Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 23 novembre 2015 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Présentation

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Ce médicament doit nous permettre d’avancer significativement dans la lutte contre le VIH.

Nous disposons désormais en France de toute une palette d’outils, avec les dépistages rapides ou les auto-tests. Nous diversifions les modes et les lieux de réalisation de ces tests. Nous créons les conditions pour aller chercher, si j’ose dire, les 30 000 personnes qui, dans notre pays, ignorent leur séropositivité. Nous voulons leur donner accès à un parcours de santé adapté et éviter ainsi de nouvelles contaminations.

Comme il s’agit d’un sujet de préoccupation pour nous tous, je veux rappeler que près d’une personne séropositive sur cinq ignore son statut sérologique au VIH et que les personnes qui ignorent ce statut sont à l’origine des deux tiers des nouvelles contaminations en France. Nous ne dirons jamais assez que le préservatif constitue le meilleur moyen d’éviter la contamination par le VIH ainsi que par les autres infections sexuellement transmissibles.

Le préservatif est et restera le principal outil de prévention, mais une nouvelle innovation arrive avec la prophylaxie pré-exposition, couramment appelée la PrEP. Très concrètement, il s’agit d’un traitement qui, pris avant une exposition au VIH, permet d’éviter la contamination. Ce traitement ne peut se substituer au préservatif, j’insiste sur ce point, mais il permet de répondre à des situations dans lesquelles le préservatif ne trouve pas sa place et à celles de personnes qui ne peuvent pas, pour différentes raisons, avoir un usage systématique du préservatif alors même qu’elles évoluent au sein de groupes dans lesquels la prévalence et l’incidence du VIH est élevée.

Nous disposons, comme vous l’avez dit, madame la présidente de la commission, de résultats scientifiques nombreux, convergents et probants, relayés par des autorités scientifiques aussi incontestables que l’ANRS – Agence nationale de recherche sur le sida – et le Conseil national du sida et des hépatites virales. Ces études démontrent l’efficacité de la PrEP chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, puisqu’elle réduit de façon très significative le nombre des nouvelles contaminations parmi la population qui a été testée ou suivie dans le cadre de ces essais.

Réduire le nombre des nouvelles contaminations dans cette population constitue un enjeu majeur de santé publique, et pour le bénéfice de tous car ce groupe est aujourd’hui le seul au sein duquel le nombre de nouvelles contaminations au VIH ne diminue pas. Il y a donc urgence à agir.

Le 29 octobre dernier, la commission d’évaluation initiale du rapport bénéfice-risque des produits de santé de l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, s’est prononcée à l’unanimité en faveur de la mise en place d’une recommandation temporaire d’utilisation d’un traitement au titre de la PrEP, le Truvada, afin de prévenir les infections par le VIH. Il existe donc un large consensus scientifique sur l’efficacité de cette approche.

J’ai personnellement suivi de très près toutes les étapes de la recherche scientifique dans ce domaine, en particulier le cheminement de la réflexion au sein de l’ANSM. La procédure d’instruction par l’Agence n’est pas encore arrivée à son terme, mais je veux d’ores et déjà vous dire que je suis favorable à la publication de cette recommandation temporaire d’utilisation, qui interviendra probablement au cours de la première quinzaine de décembre.

Se pose dès lors la question de la prise en charge financière de ce traitement par l’assurance maladie. Au regard de l’efficacité de cette approche, reconnue par tous les experts scientifiques de la lutte contre le sida, nationaux et internationaux, j’ai décidé que ce traitement serait pris en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire afin que l’accès à ce traitement ne subisse aucun frein financier. Cette décision sera effective au début de l’année 2016.

Je vous donne cette précision parce que Mme la présidente de la commission m’a posé la question, mais nous débattons aujourd’hui du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et dans ce cadre nous sommes amenés à évoquer la prise en charge financière de ce traitement. Il sera naturellement dispensé et pris en charge de façon encadrée, dans le respect des recommandations scientifiques, et sa prescription ne pourra être effectuée que par des praticiens spécialisés, à l’hôpital ou dans l’un des Cegidd – centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic – et les patients bénéficieront d’un accompagnement et d’un suivi, ce qui est indispensable pour réduire les risques. C’est précisément parce que ce dispositif vise à répondre à des situations et à des populations spécifiques qu’un tel accompagnement se justifie.

La PrEP est un dispositif prometteur qui doit trouver sa place dans notre stratégie globale de prévention. Je veux à cette occasion saluer le travail de toutes celles et de tous ceux qui contribuent à la lutte contre l’épidémie de VIH : les scientifiques, bien sûr, en particulier l’ANRS qui a eu le courage de lancer les essais français de la PrEP, mais aussi les associations, notamment AIDES, qui promeuvent ces outils dans le débat public.

Voilà, madame la présidente de la commission, la réponse que je souhaitais apporter à votre interpellation.

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