Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 21h30
Tarification progressive de l'énergie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

…pour masquer son caractère fourre-tout, pour montrer que ce projet de loi est plein de bonnes intentions et pour masquer le fait que le dispositif ne sera pas opérationnel avant le début de l'année 2015. Ce texte donnera lieu à de nombreuses adaptations, qu'exigeront sa complexité et son coût et qu'imposeront les réactions progressives des consommateurs, sans compter les nombreux recours individuels et collectifs et la constatation de ses effets pervers, notamment pour les plus démunis. C'est en effet au pouvoir réglementaire qu'il reviendra de préciser les modalités d'application du dispositif.

Je souhaite courage et imagination aux services des ministères qui auront à formuler ces modalités de mise en oeuvre. J'en souhaite encore plus au médiateur de l'énergie : ses services se poseront les mêmes questions que celles qu'abordent les nombreux amendements qui seront déposés au cours de cette séance, et que bien sûr vous rejetterez.

Le nouvel article premier redéfinit certes le volume de base, inscrit les coefficients de modulation par personne au foyer et encadre les coefficients de modulation selon la localisation de la commune. Mais, malgré tout, comment prendra-t-on en compte les multiples façons d'occuper un logement et d'y vivre ? Comment fixera-t-on le coefficient climatique ?

Bref, à partir d'une construction purement technocratique, d'une nouvelle organisation administrative lourde et inévitablement budgétivore, c'est l'État qui dictera à chacun des Français la manière dont il doit consommer et le quota d'énergie dont il peut disposer sans être stigmatisé, ni taxé.

Nous entrons dans un autre monde !

Un autre monde qui étend la trêve hivernale et qui accroît le nombre de bénéficiaires au titre de la précarité énergétique : j'en prends acte et j'approuve.

Mais cet autre monde remet également en cause le principe de l'égalité des Français face à la tarification de l'énergie. Vous avez le droit d'en décider ainsi, mais cette rupture de l'égalité face au prix de l'énergie se fera au détriment des plus démunis, de ceux qui vivent dans la précarité énergétique. Votre système de bonus-malus ne permettra probablement pas d'aller vers une sobriété énergétique, mais il causera assurément de grandes difficultés aux plus démunis. Il s'appliquera à leur détriment, à moins, bien sûr, qu'après les avoir fait à juste titre bénéficier de tarifs sociaux, on les dispense par ailleurs de malus, s'ils y sont soumis, ce qui pourrait être souvent le cas.

Comment feront, par exemple, les propriétaires âgés, qui sont de plus en plus nombreux à avoir des revenus modestes ? Devront-ils, comme on le voit déjà, fermer la plupart des volets toute la journée, et ne chauffer qu'une pièce ? Bonus ou malus, qu'importe ! Ils n'auront de toute façon pas les ressources nécessaires et, dans bien des cas, ni l'envie, ni l'énergie, d'entreprendre des travaux d'isolation. Pendant ce temps, certains des ménages les moins modestes ne se soucieront pas d'obtenir un bonus ou considéreront cyniquement que le malus est acceptable.

Et que dire de tous les copropriétaires qui voudraient contribuer à cette nécessaire sobriété énergétique, mais en sont empêchés par l'impossibilité d'atteindre la majorité requise par le règlement de copropriété, qui se heurtent à des contraintes techniques fortes, ou qui doivent faire face à la lourdeur des coûts d'isolation dans l'habitat collectif, coûts que certains copropriétaires ne pourront pas supporter !

Des expérimentations techniques doivent être conduites ; le code de la copropriété doit être déverrouillé ; des dispositifs d'assistance à maîtrise d'ouvrage doivent être généralisés pour conduire les travaux chez les particuliers ou dans les petits immeublescollectifs. Des dispositifs de maîtrise d'ouvrage déléguée pourraient aussi être envisagés dans ce cadre. Voilà autant de mesures et de dispositifs, dont la mise en chantier aurait contribué, bien plus efficacement que votre projet, à la préparation de la transition vers un système énergétique sobre.

Votre préparation consiste aussi à organiser le mitage de l'éolien terrestre, en supprimant la nécessaire implantation des éoliennes au sein de zones de développement de l'éolien, et en exigeant seulement la compatibilité avec les schémas régionaux éoliens, ou SRE. Déjà, les démarcheurs commerciaux de l'éolien parcourent les campagnes pour faire signer des promesses de mise à disposition de terrains auprès des propriétaires.

Ceci est inadmissible pour les collectivités locales. Fixons plutôt des objectifs territoriaux de production d'énergie verte pour les communes et les intercommunalités. Responsabilisons les collectivités locales : elles seules doivent décider, en concertation avec les acteurs locaux, avec quelle sorte d'énergie verte elles atteindront ces objectifs. Lançons des contrats territoriaux de l'énergie : voilà une autre manière de préparer la transition vers un système énergétique sobre et alternatif.

Entre un bonus qui n'encouragera personne et un malus qui n'effraiera personne, on fragilisera encore davantage les ménages les plus précaires : votre dispositif inquisitoire, complexe et coûteux ne préparera pas la transition et la sobriété énergétiques. Il suscitera l'incompréhension des Français et conduira au rejet de votre politique.

Je ne peux même pas m'en réjouir. Les Français et les collectivités locales auraient préféré que l'on fasse sauter les vrais obstacles qui s'opposent à l'économie d'énergie, que l'on accroisse la sensibilisation, qu'on leur fasse confiance, qu'on les responsabilise et qu'on les accompagne.

C'est pourquoi je ne voterai pas votre texte.

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