoup plus commandé par internet : la troisième semaine de décembre, la hausse a été de 15 % par rapport à l'année dernière, qui elle-même avait connu une croissance de 8 % par rapport à l'année précédente. Il est vrai que la baisse des volumes nous pose des problèmes d'organisation puisque, pour maintenir un réseau de distribution, il faut des volumes. Cela explique ma décision d'injecter les colis dans le circuit et dans l'organisation du courrier. Pour les fêtes de fin d'année, Chronopost a par exemple injecté des colis dans le circuit de distribution par les facteurs.

Un mot de notre engagement en matière de transition énergétique : dans la continuité de mon prédécesseur, nous déployons, grâce à l'accord qu'il avait signé, les véhicules électriques. Avec plus de 6 000 véhicules, nous sommes la première flotte au monde. Nous nous efforçons de développer tout ce que nous pouvons pour devenir un groupe neutre en consommation de carbone.

S'agissant des reclassés, la situation est très simple : nous pouvons faire ce qui est juste et équitable et nous ne pouvons pas méconnaître le juge et la loi. Par leur choix personnel, volontaire, certains salariés – ils ne sont plus que 3 335 en activité sur 270 000 employés – ont choisi de ne pas prendre le statut dit « Quilès ». Aujourd'hui, ils ont deux possibilités de promotion : ils peuvent être promus en tant que reclassés ; ils ont le droit – nous venons de le rouvrir comme je vous l'avais promis – de rejoindre les reclassifiés.

Quant à l'accord dont les syndicats ont souligné devant vous l'insuffisance, je note qu'ils l'ont tous signé. Si ces derniers, après avoir signé, vont voir la représentation nationale pour lui dire que l'accord est insuffisant, je ne sais plus quoi signer.

Dans cet accord, nous avons ajouté des échelons terminaux à leur carrière – ce qui signifie plus d'argent pour eux et pour les retraités – et nous avons augmenté l'indice terminal pour le dernier grade des reclassés. Nous avons fait ce que je m'étais engagé à faire, c'est-à-dire trouver des solutions.

Est-ce que cela reconstitue des carrières, comme le demandent les reclassés ? Non, parce que le juge et la loi me l'interdisent. Les personnes, moins de 10 %, ont fait un choix personnel, c'est comme ça. 90 % des postiers ont choisi le statut Quilès.

Quant à la mission conduite par M. Henri Jibrayel, nous attendons ces préconisations mais nous sommes attachés au respect de la loi et de l'équité vis-à-vis des postiers. Les salariés étaient libres de leur choix. Nous sommes ouverts mais dans le cadre que je viens de rappeler.

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