Intervention de Yves Jégo

Séance en hémicycle du 26 novembre 2015 à 15h00
Favoriser la baisse de la production de co2 par le développement de l'effacement électrique diffus — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Jégo, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la présente proposition de loi est issue d’un constat simple : alors que l’effacement électrique diffus est une solution innovante et simple pour réduire, sans coût pour la collectivité, la facture des Français et surtout les émissions de gaz à effet de serre, cette technique n’arrive pas à prendre son envol en France.

Il est sans doute utile de revenir sur le principe de l’effacement électrique diffus. L’effacement de consommation consiste en une réduction temporaire du niveau de consommation d’un site. Parmi les différentes catégories d’effacement figurent l’effacement industriel et ce qu’il est convenu d’appeler l’effacement diffus, sur lequel porte cette proposition de loi.

L’effacement diffus concerne quasi exclusivement les foyers des particuliers, et procède de l’agrégation de microcoupures, essentiellement du chauffage électrique et des systèmes de climatisation. Les effacements peuvent être opérés par le fournisseur d’électricité lui-même, dans une logique d’optimisation de ses coûts d’approvisionnement, ou par un autre acteur, l’opérateur d’effacement indépendant.

Concrètement, les particuliers choisissent de s’équiper d’un boîtier sur leur alimentation en électricité, qui permet à l’opérateur d’effacement de contrôler à distance certains équipements électriques du logement.

La capacité d’énergie effacée en France est estimée à 500 mégawatts à peine, dans environ 100 000 foyers équipés, sur les 8 millions qui pourraient être concernés. C’est bien là où le bât blesse.

Si cette proposition de loi vise aujourd’hui à donner de l’élan à l’effacement électrique diffus, c’est parce qu’à l’heure de la COP21, il est plus que jamais nécessaire de montrer la voie et de mettre en oeuvre, avec le maximum d’ambition, toutes les technologies qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre, sans qu’il soit nécessaire de ponctionner les budgets publics.

De fait, l’effacement électrique diffus permet d’éviter, en périodes de pic de consommation, l’activation de certaines centrales thermiques, fortement émettrices de CO2. Les conséquences positives sur l’environnement d’un développement massif de l’effacement électrique diffus seraient particulièrement importantes en France, où 8,2 millions de logements sont chauffés à l’électricité. Certaines études démontrent que si nous passions de 100 000 à 1 million de foyers équipés, il serait possible d’économiser jusqu’à 2 millions de tonnes de CO2 chaque année, sans aucun coût pour la collectivité. Vous avouerez que cette perspective est pour le moins intéressante.

Suite à la prise de conscience des avantages de ce dispositif, la loi Brottes de 2013 a créé un marché de l’effacement diffus. Celui-ci permet la valorisation, par les opérateurs d’effacement, de l’énergie non consommée sur les marchés. Dans ce cadre, les fournisseurs ont obtenu d’être compensés financièrement par un versement de l’opérateur d’effacement. C’est aujourd’hui le montant de ce versement, qui ne permet pas de rémunérer à leur juste valeur les actions d’effacement, qui, seul, empêche le développement de cette technologie et bloque le nombre de foyers qui en sont équipés à 100 000.

Cette réalité nous oblige à regarder de quelle manière il serait possible de dynamiser ce dispositif. Il est vrai que, voilà peu, pour tenter de répondre à ce blocage, nous avons créé un système d’appels d’offres dans le cadre du projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte

Ce dispositif, qui encadre et précise les modalités de rémunération, à la fois des opérateurs d’effacement et des fournisseurs d’électricité, doit être mis en place. Toutefois, il est à craindre que son caractère aléatoire ne permette pas d’aller aussi loin que nous le souhaiterions et que les modalités financières obligent à ponctionner dans la contribution au service public de l’électricité – CSPE –, pratique à laquelle je suis opposé compte tenu des dérives qui ont pu se produire dans le passé.

L’organisation du marché et le système d’appels d’offres ne règlent pas de façon claire et durable la répartition des coûts et des bénéfices de l’effacement entre l’opérateur d’effacement et le fournisseur d’énergie. Une telle incertitude sur leur rémunération finale n’encourage pas les opérateurs d’effacement indépendants à investir dans la production et la maintenance des boîtiers installés – à leurs frais, je le rappelle – chez les particuliers.

Il semble donc y avoir une discordance entre les nombreux avantages de l’effacement diffus et son développement actuel, qui demeure trop limité au regard des ambitions que la France exprime à travers la COP21.

Cette proposition de loi vise à clarifier la répartition des coûts et bénéfices de l’effacement. À ce jour, l’opérateur d’effacement, lorsqu’il revend sur le marché les kilowatts effacés, effectue en compensation un versement au fournisseur. Or, et c’est le coeur du débat technique que nous vous proposons de trancher, le montant de ce versement ne prend pas en compte l’effet que l’opération d’effacement, qui se déroule en période de forte consommation, a eu sur le marché global de l’électricité et donc le gain sur le prix de l’énergie qu’a obtenu le fournisseur en question.

Lorsque les opérateurs vendent l’effacement sur le marché de l’électricité en période de pointe, ils font baisser le prix de l’électricité, ce qui diminue les coûts d’approvisionnement des fournisseurs. Il est donc proposé dans ce texte de confier au réseau de transport d’électricité – RTE – le soin d’évaluer ce bénéfice pour le fournisseur et de le déduire du montant du versement dû par l’opérateur d’effacement.

S’il s’avérait que ce mécanisme fait perdre de l’argent au fournisseur, l’effaceur aurait alors à sa charge un versement plus important. Si, au contraire, comme cela est démontré aux États-Unis, pays très en avance sur cette technologie, le fournisseur y gagne par la baisse de ses coûts, le marché pourra fonctionner sans qu’il soit nécessaire d’intervenir par des appels d’offres, forcément plus complexes et coûteux.

Enfin, il faut réaffirmer que l’effacement diffus ne remet pas en cause les grands équilibres de notre système de production d’énergie puisque tous les opérateurs d’effacement considèrent que le nombre de foyers pouvant être équipés ne dépassera pas le million – ils sont 100 000 aujourd’hui – et que la quantité globale d’effacement possible ne dépassera pas les 5 000 mégawatts – nous en sommes à 500 aujourd’hui. Le dispositif proposé ne déséquilibrera donc pas notre système énergétique, auquel nous sommes tous très attachés.

Ce texte vise ainsi, sans aucun risque financier pour la collectivité, à accélérer l’activité d’effacement diffus dans notre pays. S’il était adopté, il permettrait, dès sa publication, un démarrage plus rapide que ne le ferait le mécanisme des appels d’offres. Il permettrait aussi de tenir compte de la directive européenne relative à l’efficacité énergétique, qui fait de l’effacement un axe fort de la stratégie de développement de l’énergie sur notre continent. Comme il est écrit dans cette directive, « l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas ».

J’approuve la création de la mission d’information sur l’effacement électrique diffus, décidée à la suite du dépôt de cette proposition de loi. Adopter cette proposition de loi aujourd’hui ne me semble néanmoins pas incompatible avec la conduite des travaux d’une telle mission d’information. En effet, compte tenu de la navette, ce véhicule législatif pourrait parfaitement prendre en compte les conclusions de la mission d’information, attendues pour le mois de février. Nous aurions alors un dispositif opérationnel qui permettrait de mettre en oeuvre le plus vite possible cette mesure, certes technique, mais pleine de bon sens.

J’ajoute qu’au sein de cette assemblée, nous parlons de ces questions depuis 2007. Nous avons fait des progrès, notamment avec la loi Brottes. Mais le temps passe, et les autres pays avancent dans la mise en oeuvre de ces technologies. Pour des raisons dues à la complexité du dispositif et à la nécessaire prudence dans les décisions que nous prenons, nous perdons beaucoup de temps dans un domaine où il ne faut pas en perdre.

Le mécanisme proposé ici est une réponse pragmatique et sans coût financier pour la mise en oeuvre opérationnelle d’une mesure, certes très technique, mais qui démontrera aux 147 chefs d’État et de gouvernement, réunis a Paris pour la COP21, qu’à l’heure des grands discours pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre, la France met ses actes en adéquation avec ses paroles et prend les bonnes décisions pour maîtriser sa consommation d’énergie.

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