Intervention de Claudine Schmid

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 15h00
Incapacité pénale des personnes condamnées pour pédophilie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaudine Schmid :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, les actes de pédophilie en milieu scolaire et l’insuffisance des mesures annoncées, ces derniers mois, par mesdames les ministres Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem ont conduit notre collègue Claude de Ganay, soutenu par son groupe parlementaire, à déposer une proposition de loi visant à rendre automatique l’incapacité pénale d’exercer une fonction dans les lieux d’accueil des mineurs pour les personnes définitivement condamnées pour des faits de pédophilie ou de détention d’images pédopornographiques.

Est-il nécessaire de rappeler les pénibles faits survenus à Villefontaine, qui ont mis la France en émoi en mars 2015, alors qu’un professeur et directeur d’école a été arrêté, puis mis en examen pour viol sur des élèves ? Ce professeur avait déjà comparu pour recel d’images à caractère pédopornographique devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu en 2008. Cette dernière information n’avait pas été transmise par le parquet à l’éducation nationale. Ce défaut de transmission témoigne de la nécessité d’une meilleure coordination entre la justice et l’administration, pourtant prévue par de nombreux textes.

Il est devenu proprement insupportable que, année après année, les violences sexuelles contre les enfants continuent d’être perpétrées dans l’enceinte scolaire, pourtant dédiée à la protection des enfants. Ces faits sont encore plus insoutenables lorsqu’ils sont commis par des éducateurs, déjà condamnés par la justice pour de telles violences. Le 4 mai dernier, les ministres Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira annonçaient qu’un projet de loi garantirait la transmission d’informations de la justice à l’administration. Mmes les ministres viennent seulement de présenter un projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs en Conseil des ministres, le 25 novembre dernier.

Malgré les dispositions extrêmement précises du code pénal et du code de l’action sociale et des familles concernant la prévention du risque pédophile, la répression de celui-ci et le suivi des personnes concernées, malgré le nombre incalculable de circulaires émises depuis plus de quinze ans – circulaires interministérielles ou émanant des ministères de la justice et de l’éducation nationale – censées améliorer l’information des employeurs sur d’éventuelles condamnations pour atteintes sexuelles concernant les éducateurs, il se trouve encore, dans notre pays, des professeurs ou des directeurs d’école en exercice alors qu’ils ont été condamnés par la justice pour des faits de violences sexuelles ou de pédophilie.

Le coeur du problème, c’est cette faille, principale : l’interdiction d’exercer toute profession au contact d’enfants par des personnes concernées par ce type de crime ou de délits est considérée aujourd’hui, dans notre droit, comme une peine complémentaire laissée à la libre appréciation du juge. Cette interdiction peut être temporaire ou définitive ; elle peut, ou non, être décidée par le juge, en complément de sa peine principale – emprisonnement ou sursis, par exemple. Il arrive donc que des éducateurs condamnés pour la consultation de films pornographiques à caractère pédophile soient laissés en activité. Il arrive aussi que des condamnations pour ce type de faits ne soient pas communiquées aux institutions qui emploient ces éducateurs, à commencer par l’éducation nationale.

De tels dysfonctionnements sont tout simplement inacceptables. Ces violences sexuelles subies par les enfants ont des conséquences irréparables. Notre République ne peut pas laisser ces prédateurs sexuels continuer d’exercer des professions au contact des enfants. C’est le but de la présente proposition de loi que de remédier à ces failles en rendant obligatoire, pour toute personne condamnée pour des faits de pédopornographie, de pédophilie ou toute autre infraction de nature sexuelle sur mineur, l’interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

Il faut aussi rendre obligatoire et définitive la peine complémentaire d’interdiction d’exercer. Toutefois, l’appréciation du juge, conformément au principe d’individualisation de la peine, doit être maintenue, tout en laissant à celui-ci la possibilité de moduler cette peine. Dans ce cas, il devra motiver sa décision au vu de la personnalité de l’auteur et des circonstances de l’infraction, et prouver que le risque pour les enfants aura disparu. Enfin, il faut faire en sorte que l’interdiction d’exercer fasse l’objet d’une communication immédiate auprès des organismes employeurs, afin qu’elle entraîne une révocation, elle aussi immédiate, de la personne condamnée.

Pour toutes, ces raisons je soutiens cette proposition de loi et vous invite à faire de même, comme vous y a aussi invité M. le secrétaire d’État. Nous éloignerons ainsi, tous ensemble, les prédateurs sexuels de nos enfants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion