Intervention de Gilles Boeuf

Réunion du 25 novembre 2015 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Gilles Boeuf :

Pour ma part, je m'exprimerai devant vous en tant que scientifique, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises.

La principale problématique à laquelle nous ayons dû faire face a consisté à trouver le moyen d'intégrer la future agence au dispositif préexistant. La France est déjà dotée d'un Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB) – créé en 2004 par le ministère de l'écologie –, d'une Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) – un établissement de coopération scientifique créé en 2008 à l'initiative des ministères français de la recherche et de l'environnement –, ainsi que d'un Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Nous avons discuté avec la ministre de la meilleure façon d'harmoniser ce dispositif, et j'ai pour ma part plaidé pour que l'on maintienne le CSPNB, seul organisme véritablement indépendant à ce jour, puisqu'il est constitué de chercheurs qui viennent par eux-mêmes participer à des réflexions sur des thèmes relatifs à l'environnement – le CSPNB ayant vocation à être consulté sur certaines questions, et pouvant également s'autosaisir : il est ainsi intervenu notamment sur le thon rouge, sur la forêt et sur l'eau.

Si l'intérêt essentiel du CSPNB est son impartialité, la FRB ne peut se prévaloir de la même qualité, dans la mesure où elle a été créée avec le soutien de huit établissements publics de recherche. Par ailleurs, nous avons créé l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi), émanation de douze organismes français de recherche – dont les huit qui sont à la base de la FRB –, qui a pour objet de fédérer et coordonner la stratégie scientifique. Quand il s'agit d'aborder des questions aussi délicates que celles des OGM, de la biologie de synthèse, de la géo-ingénierie ou de la bio-ingénierie, il n'est pas évident d'obtenir des scientifiques compétents en la matière qu'ils se retirent des organismes au sein desquels ils travaillent habituellement afin de disposer d'une totale liberté d'expression et d'être en mesure de délivrer à nos concitoyens toutes les informations qu'ils estiment importantes.

Je ne suis pas favorable à une fusion entre le CSPNB et le CNPN, qui ne font pas le même travail : si le CNPN rend des rapports qui font parfois plus de 500 pages, le CSPNB ne dispose pas des moyens nécessaires pour effectuer des travaux d'une telle envergure. En revanche, si l'Agence française pour la biodiversité se dote d'un conseil scientifique, comme le prévoit le projet de loi, la question du maintien du CNPNB se posera – peut-être aura-t-il vocation à devenir ce conseil scientifique. Quant à la FRB, elle doit continuer à exister, et constituera un puissant outil d'investigation de l'Agence française pour la biodiversité, pour peu que nous disposions des financements nécessaires pour lancer les études dont nous avons besoin.

Nous travaillons beaucoup au niveau régional, et j'ai moi-même été impliqué dans la création d'un conseil scientifique régional de la biodiversité dans les régions Languedoc-Roussillon et Aquitaine. Si nous ne sommes pas en mesure de déterminer précisément ce que seront les modalités de fonctionnement de l'AFB tant que la loi n'est pas adoptée, elle doit en tout état de cause constituer un réel outil de réflexion.

Un écologue se voir souvent poser des questions très simples auxquelles il est pourtant incapable de répondre, notamment celle consistant à définir le bon état d'un écosystème : c'est seulement quand un écosystème va mal que l'on peut le dire avec certitude, et nous aurions besoin de faire encore beaucoup de recherches dans ce domaine. De même, nous devons reconnaître un manque de connaissances sur les questions relatives à la compensation écologique, notamment sur l'efficacité des mesures très coûteuses qui peuvent être prises dans ce domaine. Nous avons vraiment besoin d'accroître nos capacités de réflexion et nos connaissances en la matière, et j'espère que la nouvelle organisation induite par la création de l'Agence française pour la biodiversité nous le permettra.

Je conclurai en disant que je suis, moi aussi, convaincu que l'Office national de la chasse et de la faune sauvage doit être pour nous un partenaire essentiel.

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