Intervention de Michel Issindou

Réunion du 18 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou :

Sans vouloir être désagréable, une réforme aussi majeure du système de retraite que celle que vous prônez ne peut prendre la forme d'une proposition de loi de quelques articles, rédigée sans consulter personne. Les propositions de loi traitent de sujets importants – ils le sont tous à l'Assemblée nationale – mais tout de même pas habituellement d'une telle ampleur. Il serait insultant de légiférer ainsi, compte tenu du travail qu'il y a lieu de faire – et que nous avons fait – quand il s'agit de réformer les retraites.

Comme vous êtes député depuis un bon moment, monsieur Benoit, j'ai une question à vous poser très amicalement : cet enthousiasme, que ne l'avez-vous manifesté plus tôt, notamment lors de la réforme de 2010 ? En outre, votre proposition de loi tombe au mauvais moment : grâce à la réforme de 2014, le système va être à l'équilibre ; et les régimes complémentaires sont en train de trouver des solutions à leurs difficultés.

Sur le fond, et même si les Français ne veulent pas l'entendre, certaines comparaisons sont faussées. En fait, le taux de rendement des retraites est sensiblement le même dans le public et dans le privé, même si le calcul s'effectue sur les six derniers mois d'activité dans un cas et sur les vingt-cinq meilleures années dans l'autre. Lisez les très bonnes analyses comparatives du Conseil d'orientation des retraites (COR). Et si les retraites des ex-fonctionnaires peuvent paraître plus élevées que celles des ex-salariés du privé, cela tient essentiellement à une chose : la fonction publique compte plus de fonctionnaires de la catégorie A – à cause de l'armada des enseignants – que le secteur privé ne compte de cadres de niveau équivalent.

Quant à la convergence que vous prônez, elle se met en place peu à peu, au fil des réformes : la mutualité sociale agricole (MSA) et le régime social des indépendants (RSI) sont alignés sur le régime général ; les taux et les durées de cotisations sont uniformisés. Certes, il subsiste des régimes spéciaux, mais le bénéficiaire d'un régime spécial ne pourra percevoir une retraite à taux plein tant qu'il n'aura pas les quarante-trois annuités requises. C'est une manière de reporter l'âge du départ et de répondre à vos inquiétudes. Changer de système maintenant n'apporterait pas un centime de plus au système et, contrairement à ce que vous avez dit, cela n'élèverait pas le niveau global des pensions. Celles-ci seraient seulement réparties d'une manière différente.

Notre réforme de 2014 a été bâtie sur un autre schéma que celui que vous prônez, qui a sa pertinence et qui est appliqué dans certains pays. L'allongement progressif de la durée de cotisation – quarante-trois annuités à l'horizon 2035 – n'est pas brutal mais il porte ses effets et il suffira vraisemblablement à rétablir les équilibres. Rien ne démontre que c'est insuffisant. Vous pouvez arguer que cela ne va pas durer mais l'équilibre est atteint, c'est un fait incontestable.

Il fallait remettre de l'équité et de la justice dans notre système et nous l'avons fait en prenant des mesures qui tiennent compte de la situation des femmes, des personnes handicapées, des agriculteurs, et de la pénibilité de certains métiers. Il ne nous semble pas nécessaire de revenir sur cette réforme, en tout cas pas par le biais d'une proposition de loi. Si votre objectif est d'en reparler une énième fois, nous en reparlerons bien volontiers le 26 novembre. Mais quoi qu'il en soit, nous proposons de rejeter cette proposition de loi.

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