Intervention de André Chassaigne

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

La filière laitière est confrontée à un grave problème de prix. Je viens de déposer au nom des députés du Front de gauche une nouvelle proposition de loi sur la question. On nous répond invariablement que l'Europe nous empêche de fixer des prix garantis ou tout au moins des prix plancher. Estimez-vous, monsieur le ministre, que la porte est fermée à tout prix plancher en fonction des coûts de production ? C'est pourtant le cas dans certains secteurs comme celui de la betterave, par exemple, où des prix minimaux garantis existent – la rémunération allant à 44 % au planteur et à 56 % au sucrier. Il faut se saisir de cette question à bras-le-corps, en dépit des limites existantes.

D'autre part, ne faut-il pas procéder à une analyse des prix agricoles actuels en fonction des productions, des techniques, des caractéristiques d'exploitation et des zones de production ? Il a notamment été demandé de produire une statistique ne portant que sur les seuls revenus agricoles en excluant les autres revenus comme le salaire du conjoint et autres revenus d'entreprise. Nombreux sont les paysans qui ne vivent que grâce à l'activité salariée de leur conjoint ; ils demandent à cor et à cri une étude permettant de faire toute la lumière sur leurs revenus réels – et les inquiétudes actuelles n'en seront que plus fortes tant la situation est désespérée dans bien des cas.

Ma troisième question – au sujet de laquelle j'ai harcelé le ministère – porte sur l'avance de trésorerie en cas de redressement judiciaire. De nombreuses familles au bord du gouffre appellent au secours. Aujourd'hui, les exploitations les plus en difficulté, celles qui sont le plus gravement affectées par le retard de traitement de leurs dossiers d'aides au titre de la PAC, ne peuvent pas bénéficier de prêts leur permettant d'alléger leur trésorerie. Certes, vous avez, Monsieur le ministre, transmis le 10 décembre des instructions techniques aux directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) et aux directions départementales des territoires (DDT) qui devraient être mises en oeuvre au plus tôt, mais de solides verrous demeurent dans le secteur bancaire, notamment, qui freine délibérément le déblocage de prêts, alors que l'État garantit la couverture des intérêts d'emprunt. Or il faut accorder une attention prioritaire à ces agriculteurs dont les dossiers doivent être traités en urgence par le FAC. D'autre part, n'est-il pas envisageable de réserver un traitement prioritaire aux dossiers d'aides relevant de la PAC que déposent des exploitations en redressement judiciaire, qui sont plusieurs centaines en France et qui, à défaut, risquent de disparaître ?

J'en viens à la question du foncier. Des avancées ont certes été réalisées en matière de droit des sociétés. Toutefois, si les SAFER sont informées des cessions de parts sociales, leur droit de préemption ne peut s'exercer que sur la totalité de ces parts et elles ne disposent d'aucun moyen d'agir lorsque les parts vendues ne concernent qu'une seule société. Il en résulte un phénomène d'accaparement des terres au profit d'une frange d'exploitations. Je connais les contraintes du droit de la propriété, mais il est indispensable de progresser dans ce domaine.

Enfin, où en est l'appel à projets concernant la labellisation des GIEE ? À cette occasion, votre ministère a sans aucun doute été saisi de propositions intéressantes qui permettraient de donner corps à un volet essentiel de la loi d'avenir. J'ai ainsi pris connaissance d'un projet déposé conjointement par des éleveurs et des céréaliers du Puy-de-Dôme : les uns, incapables de parvenir à l'autonomie protéique, car leurs surfaces arables sont trop faibles, doivent acheter des protéines, d'autres trouvent des débouchés pour écouler leur production complémentaire, tandis que les céréaliers sont contraints d'acheter des engrais de synthèse – pourtant onéreux – alors que des éleveurs pourraient leur fournir du fumier. Nous devons valoriser ces complémentarités. Le fonds agricole, créé en 2006, fêtera bientôt ses dix ans : il n'était pas de mon point de vue la meilleure des idées, mais il a fait la preuve que certaines lois n'aboutissent à rien ou presque, puisqu'il n'a été utilisé que par 964 exploitants en dix ans. Ce n'est guère une panacée ! Autrement dit, une loi doit se traduire dans les faits. Espérons que ce sera le cas des GIEE !

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