Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 21h30
Transports collectifs de voyageurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme notre excellent rapporteur au fond le signale dans son rapport, cette proposition de loi, dont il est le géniteur et l’auteur principal, a connu un parcours un peu chaotique. Son objet premier était de lutter contre la fraude dans les transports en commun, phénomène qui coûte cher, très cher, trop cher – 300 millions d’euros par an à la SNCF, 100 millions d’euros par an à la RATP et 100 millions d’euros par an aux autres opérateurs – et qui, par le sentiment d’impunité qu’il donne aux fraudeurs, accroît la sensation d’insécurité des voyageurs qui, eux, paient leur billet.

À la demande des principaux opérateurs, ce texte avait pour ambition, d’une part, de renforcer les attributions des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP afin qu’ils puissent constater, par procès-verbal, le délit de vente à la sauvette lorsqu’il est commis sur le domaine public des gares ; d’autre part, d’abaisser de dix à cinq le nombre d’infractions caractérisant le délit d’habitude, ce qui aura pour conséquence de faire passer le nombre de contrevenants tombant sous le coup de cette infraction de 22 000 à 52 800 ; enfin, d’instaurer un droit de communication entre les exploitants de transports publics et les administrations publiques – le rôle de la CNIL est, à cet égard, opportunément précisé – afin d’améliorer le trop faible taux de recouvrement des PV – car, comme tout le monde le sait et comme font 42 % des fraudeurs de la SNCF, il suffit de présenter une pièce d’identité dont l’adresse n’est plus la bonne pour échapper au paiement du PV.

Le volet consacré à la lutte contre la fraude s’est enrichi en commission : un délit de soustraction à l’obligation de rester à disposition des agents de contrôle a été créé, à l’initiative du rapporteur pour avis, transformant ainsi la fuite du fraudeur en flagrant délit de même qu’un dispositif permettant de sanctionner les souscriptions ayant pour objet de financer le paiement des amendes.

À la réflexion, un dispositif similaire aurait pu être incorporé aux propositions de loi relatives à l’élection présidentielle qui viennent d’être examinées lorsque le compte de campagne d’un candidat a été rejeté par le Conseil constitutionnel, mais cela aurait pu être perçu par certains de nos collègues comme une provocation…

La commission du développement durable a clarifié la rédaction de l’article 529-4 du code de procédure pénale. J’émets toutefois des doutes sur le mécanisme de transaction pénale permettant, lorsqu’elle est honorée, souvent sur le champ, d’éteindre l’action publique.

Cette pratique constitue souvent une pression pour payer le PV et les conditions de son établissement empêchent le plus souvent le voyageur appréhendé de formuler des observations sur les conditions dans lesquelles le PV a été dressé. De plus, les frais de dossier sont souvent ridiculement élevés et leur remise, après contestation, s’apparente à une sorte de « solde » sur le montant dû. Comme, de surcroît, la procédure de recouvrement est maintenant améliorée dans le sens d’une plus grande efficacité, j’estime que, même ainsi précisé, le mécanisme de la transaction pénale reste ambigu, à défaut d’être parfaitement justifié.

D’autres amendements ont été adoptés par notre commission saisie au fond. Ils ont différents objets : faciliter le prêt de personnel entre les différentes entités de la SNCF ; étendre les pouvoirs des polices municipales dans la perspective d’une collaboration de celles-ci à la police des transports ; permettre aux agents des douanes d’accéder librement aux trains en circulation sur le territoire français ; permettre aux agents des services de sécurité des exploitants d’empêcher physiquement l’accès de voyageurs récalcitrants aux véhicules, alors que le code des transports leur permet déjà de les en faire descendre ; punir de deux mois d’emprisonnement les fraudes à l’identité en matière de transports ; punir de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende l’incitation à la fraude dans les transports par la création de collectifs de fraudeurs.

Ces dispositions n’appellent pas de ma part de commentaire particulier, sauf à émettre le souhait que le statut équilibré des polices municipales ne se trouve pas altéré par le nouvel article 12 et que les agents municipaux ne soient pas amenés à suppléer leurs collègues compétents en matière de transports.

Je relève avec intérêt qu’un volet relatif à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports, constitué par l’article 14, a été adopté. La lutte contre les violences sexistes constitue désormais un objectif explicitement mentionné dans le code des transports. Cette forme spécifique de délinquance implique une formation adéquate des agents des services de transports, au-delà de la sensibilisation des usagers.

J’en viens maintenant au contenu du principal titre de cette proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les attentats graves à la sécurité publique et le terrorisme dans les transports publics de voyageurs. Ces dispositions trouvent leur origine et, ce faisant, leur justification, dans l’attentat déjoué à bord du Thalys le 21 août dernier. Cette tentative est venue nous rappeler que beaucoup d’attentats, notamment dans les pays occidentaux, ont pour cible les transports en commun, utilisés tous les jours par des millions de voyageurs et dont les caractéristiques – densité, confinement – les rendent particulièrement vulnérables.

Pourtant, d’énormes moyens sont déployés pour assurer la sûreté des voyageurs : plus de 2 600 agents des différents services de la police nationale, de la police aux frontières, en particulier la police ferroviaire, de la gendarmerie nationale, des douanes, des polices municipales, et 1 200 agents de la sous-direction régionale de la police des transports pour l’Île-de-France, 2 800 agents de la sûreté générale, le service de la SNCF, 1 250 agents du groupe de protection et de sécurisation des réseaux de la RATP. Sans compter les agences de sécurité privées contrôlées par le Conseil national des activités privées et de sécurité.

L’objectif principal de ce texte est d’accroître le champ d’action de l’ensemble de ces agents, de rénover le régime juridique de leur cadre d’activités. Il est également d’affecter, en tant qu’auxiliaires de police à part entière, soumis à la fois au code des transports et au code de la sécurité intérieure, l’ensemble des personnels de sécurité des opérateurs de transports pour leur permettre d’assurer une surveillance suffisamment poussée et d’agir dans le cadre du flagrant délit, tout en leur donnant les moyens de développer la prévention des actes de délinquance les plus graves grâce à la fouille corporelle et celle des bagages.

Il faut noter la suppression de l’habilitation et de l’agrément préfectoraux, qui étaient exigibles en matière de palpation de sécurité. Cette suppression n’est pas contestable en soi, mais elle pourrait être perçue comme un affaiblissement des garanties offertes aux voyageurs, alors que celles-ci existent préalablement et postérieurement au recrutement et à l’affectation des agents de sécurité, et qu’elles sont d’ailleurs renforcées par l’article 3 bis, dont l’initiative revient au rapporteur pour avis.

L’article 1er de la proposition de loi procède à une extension bienvenue des compétences des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. Un amendement du rapporteur permet, en outre, de renforcer leurs prérogatives. Par ailleurs, les contrôleurs pourront désormais procéder à l’inspection visuelle des bagages à bord des trains, la fouille étant réservée aux agents de la sécurité ainsi que, désormais, à ceux de la sûreté générale et du groupe de protection de la RATP.

Je note également que l’article 3 élargit les possibilités accordées aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP d’agir en civil, alors que la règle, certes assouplie en 2007, est le port d’une tenue. Même si la dispense d’uniforme restera dérogatoire, cet article aura au moins le mérite, si l’on peut dire, de mettre le droit en conformité avec la réalité, car de nombreux agents, notamment de la RATP, officient déjà, et en toute illégalité, en civil. Un amendement de la commission des lois est opportunément venu conditionner l’action en civil de ces personnels à un arrêté préfectoral préalable, qui préciserait à quelles dates et dans quels lieux la dispense de tenue serait autorisée.

Symétriquement au renforcement de leurs capacités et de leurs attributions, l’article 2 vient compléter le statut des agents des services internes de sécurité des opérateurs, en les plaçant sous le contrôle des forces de l’ordre.

Notre rapporteur pour avis a également fait adopter un amendement permettant d’étendre la peine d’interdiction de séjour à des véhicules, arrêts et stations de transports publics de voyageurs, ce dispositif étant censé offrir une meilleure protection aux victimes en tentant d’éviter la récidive. Il est vrai que certaines stations de métro parisiennes voient défiler imperturbablement les mêmes délinquants, qui semblent y avoir leurs habitudes.

Je terminerai mon propos en commentant l’article 6 de la proposition de loi, tendant à permettre aux officiers et agents de police judiciaire d’inspecter et de fouiller des bagages, dans les mêmes formes que celles qui régissent le contrôle des véhicules.

Un amendement du rapporteur concernant les contrôles de police administrative a supprimé l’obligation d’une autorisation préalable du procureur de la République, requise en cas de refus ou d’absence du propriétaire. Outre les observations d’ordre juridique, cette autorisation se heurtait à des considérations purement matérielles : le maintien de son obligation aurait enlevé à cette faculté tout intérêt, en la rendant inapplicable.

Pour conclure, en félicitant notre rapporteur Gilles Savary pour son remarquable travail, je précise qu’au nom des membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je voterai la proposition de loi.

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