Intervention de Brigitte Allain

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain, rapporteure :

Monsieur Hervé Pellois, les instruments de mesure restent en effet à définir. Nous proposons de confier cette mission à l'observatoire : il remplit déjà un rôle de collecte et d'analyse des données, mais nous prévoyons d'élargir son domaine de compétence à la question des circuits courts et de proximité. Quant au CNA, qui relève du code de la consommation, il joue plutôt un rôle consultatif. Dans une première mouture du texte, j'avais proposé la création d'un nouvel observatoire. Mais il paraît beaucoup plus intéressant de s'appuyer sur celui qui existe déjà.

Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, la loi, qui a défini précisément le circuit court, stipule qu'il s'exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire entre l'exploitant et le consommateur. Le circuit court n'induit donc aucune proximité : lorsqu'un viticulteur vient lui-même vendre son vin à Paris, il s'agit d'un circuit court. L'objet de la proposition de loi est bien l'ancrage territorial, mais le code des marchés publics nous empêche d'inscrire dans l'article 1er les produits de proximité. Quand nous sommes allés à Bruxelles, on nous a donné des définitions qui sont reconnues officiellement. Il s'agit de trente kilomètres pour les produits agricoles simples, comme les fruits et légumes et quatre-vingts kilomètres pour ceux qui nécessitent une transformation. La référence, mentionnée à l'article 1er, en veillant à la « proximité géographique » permet la souplesse que vous souhaitez.

L'agriculture durable reste à définir. Toutefois, je n'invente rien et je renvoie à des textes qui ont déjà précisé cette notion. On confie aux PRAAD le soin de donner leurs orientations en matière d'alimentation. Ce sont donc les régions qui définiront clairement ce que l'on entend par agriculture durable, sachant que, dans le texte, je me réfère à la notion de produits de qualité –sous signes d'identification de la qualité et de l'origine agriculture biologique. Il n'est fait référence à aucun moment à la seule agriculture biologique.

Je propose de fixer un taux de 40 %, dont 20 % de produits issus de l'agriculture biologique. L'idée n'est bien évidemment pas d'aboutir à 8 % de produits biologiques seulement. Si la rédaction pose problème, nous y reviendrons. M. Hervé Pellois a déposé un amendement qui vise à réécrire l'alinéa 2 de l'article 1er.

Au titre des signaux forts, j'indiquerai à Madame Michèle Bonneton que les travaux de la mission d'information ont montré que toutes les collectivités d'ores et déjà engagées dans l'ancrage territorial de l'alimentation – qu'il s'agisse de communautés d'agglomération, de communautés de communes, de départements ou de régions –, et dont beaucoup témoignent que les coûts n'en sont pas plus élevés, ont besoin d'une bonne coordination. La loi doit donc les accompagner afin que, à terme, elles puissent être reconnues ; les collectivités concernées pourront ainsi mettre en oeuvre les préconisations du ministère de l'agriculture, en conformité avec les dispositions du code des marchés publics qui sont contraignantes.

En effet, ce code est redouté, et cette appréhension s'étend bien au-delà de ce qu'il prescrit concrètement. Par ailleurs, depuis plus de cinquante ans, une agriculture verticale totalement séparée de la consommation locale s'est imposée, ce qui donne le sentiment qu'un changement de pratique serait très complexe et que tout est à inventer. Lorsque la coordination est au rendez-vous, ce qui est le rôle des PRAD, on constate que les choses se passent bien.

Monsieur Germinal Peiro a posé la question de la relocalisation à deux niveaux. Notre texte reprend deux éléments de la loi précitée d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : l'ancrage territorial de notre alimentation, mais, surtout, le principe de la souveraineté alimentaire, qui constitue un droit nouveau de première importance ; il revient ainsi à chaque État de définir le niveau minimal d'autonomie souhaité.

À Monsieur Philippe Le Ray, je réponds que le dispositif de la proposition de loi, pas plus que l'exposé des motifs, n'emporte d'opposition entre l'ancrage territorial -qui constitue l'un des axes de la loi précitée d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt- et la production de masse destinée à l'exportation.

Je rappelle que le débat que nous venons d'avoir avec le ministre a permis l'évocation des crises agricoles qui ne sont pas l'apanage de notre seul pays. Les marchés internationaux, qui ont été laissés parfaitement libres, sont à l'origine de ces crises dans le monde entier. Chaque pays tente aujourd'hui de garantir un minimum vital, et cette sécurité alimentaire s'inscrit dans la problématique de la sécurité des États au sens large. C'est là l'enjeu de l'autosuffisance et de l'indépendance alimentaire : ne pas être dépendant, c'est aussi garantir l'indépendance des autres ; nous avons à conduire une réflexion profonde au sujet des politiques agricoles et alimentaires mondiales.

En réponse aux interrogations de Madame Annie Genevard, je répète que l'objectif de 20 % de produits biologiques pour la restauration collective n'est pas complètement nouveau, puisqu'il figurait dans le Grenelle de l'environnement de 2008. Nous en sommes très loin aujourd'hui, car nous ne nous sommes pas donné les moyens de l'atteindre ; c'est pourquoi notre texte se veut contraignant. Il ne s'agit pas d'édicter des normes relatives aux moyens, mais de faire porter la contrainte sur le but à atteindre.

Dans le cadre de la mission d'information, nous nous sommes rendus dans la petite ville de Mouans-Sartoux qui se fournit à 100 % en produits biologiques, bien au-delà des prescriptions de la proposition de loi ; et il nous a été indiqué que les coûts étaient moindres. J'évoquerai les communautés d'agglomération de Saint-Étienne, de Lille et de Rennes, du pays du Mené en Bretagne qui ont mis ces démarches en oeuvre et considèrent que le coût ne fait pas problème. De fait, dans la constitution d'un repas, les denrées de base représentent moins de 25 % ; or, dans les cantines, ce sont parfois jusqu'à plus de 30 % de la nourriture servie qui sont jetés : ces repas sont achetés pour être mis au rebut. La consommation de denrées locales produit un effet vertueux à toutes les étapes du processus ; le recours aux produits issus de l'agriculture biologique n'est pas nécessairement visé au départ, mais il s'impose rapidement au cours de la concertation entre les acteurs.

Les collectivités constatent alors qu'elles réalisent des économies sur le gaspillage, la consommation d'eau et la gestion des déchets. Bien plus, un lien social se crée, de nature à limiter les problèmes de sécurité et à améliorer la réintégration dans le monde du travail, puisque des emplois sont créés. Les collectivités et les protagonistes deviennent acteurs de ces politiques, et, Monsieur Dominique Potier l'a rappelé, ce travail commun redonne de l'espoir. Ces actions permettent encore de s'affranchir des aspects corporatistes caractéristiques des activités agricoles, car l'agriculteur dans son exploitation peut être tenté d'oublier le reste du monde. Aller vers le consommateur est valorisant, c'est l'occasion d'expliquer comment l'on travaille, et l'ensemble de la chaîne en bénéficie, de la cuisine au restaurateur.

Par ailleurs, l'article 3 de la proposition de loi renvoie aux plans régionaux d'agriculture durable, car, lorsqu'elles les élaborent, les régions adoptent des mesures et prévoient des soutiens financiers. Ajouter à l'acronyme PRAD le « A » d'alimentation renvoie encore au développement rural et donne aux régions les moyens de se réapproprier leurs pratiques alimentaires.

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