Intervention de Philippe Duron

Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 21h30
Transports collectifs de voyageurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs. Notre rapporteur, Gilles Savary, qui est spécialiste des questions ferroviaires, y travaille depuis de nombreux mois. Je le salue pour son travail approfondi et méticuleux qui a permis d’aboutir à un texte équilibré, garant des droits des usagers de transports publics.

Contrairement à ce que sa date de passage dans cet hémicycle pourrait laisser supposer, ce texte n’a pas été écrit dans l’urgence, en réaction aux terribles attentats qui ont frappé notre pays le 13 novembre dernier. Non, il est le fruit d’un long travail fait d’auditions et de déplacements sur le terrain, et qui était dans un premier temps centré sur la fraude.

Les acteurs et les observateurs des politiques publiques de la mobilité le savent depuis longtemps : le coût annuel de la fraude dans les transports publics est considérable. Ce coût atteint 300 millions d’euros pour la SNCF, 180 millions d’euros pour la RATP : cela fait près de 500 millions d’euros retirés chaque année à notre système de transports. La fraude pèse sur le résultat des entreprises ; c’est autant de millions d’euros en moins pour l’entretien et la maintenance des réseaux, alors que les besoins d’investissements sont criants.

Cette fraude, inacceptable quand il s’agit de jeunes gens peu respectueux des règles, devient intolérable quand elle est pratiquée par des cols blancs, qui désormais s’organisent même en mutuelles sur Internet ! Pour certains fraudeurs, il peut s’agir d’un moyen de manifester leur mécontentement face à la dégradation des services ferroviaires, mais en privant les opérateurs de ces recettes, ces usagers les privent par là même d’une partie des investissements indispensables à la régénération des réseaux et donc à l’amélioration des services dont ils bénéficient.

Cette situation cause de surcroît de très fortes tensions, non seulement avec les contrôleurs, souvent agressés, mais également avec les usagers en règle, qui comprennent mal l’impuissance de l’opérateur à sanctionner ceux qui ne le sont pas. Le législateur doit donc combattre ces dérives avec mesure et fermeté.

La proposition de loi que nous examinons ce soir propose notamment de réduire de dix à cinq par an le nombre d’infractions qui caractérise le délit d’habitude, puni par la loi. Il instaure également un droit de communication entre les opérateurs et les administrations publiques afin de recouvrer plus efficacement les amendes, ce qui est bien loin d’être le cas aujourd’hui.

Après l’attentat perpétré le 21 août dernier dans le Thalys, ce dispositif de lutte contre la fraude a été complété par un important volet sur la sécurité des voyageurs. Dans une société où le civisme serait universellement partagé, dans un monde en paix, où personne ne menacerait la sécurité de la population, ce volet n’aurait pas de raison d’être. Mais cette année, les actes terroristes ont malheureusement frappé notre pays, comme bien d’autres dans le monde. Nos concitoyens attendent que l’État les préserve d’autres menaces, qu’il protège leur vie et celle de leurs enfants.

La tentative d’attentat du Thalys, les terribles attentats de la gare d’Atocha à Madrid et de la station Saint-Michel en 1995 l’ont montré : les gares, les transports en commun, constituent des cibles de premier choix pour le terrorisme. La concentration, dans un lieu contraint, d’une foule importante, leur garantit un impact spectaculaire, un effet de terreur.

D’importants moyens humains sont déjà consacrés à la sûreté dans les transports, ainsi qu’un arsenal de vidéosurveillance. Il convient désormais de faciliter l’action de ces agents sur le terrain, pour améliorer leur efficacité, tout en maintenant une frontière claire entre sécurité publique et sécurité privée, c’est-à-dire entre les forces relevant de la puissance publique et celles relevant des entreprises de transport.

J’ai bien pris note des objections du Défenseur des droits ; je les respecte. Il a notamment soulevé la question de la proportionnalité de ces dispositifs au regard des libertés, et les risques d’incidents liés aux contrôles et palpations.

La commission du développement durable et la commission des lois avaient anticipé ces exigences. Elles ont ainsi amélioré le texte sur plusieurs points. Un bilan national annuel des contrôles et des actes de supervision des services de sûreté par les forces de police et de gendarmerie sera adressé au Défenseur des droits. L’action en civil d’agents de sûreté sera conditionnée à un arrêté préfectoral préalable. La réalisation d’enquêtes administratives par la SNCF et la RATP sera autorisée lors de recrutements, d’affectations, et même pour les personnels en place lorsqu’ils sont affectés à des postes à risque, tels que l’aiguillage, la conduite, ou la sécurité des systèmes d’information.

Enfin, les agents seront mieux formés et les autorités organisatrices de transports seront responsabilisées pour lutter contre les violences et le harcèlement sexistes, qui sont malheureusement très fréquents dans les transports publics.

Cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, a fait l’objet de nombreuses concertations, impliquant jusqu’au Conseil d’État. Vous avez trouvé un équilibre entre la nécessité de lutter contre un phénomène d’ampleur et très coûteux pour notre système de transports, la fraude, et celle de garantir à nos concitoyens à la fois la sécurité et le respect absolu de leur liberté de circuler. C’est pourquoi vous trouverez sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen de nombreux parlementaires qui vous apporteront leur soutien.

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