Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 15h00
Incapacité pénale des personnes condamnées pour pédophilie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous commençons l’examen de la proposition de loi visant à rendre automatique l’incapacité pénale d’exercice pour les personnes définitivement condamnées pour des faits de pédophilie ou de détention d’images pédopornographiques déposée par nos collègues du groupe Les Républicains à l’occasion de la journée d’initiative qui leur est réservée.

Comme le rapporteur l’a précisé, cette proposition de loi fait suite aux affaires d’actes de pédophilie commis dans des établissements scolaires portés à notre connaissance au printemps 2015.

Les dispositions actuelles de l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles permettent, en matière d’infractions commises sur un mineur, d’interdire à toute personne condamnée pour un crime ou pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’au moins deux mois sans sursis d’exploiter, de diriger ou d’exercer une fonction dans les lieux accueillant des mineurs.

Or, l’objet de la proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains est d’étendre cette incapacité pénale automatique d’exercice d’activités professionnelles au contact des mineurs aux personnes condamnées pour des délits sexuels commis envers des mineurs, y compris en cas de condamnation à de seules peines de prisons avec sursis ainsi qu’en cas de détention d’images ou de vidéos à caractère pédopornographique définies par l’article 227-23 du code pénal.

Ces délits comprennent les agressions sexuelles imposées aux mineurs autres que le viol, la mise en péril des mineurs, ou encore le recel d’images à caractère pédopornographique.

Or, ce dispositif a déjà été débattu et fait suite à un amendement déposé par Les Républicains et adopté après avis favorable de la garde des sceaux ainsi que du rapporteur, Dominique Raimbourg, à l’occasion de l’examen aux mois de juin et juillet derniers du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dit DADU pénal.

Ces dispositions, ensuite réécrites avec le même contenu par un amendement du rapporteur, ont été présentées comme légitimes car relevant de l’éthique et de la bonne gestion des établissements impliquant des mineurs.

Ce dispositif, bien qu’adopté par l’Assemblée nationale en lecture définitive, avait été censuré par le Conseil constitutionnel non sur le fond mais en ce qu’il ne présentait pas de lien, même indirect, avec l’objet du projet de loi examiné, celui-ci n’étant qu’un texte de transposition des directives européennes.

Cette décision entérine d’ailleurs la position du Conseil constitutionnel s’agissant des projets de transposition des directives européennes, à savoir que toutes dispositions complémentaires, avec ou sans lien direct avec les dispositions objets de transposition, seront jugées inconstitutionnelles dès lors qu’elles ne constituent pas de simples articles de transposition.

On peut considérer que cette jurisprudence du Conseil est bien sévère, d’autant plus qu’elle peut être in fine détournée lorsque l’intitulé du texte de loi dépasse la simple transposition de directives. Elle n’en doit pas moins s’imposer à nous.

Aussi, mes collègues Stéphane Claireaux et Jean-Pierre Maggi ont formulé cette critique lors de l’examen des amendements présentés par le Gouvernement sur le DADU pénal, la méthode étant pour le moins cavalière : déposés hors délai, examinés à une heure du matin un mercredi soir après demande de retrait au profit d’un amendement du rapporteur plus mesuré… Le Gouvernement avait pris une fois encore des libertés avec le travail des parlementaires. Mais, plus encore, le fond des amendements proposés a fait l’objet de critiques.

En effet, ces amendements visaient à ouvrir la possibilité pour le ministère public d’informer les administrations et les organismes compétents de l’existence d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est en lien avec des mineurs.

Si l’objectif de cette disposition pouvait se justifier pleinement en ce qu’elle vise à protéger les mineurs du fait des majeurs ayant autorité sur eux, nous nous étions montrés inquiets car l’insertion d’un tel dispositif pouvait aller à l’encontre du principe juridique de la présomption d’innocence, principe fondamental de notre droit pénal que nous avons le devoir de protéger au nom des libertés de chacun.

Or, la seule ouverture d’une enquête ou d’une instruction ne pouvait pas constituer une preuve suffisante de la commission des faits par la personne soupçonnée et pouvait entraver la procédure.

Plus encore, l’utilisation de ces informations, non définitives, pouvait porter préjudice à la réputation et à l’honneur de la personne concernée.

Vous avez évité cet écueil, monsieur le rapporteur, en nous présentant un texte ouvrant aux dispositions délictuelles les possibilités actuellement offertes par le code de l’action sociale et des familles en matière criminelle.

Nous sommes rassurés, puisque ce texte prévoit que seules les condamnations définitives pourraient faire l’objet de telles sanctions. Cette précision constitue une sécurité nécessaire afin de préserver la présomption d’innocence des personnes soupçonnées. Ce dispositif équilibré respecte les droits de la défense, tout en remplissant son objectif indispensable de protection des mineurs.

Vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera cette proposition de loi.

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