Intervention de Amiral Jean-Philippe Rolland

Réunion du 15 décembre 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Jean-Philippe Rolland :

La division cohérence capacitaire, monsieur Candelier, prépare les capacités de demain, à l'exclusion de celles qui sont partie prenante directe de la dissuasion sous-marine ou aéroportée. Je suis donc moins au fait des questions concernant les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), mais je peux tout de même essayer de vous répondre. Les plus anciens de nos sous-marins d'attaque sont âgés et nous préparons leur remplacement. La réception du premier Barracuda est attendue pour 2018. La livraison des six sous-marins prévus s'étalera sur plus d'une décennie : le dernier sera livré en 2029. Nos sous-marins nucléaires du type Rubis vont donc encore vivre longtemps.

Pour plus de détails, il faut vous adresser à la marine nationale, mais mon passé d'atomicien – j'ai servi sur bâtiment à propulsion nucléaire de surface – me permet de vous indiquer que les chaufferies nucléaires et les organes immédiatement attenants de production d'énergie et de propulsion bénéficient de dispositifs de sécurité extrêmement renforcés. Quand j'ai eu connaissance de l'incident, je n'ai donc pas été inquiété outre mesure.

Quand je travaillais au cabinet du chef d'état-major de la marine, je voyais souvent des propositions alternatives à la déconstruction des coques arriver. La marine serait mieux placée pour vous répondre, monsieur Le Bris et monsieur Vitel, mais je peux dire que l'expérience de la coque de l'ex-Clemenceau a été difficilement vécue par les marins, car le travail avait été conduit avec une grande rigueur, et cela a été occulté par le traitement médiatique de cette affaire ; on est passé par une procédure de déconstruction dans un chantier européen. Depuis cette expérience, tout ce qui va vers des procédés alternatifs est considéré avec la plus grande précaution.

Nous avons bon espoir que la déconstruction des navires devienne de moins en moins coûteuse, voire qu'elle se fasse à bilan nul, car le recyclage des matériaux récupérés – acier, cuivre… – peut compenser les frais engagés. Sur certaines opérations récentes, nous ne sommes déjà pas loin de l'équilibre. Pour l'instant, les résultats des études conduites sur des projets d'océanisation des coques ne sont pas positifs, et nous restons donc dans des logiques de déconstruction.

Les chantiers de déconstruction se font souvent à l'étranger, par exemple au Royaume-Uni ou en Belgique, mais je sais aussi que certains industriels français ont commencé à se positionner. Je ne dispose pas des dernières informations à ce sujet, car c'est un peu éloigné de mon coeur de métier, mais il est possible que des appels d'offres aient vu des industriels français répondre.

En ce qui concerne la différence des exigences de déconstruction selon que les vieilles coques sont destinées à être immergées ou démantelées, les coûts sont identiques sur les matériaux nocifs pour l'environnement ou dangereux de par leur décomposition, mais dans le cas d'une immersion ces frais importants ne seraient pas compensés par les retours obtenus par le recyclage. Qui plus est, l'organisation d'un remorquage et d'une immersion, avec les études d'impact afférentes sur les espèces marines, est coûteuse, et je ne suis donc pas convaincu que ce soit économiquement intéressant, du point de vue de la marine.

Force est de reconnaître, monsieur Moyne-Bressand, que, s'agissant de nos vieux véhicules, les investissements consentis au-delà du strict entretien visent à les tenir à bout de bras en service opérationnel, en attendant que les capacités qui doivent les remplacer entrent en service, plutôt qu'à les moderniser profondément. Il existe quelques exceptions, notamment pour de petits bâtiments-écoles qui servent à la formation, dont la motorisation a été remplacée dans une logique de réduction du coût d'entretien. La remotorisation a été conforme aux normes en vigueur.

Lorsque nous allons devoir remplacer les composants pyrotechniques des missiles Aster, à partir de 2018, nous serons sur des montants proches d'une centaine de millions d'euros pour le développement des nouvelles solutions, et la production peut atteindre le tiers de la valeur de la munition. La prise en compte des nouvelles normes environnementales, en l'occurrence des normes REACH, représente donc un surcoût significatif.

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