Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du 26 novembre 2015 à 15h00
Favoriser la baisse de la production de co2 par le développement de l'effacement électrique diffus — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, la loi sur la transition énergétique adoptée cet été a fixé les grands objectifs du nouveau modèle énergétique français en rééquilibrant le mix énergétique. Elle prévoit une série de mesures pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et diminuer notre consommation pour une meilleure efficacité énergétique, notamment en matière de réhabilitation thermique et d’économies d’énergie.

L’effacement industriel nécessaire à la compétitivité de nos entreprises est également l’un des axes de la loi pour atteindre cet objectif d’efficacité, tout comme l’effacement diffus, moins connu, qui concerne les particuliers.

Avec cette loi qui se veut équilibrée et ambitieuse, la France est en ordre de marche, alors qu’elle reçoit la conférence de Paris sur le climat, réunissant 147 chefs d’État, qui débutera la semaine prochaine et qui, nous l’espérons, aboutira à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays.

La proposition de loi portée par M. Jégo et que nous discutons aujourd’hui concerne l’effacement diffus, qui peut être un très bon outil de réduction des consommations énergétiques, notamment en période de pointe, contribuant à la sécurité d’approvisionnement et offrant de la flexibilité au système. Il permet également l’accompagnement du développement des énergies renouvelables.

Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte législatif.

En 2013 est votée la loi Brottes, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Cette loi définit, pour la première fois, un cadre pour les effacements « explicites », c’est-à-dire permettant la valorisation de l’énergie effacée sur les marchés de l’énergie. Le principe d’une rémunération des fournisseurs par les opérateurs d’effacement est posé, ainsi que celui du versement d’une prime aux opérateurs d’effacement, alimentée par la CSPE, au titre de leur contribution aux objectifs de la politique énergétique. La loi de 2013 a été mise en oeuvre et des effacements diffus ont été valorisés sur le marché de l’électricité – même si, je vous l’accorde, monsieur le rapporteur, cela n’est pas suffisant.

En janvier 2015, dans le cadre de la commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, a été organisée une table ronde sur le sujet, au cours de laquelle tous les parlementaires présents et les entreprises du secteur invitées convenaient de la nécessité d’un versement des opérateurs aux fournisseurs, mais toute la question était de savoir comment devait être calculé ce versement.

En juillet dernier, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en a tiré les enseignements et a modifié la loi Brottes. La prime aux opérateurs a été remplacée par un système d’appels d’offres rémunérant les effacements de consommation du candidat retenu et dont les modalités sont fixées par arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’économie. Le système d’appel d’offres a l’avantage, à l’inverse de la prime, de mieux maîtriser les charges du soutien public, et donc l’impact sur la facture du consommateur, et de piloter le déploiement de la filière en volume.

Le rôle des gestionnaires de réseau dans la mise en oeuvre est également clarifié. Ainsi, RTE ne peut pas exercer l’activité d’opérateur d’effacement, car il assure déjà la mise en oeuvre technique des effacements et doit donc rester neutre.

Enfin, la loi sur la transition énergétique définit deux régimes, qui ne sont pas cumulables. Le premier est le régime général, qui permet aux opérateurs de se rémunérer via le système d’appels d’offres. Les capacités d’effacement sont rémunérées dans le cadre de ces appels d’offres et ne peuvent pas bénéficier du régime dérogatoire qui permet aux opérateurs d’effacement de réduire leur contribution au versement fait aux fournisseurs. Le second est le régime dérogatoire, qui s’applique en cas d’économies d’énergies significatives, pour lequel la part du versement est mutualisée entre les fournisseurs, ce qui permet de répartir entre l’opérateur d’effacement et le gestionnaire de réseau le paiement fait au fournisseur. Les coûts supportés par le gestionnaire sont ensuite couverts par la communauté des fournisseurs dans le cadre d’un « règlement des écarts ».

Aujourd’hui, quatre mois tout juste après la promulgation de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, vous déposez, monsieur Jégo, une proposition de loi qui revient sur certaines de ses dispositions, en particulier sur la répartition du bénéfice, sur la base d’amendements que vous aviez déposés, qui avaient été largement débattus et que nous avions repoussés.

Je rappelle qu’un dispositif équilibré a été trouvé dans la loi, prenant en compte toute la diversité des types d’effacement, et que le Gouvernement doit d’ailleurs lancer les premiers appels d’offres et en évaluer les retours d’expérience. Par ailleurs, l’article 168 de la loi prévoit de confier à la CRE un rapport d’évaluation du régime de versement et de l’incidence de l’effacement sur les prix. À ce stade, en outre, aucune évaluation nouvelle et partagée n’a été réalisée, notamment sur la question du report – on ne peut, en effet, se fonder sur le postulat qu’il n’y aurait aucun report dans tout effacement et que tout effacement serait égal à une économie d’énergie. Cette question est, du reste, régulièrement soulevée par les associations de consommateurs.

Les résultats des calculs des reports peuvent d’ailleurs s’avérer très différents selon que l’on modélise à quelques heures ou à quelques jours. Aucune évaluation nouvelle n’a été réalisée sur l’impact escompté sur les économies d’émissions de gaz à effet de serre et sur le gain pour le consommateur.

Enfin, une étude a été confiée par la Commission de régulation de l’énergie à RTE sur la question de l’effacement diffus concernant le report, le contrôle de la réalité des effacements et la prise en compte des effets de bords.

Par conséquent, aucune analyse technico-économique nouvelle ne justifie aujourd’hui que l’on revienne sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour modifier les règles de soutien à l’effacement diffus. Même si chacun ici est convaincu que l’effacement est un dispositif vertueux, et même si personne ne conteste la nécessité de sa mise en oeuvre, il mérite un développement ambitieux et maîtrisé.

Malgré des perspectives écologiques et économiques intéressantes, l’effacement, qui contribue aux économies d’énergies s’inscrit aujourd’hui dans une zone d’instabilité, à l’aube d’une nouvelle filière de développement industriel.

Le sujet mérite une expertise approfondie car de nombreuses questions restent en suspens, notamment sur le choix du bon modèle économique, sur la répartition des gains retirés de l’effacement et sur la répercussion sur le prix payé par le consommateur.

Nous ne souhaitons pas légiférer dans la précipitation sur un sujet aux enjeux aussi importants. Une mission d’information a d’ailleurs été lancée par Mme Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Nous conduirons cette mission, monsieur Jégo, vous en tant que président et moi-même en tant que rapporteure. Ce sera l’occasion d’approfondir ce sujet d’importance sur toutes les interrogations que je viens d’évoquer.

Dans le cadre de cette mission, que je considère utile et nécessaire, nous aurons l’occasion d’auditionner des associations de consommateurs, des opérateurs de l’effacement, des syndicats, des universitaires et spécialistes des questions d’énergies pour permettre l’étude et l’approfondissement de toutes les solutions et trouver le meilleur équilibre pour économiser l’énergie, rémunérer l’effacement et agir sur le pouvoir d’achat du consommateur.

Vous comprendrez donc, monsieur le rapporteur, que nous ne pouvons aujourd’hui adopter en l’état votre proposition de loi. Mais nous n’enterrons pas le dossier car nous soutenons les dispositifs d’effacement. Nous considérons cette question avec grand intérêt, et la mission d’information qui a été créée permettra d’approfondir tous ces thèmes. Nous proposerons donc la suppression de l’article unique de votre proposition de loi.

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