Intervention de Joaquim Pueyo

Réunion du 16 décembre 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo, corapporteur :

Le nouvel accent mis sur la sécurité ouvrira un grand nombre de nouveaux domaines de coopération dans le cadre de la PEV.

Conformément à l'approche globale de l'Union européenne à l'égard des conflits extérieurs, tous les moyens disponibles seront mis en oeuvre afin de prévenir et de gérer les crises, ainsi que de régler les conflits de longue durée dans notre voisinage.

La coopération en matière de Politique de sécurité et de défense commune doit être approfondie, à travers la participation au cas par cas des pays voisins : aux opérations européennes ; aux groupements tactiques de l'Union européenne ; ou encore aux programmes de l'Agence européenne de défense.

La communication prévoit d'aider les pays partenaires à améliorer leur capacité de réaction aux risques chimique, biologique, radiologique et nucléaire.

Leur accès aux images du Centre satellitaire de l'Union européenne est également envisagé, en cas de besoin.

S'agissant de la sécurité sanitaire, l'Union européenne devra appuyer leurs capacités à réagir efficacement aux menaces.

La stratégie européenne de cybersécurité établit le cadre opérationnel permettant d'approfondir la coopération avec nos partenaires du voisinage européen. L'Union européenne devrait les aider à renforcer leurs capacités en matière de cybersécurité et de résilience de l'infrastructure de l'information, ainsi que de lutte contre la cybercriminalité et le cyberterrorisme.

En ce qui concerne la prévention de la radicalisation et du recrutement de terroristes, la participation de la société civile, en particulier des organisations de jeunesse, sera déterminante. Le Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation constituera une plateforme essentielle d'échanges et de coopération.

Pour favoriser les migrations légales et bénéfiques à tous, l'Union européenne est résolue à intensifier sa coopération en matière de mobilité avec les pays de son voisinage et au-delà qui accepteront de cogérer la question dans le cadre d'une approche intégrée. Les dialogues sur l'assouplissement des régimes et des procédures de délivrance des visas pourront ainsi être approfondis.

La directive relative à la « carte bleue européenne » sera révisée afin d'assouplir les conditions d'entrée et de séjour dans l'Union européenne des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés. La mobilité à des fins de recherche, d'études, d'échanges scolaires, de formation et de volontariat sera facilitée.

Par ailleurs, les logiques de migration circulaire seront encouragées.

Parallèlement, l'Union européenne s'emploiera à renvoyer durablement et dans des conditions respectueuses de leur dignité, les personnes qui n'ont pas ou plus le droit de séjourner sur son territoire, notamment via des accords de réadmission. Elle aidera également les pays du voisinage à élaborer leur propre politique en la matière.

Appuyée par ses agences FRONTEX et EUROPOL, elle soutiendra davantage les efforts visant à concevoir des stratégies nationales et régionales de lutte contre le trafic des migrants, ainsi qu'une gestion intégrée des frontières.

Dans les pays partenaires, les systèmes d'asile et de protection des personnes déplacées à la suite de conflits méritent d'être améliorés, avec une attention particulière pour les réfugiés mineurs non accompagnés.

Le Partenariat oriental est devenu une plateforme dynamique d'échanges et de coopération sur des questions aussi diverses que le commerce, l'énergie, le transport, l'éducation ou l'environnement.

Quant à l'Union pour la Méditerranée, elle s'est révélée précieuse pour la tenue de discussions politiques et économiques et fournit un cadre de coopération sur des questions d'intérêt commun et les projets opérationnels menés dans la région.

Néanmoins, pour faire face aux défis communs qui se sont imposés ces dernières années, la consultation publique a mis en évidence la nécessité d'élaborer de « nouveaux cadres thématiques » pour de nouveaux modes de coopération régionale au-delà de la zone couverte par la PEV.

La coopération régionale et infrarégionale aux marges de l'Union européenne doit impliquer les États membres, les pays de la PEV ainsi que les pays candidats des Balkans, mais aussi les « voisins des voisins ».

La communication évoque deux pays qui, quoique n'étant pas éligibles à la PEV, jouent un rôle majeur en matière stratégique et énergétique, aux frontières de l'Union européenne : la Turquie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne depuis 1999, avec laquelle le dialogue est appelé à se dynamiser ; la Russie, avec laquelle il serait également souhaitable de renouer une coopération constructive pour répondre aux défis communs.

Il conviendrait parallèlement d'enrichir les contacts politiques avec l'ensemble des organisations régionales incluant des pays partenaires de la PEV ou frontalières.

Sans remettre en cause la pertinence du cadre commun de la PEV, la consultation publique a clairement fait apparaître l'appétence des pays impliqués pour des partenariats mieux différenciés, négociés d'égal à égal.

Pour les pays engagés dans une stratégie dynamique de rapprochement avec l'Union européenne à travers des accords d'association approfondis et complets, celle-ci fera en sorte d'optimiser les avantages susceptibles d'en être tirés par les deux parties. C'est le cas de la Géorgie, de la Moldavie et de l'Ukraine, qui avancent sur la voie de l'association politique et de l'intégration économique, ainsi que du Maroc et de la Tunisie, qui bénéficient respectivement du statut de partenaire avancé et de partenaire privilégié.

En 2016, l'Union européenne entamera une nouvelle phase de dialogue avec ses partenaires, en vue de faire émerger des types de relations différenciés, profilés selon leurs intérêts partagés définis en commun. Des solutions alternatives attrayantes et réalistes seront notamment recherchées pour renforcer les relations en matière de commerce et d'investissement.

Dans cette optique, le processus itératif des rapports annuels de suivi rigides sera abandonné. Une évaluation axée sur la réalisation des objectifs arrêtés avec nos partenaires s'y substituera.

Quant à l'approche incitative « more for more », elle n'a favorisé les réformes en matière de bonne gouvernance, de démocratie, d'État de droit et de droits de l'homme, que dans les pays dont les dirigeants manifestaient une réelle aspiration politique dans ce sens. Il est dès lors sans doute plus efficace de privilégier le dialogue avec les acteurs civils, économiques et sociaux.

En outre, le Conseil et les États membres seront investis d'un rôle plus important dans la définition des priorités et le soutien apporté à leur mise en oeuvre. Les États membres seront invités à tenir le rôle de chef de file pour mener à bien certaines initiatives ou accompagner certains efforts de réforme.

Sur la période de programmation pluriannuelle 2014-2020, l'Instrument européen de voisinage (IEV), a été doté d'une enveloppe de 15,4 milliards d'euros. L'Union européenne s'emploiera à lever des fonds supplémentaires considérables en renforçant encore sa coopération avec les grandes institutions financières internationales et en mobilisant la facilité d'investissement en faveur de la politique de voisinage.

Pour faire face aux besoins susceptibles d'être recensés dans tel ou tel pays, la Commission européenne réfléchira à la création d'un instrument spécifique réactif et flexible, obéissant à des procédures simplifiées, sur le modèle des fonds fiduciaires mobilisés en réaction aux conflits en Syrie et en Ukraine. L'opportunité de constituer une réserve de flexibilité dans le cadre de l'IEV sera également examinée, pour faire face à des programmations d'urgence.

La communication omet en revanche de souligner le problème de la mauvaise exécution des crédits, dont nous nous étions inquiétés dans notre précédent rapport d'information. L'Union européenne et les États membres doivent mieux accompagner l'appareil d'État des pays partenaires dans la conduite de leurs réformes de bonne gouvernance, en vue d'améliorer les résultats dans ce domaine.

Un autre point faible de la communication est de ne pas rappeler expressément que les crédits alloués au titre de la PEV doivent obéir à la clé de répartition suivante : deux tiers pour le Sud ; un tiers pour l'Est.

Cette règle est fondamentale pour garantir une juste distribution des ressources communautaires, considérant que près des trois quarts de la population des pays partenaires de la PEV habitent l'Afrique du Nord et le Proche-Orient. Elle est du reste gravée dans le marbre du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

La nouvelle PEV accordera une place prépondérante à l'amélioration de la communication à propos des politiques de l'Union européenne. Dans ce cadre, celle-ci coopérera avec ses partenaires pour contrer les campagnes de désinformation parfois menées par la Russie et elle privilégiera le dialogue avec la société civile et les jeunes.

À la lumière de cette analyse, nous vous proposons d'approuver les orientations de la nouvelle PEV, qui, comme l'a dit Marie-Louise Fort, procède d'une approche cohérente et équilibrée entre les différents enjeux contemporains : la spécificité et l'unicité de notre stratégie de voisinage sont préservées ; les exigences en matière de droits de l'homme sont rappelées avec force ; un accent plus important est mis sur la coopération sécuritaire et sur la gestion commune des flux migratoires et de la mobilité ; des synergies politiques sont préconisées avec les « voisins des voisins » ; les modes de partenariat et les financements sont flexibilisés ; la société civile et la jeunesse deviennent des cibles prioritaires de l'action européenne.

Nous émettons cependant deux réserves : nous regrettons que la clé de répartition des crédits – deux tiers pour les partenaires méridionaux contre un tiers pour les partenaires orientaux – ne soit pas rappelée, pour mémoire ; nous appelons à un meilleur accompagnement de l'appareil d'État des pays partenaires afin d'accroître le taux d'exécution des crédits engagés dans le cadre de la PEV, qui est extrêmement insatisfaisant.

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