Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 8 décembre 2015 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérald Darmanin :

Sur le terrorisme, nous vous soutenons totalement, monsieur le rapporteur. J'espère que vous réserverez un sort favorable à l'amendement de notre collègue Valérie Pécresse, et dont je suis signataire, qui prévoit que les autorités de transport, la RATP et la SNCF, puissent avoir communication par le représentant de l'État des employés fichés « S ».

Sur la sécurité et la fraude, j'entends le questionnement de nos collègues. S'il n'existe pas de lien direct entre la sécurité et la fraude, il y a néanmoins un lien entre fraude et délinquance. Certes, tous les fraudeurs ne sont pas des délinquants – beaucoup sont des cols blancs –, mais les agresseurs n'ont souvent pas de titre de transport : le cas de l'homo economicus, qui calcule qu'il n'a qu'une chance sur dix de se faire attraper, est malheureusement assez répandu dans toutes les catégories de population. Mais il est rare que celui qui met le bazar dans un train ou qui agresse soit en possession d'un billet dûment payé… Les autorités organisatrices de transport ont essayé bon an mal an d'améliorer la sécurité et la lutte contre la fraude, avec des moyens limités en Ile-de-France et totalement insuffisants en province.

Sur la question du recouvrement des amendes, il est vrai que le métier de contrôleur n'est pas très attrayant. Il est vrai également que les organismes de transport, en province comme en Ile-de-France, refusent d'affecter des contrôleurs dans les réseaux de transport après vingt et une heures ou vingt-deux heures en l'absence des forces de l'ordre. Jusqu'en 2014, lorsque la police nationale ou municipale n'était pas présente, aucun contrôle n'était été effectué après vingt heures dans la métropole lilloise, hormis dans la station principale, la gare Lille Flandres, car les contrôleurs eux-mêmes avaient peur pour leur sécurité. Et ce ne sont pas des agents de sécurité, ni même des agents de sûreté : leur métier se borne à contrôler le titre de transport.

Le taux moyen de contrôle se situe entre 3 % et 5 %, pour un recouvrement des amendes de 14 %. Le problème est qu'un usager n'est pas tenu de présenter une pièce d'identité au contrôleur, ce qui est logique puisqu'il n'est pas un agent de sûreté. C'est un vrai sujet, car tant qu'on ne cherche pas le conflit, il n'y a pas de délit ; M. Sébastien Pietrasanta a raison, mais il faudrait aller beaucoup plus loin. Lorsque le contrôlé refuse de présenter une pièce d'identité ou ment effrontément sur son identité, le contrôleur ne peut que le laisser partir… Du coup, on pourrait même dire que les 14 % qui paient leurs amendes sont des fraudeurs qui n'osent pas être de vrais délinquants, puisqu'ils présentent leur pièce d'identité alors que s'ils ne la présentent pas, ils ne seront jamais verbalisés ! Les seules personnes compétentes pour demander une pièce d'identité sont les policiers nationaux et les policiers municipaux, qui peuvent emmener le contrevenant au commissariat ou au poste pour vérifier son identité. Cela fait beaucoup de gens pour contrôler un voyageur sans ticket…

À noter que lutter pour la sécurité et contre la fraude, c'est aussi lutter pour l'environnement, puisque beaucoup de nos concitoyens ne prennent plus les transports en commun à partir d'une certaine heure, préférant leur voiture, notamment les femmes qui ne se sentent pas en sécurité dans les transports en commun. Dans la métropole lilloise, 90 % des femmes se sentent au moins une fois par an en insécurité dans les réseaux de transport.

Un autre amendement de Valérie Pécresse introduit l'obligation pour les usagers d'avoir une pièce d'identité lorsqu'ils empruntent les transports en commun, hormis pour les mineurs, ce qui permettrait aux contrôleurs de la demander et faciliterait la tâche des policiers. Cela permettrait ainsi de lutter contre le terrorisme, mais aussi contre la fraude et de ne plus en rester à ce taux de recouvrement de 14 %.

Le faible taux de recouvrement renvoie à la question du travail du Trésor Public. Que deviennent toutes ces amendes ? Il renvoie, en outre, à la question du coût : plus on met de contrôleurs, plus cela coûte, moins cela encourage les AOT à recruter des contrôleurs… C'est un théorème à la Shadock auquel cette proposition de loi doit mettre au plus vite un terme.

Lutter pour la sécurité et contre la fraude, c'est également lutter pour l'emploi. Je reçois dans ma permanence des gens qui refusent un travail dans d'autres communes de ma circonscription car ils ne possèdent pas de voiture et refusent d'emprunter les transports en commun tard le soir par peur des agressions, notamment sexuelles. Cela vaut pour nombre de personnes, en particulier les femmes, mais également pour tous qui travaillent, en médiation ou « en plein », pour le compte des organismes de transport. Ainsi, le renforcement de la sécurité dans les transports, surtout en province, favoriserait le retour à l'emploi pour un certain nombre de nos concitoyens.

Il y a les portiques, qui détectent les objets métalliques potentiellement meurtriers, mais il y a aussi le contrôle d'accès, qui empêche les gens de frauder. La ville de Lyon, sous autorité socialiste, me semble-t-il, a renforcé le contrôle d'accès dans les transports en commun, ce qui a permis de faire passer le taux de fraude de 17 % à 6 % dans le métro. M. Gérard Collomb réfléchit à présent au contrôle d'accès pour les trams. Un grand nombre d'AOT n'ont pas ce contrôle d'accès, notamment dans la métropole lilloise où la fraude devient explosive : elle atteint 18 %, et un point de fraude coûte chaque année 800 000 euros au contribuable… La démonstration du rapporteur est évidente.

Enfin, il faut se poser la question de l'inégalité entre les territoires en termes de forces de police nationale. Il y a quelques années, ont été créés les services de transport en commun de la police nationale. Dans le Nord, ce sont 120 agents de la police nationale pour 60 stations de métro, 420 bus quotidiens, deux gares parmi les plus importantes de France, et tous les TER en partance de Lille. Grosso modo, compte tenu des malades, des gens en formation, des décharges syndicales, cela fait une vingtaine de policiers nationaux en permanence sur le réseau. Il serait illusoire de demander plus de policiers nationaux. J'ai donc proposé que les organismes de transport extérieurs à Paris aient la possibilité d'avoir des agents de sûreté, comme la RATP et la SNCF, ce qui nous est pour l'heure interdit. J'espère que notre proposition sera retenue.

Les polices municipales elles-mêmes pourraient faire ce travail d'aide au contrôle et de sécurisation. Dans ma commune de Tourcoing, je mets à disposition des policiers municipaux, ce qui a permis de faire baisser la fraude de 50 %. J'avais donc déposé un amendement, et je suis choqué qu'il ait été rejeté au titre de l'article 40, qui prévoit qu'une ville qui met à disposition des policiers municipaux soit rémunérée par l'opérateur privé de transport public de voyageurs. Dans le domaine du sport, quand le PSG organise un match, il demande des renforts de CRS et le club dédommage l'État : c'est prévu dans le code du sport. Je ne vois donc pas pourquoi les communes qui jouent le jeu de la sécurité et la lutte contre la fraude en mettant à disposition des policiers ne seraient pas dédommagées, d'autant qu'un taux de recouvrement d'amende relevé à 45 % rapporterait à la collectivité, mais également à l'organisme de transport.

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