Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 18 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit, rapporteur :

Je suis heureux de rejoindre la commission des affaires sociales, que je remercie de son accueil, pour aborder cet important sujet des retraites. Nous avons plus que jamais conscience de notre chance de vivre dans un État de droit fondé sur un socle de valeurs – liberté, égalité et fraternité – dont les trois textes examinés ce matin sont le reflet. Présentée par Laurent Grandguillaume, la première proposition de loi est un texte généreux qui tend à venir en aide à nos concitoyens en recherche d'emploi. Celle de Yannick Favennec s'intéresse aux bénévoles des associations et propose de leur reconnaître des trimestres supplémentaires de cotisations d'assurance vieillesse. Quant à celle que je présente, qui aborde un sujet majeur, elle s'inscrit dans la droite ligne de travaux engagés par mon groupe au temps où il s'appelait encore Union pour la démocratie française (UDF).

Comme l'indique le titre du texte, nous voulons de nouvelles orientations pour notre système de retraite. Héritage précieux et incontesté du Conseil national de la Résistance (CNR), ce dernier mérite d'être réformé et modernisé car la donne a changé depuis 1945. Sur le plan démographique, le nombre d'actifs par retraité est passé de 3 à 1,3 entre 1975 et 2015. Sur le plan financier, notre pays affiche une dette de 2 200 milliards d'euros. La ministre des affaires sociales nous explique que le régime général tend à s'équilibrer, mais il ne faut pas oublier le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dont le déficit dépasse 3 milliards d'euros. Il reste donc du travail à faire.

Je reconnais que les gouvernements successifs, et notamment celui de M. François Fillon avec la réforme portée par M. Xavier Bertand, ont apporté des réponses. Pour être juste, je dois aussi citer la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite, portée par Mme Marisol Touraine. La convergence des régimes de retraite s'est améliorée sous l'effet de ces lois, mais elle demeure insuffisante. Nos concitoyens sont désormais prêts pour un régime de retraite plus simple, plus compréhensible, plus juste et plus équitable.

Il ne s'agit pas de discriminer telle ou telle profession, mais nous constatons que de nombreux signes d'inégalité persistent, notamment quant au montant moyen des pensions de retraite : environ 23 000 euros par an pour les personnels de la fonction publique d'État en 2013 contre 15 000 euros pour les salariés du secteur privés, cadres et non-cadres confondus, la même année. La pension moyenne annuelle des fonctionnaires d'État devrait atteindre 27 000 euros en 2050, alors que celle des cadres du privé devrait plafonner à 22 500 euros et celle des non-cadres à environ 14 000 euros.

Autre disparité et inégalité dans le calcul des retraites : les pensions de retraite des fonctionnaires sont calculées sur les six derniers mois de traitement et celles des salariés du secteur privé sur les salaires des vingt-cinq meilleures années de la vie professionnelle. Je ne m'attarderai pas sur les jours de carence qui ont fait débat, il y a quelques années : zéro pour le secteur public et trois pour le secteur privé. Nous devons corriger ces inégalités car nous militons collectivement pour plus de justice, particulièrement quand les temps sont difficiles sur le plan financier. Je suis convaincu que chacun est prêt à faire des efforts pour aller vers plus de justice et d'équité. Il en va de la solidarité intergénérationnelle, notamment en ce qui concerne les petites retraites qui représentent un véritable enjeu.

Les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale, publiées en septembre dernier, font état d'un possible retour à l'équilibre de la branche vieillesse du régime général en 2016, à condition de retenir des hypothèses de croissance optimistes. Le retour à l'équilibre dont se réjouit le Gouvernement ne concerne que le régime de base puisque le FSV est toujours déficitaire, je le répète. S'agissant des plus démunis, rappelons que le revenu moyen à soixante ans tourne autour de 915 euros, que la pension de base des femmes atteint 932 euros et que le seuil de pauvreté est fixé à 993 euros. Préserver la pérennité de notre système de retraite reste un objectif actuel et pertinent mais il ne pourra être atteint si son pilotage n'est pas renforcé.

Le texte qui vous est soumis propose d'instaurer une règle de confiance en créant un montant minimum de pension de retraite, afin de protéger le pouvoir d'achat des retraités actuels et futurs. Nous proposons aussi de retenir un objectif de limitation de taux de cotisation afin de préserver la compétitivité des entreprises.

Plusieurs institutions internationales nous ont appelés à faire évoluer notre système de retraite. Dans sa recommandation du 13 mai dernier concernant le programme national de réforme de la France pour 2015, le Conseil de l'Union européenne a souligné que : « le déficit imputable aux régimes des agents de l'État et des salariés des entreprises publiques continue de peser sur le déficit global du système de retraite ». Dès 2013, le Conseil de l'Union européenne avait recommandé à notre pays de « réexaminer les nombreuses dérogations au régime général de certaines catégories de travailleurs ». Notre proposition de loi vise bien à mettre fin aux régimes dérogatoires dits « spéciaux ». Comme cette séance est publique, j'en profite pour indiquer à nos concitoyens que j'intègre dans ma réflexion le régime de retraite des parlementaires, qui est bien sûr un régime dérogatoire spécial, même s'il ne peut être réformé par un tel texte de loi. C'est en effet le bureau de l'Assemblée nationale qui, seul, peut faire évoluer le régime de retraite des députés.

Dans l'étude économique qu'elle a consacrée cette année à la France, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a constaté que les dépenses de retraites sont dans notre pays « parmi les plus élevées de la zone de l'OCDE », que des économies peuvent être réalisées « dans le régime des salariés des entreprises publiques, dont les retraites sont plus élevées que celles du secteur privé », et que les régimes spéciaux créent de l'opacité. Ces constats prouvent bien qu'il y a matière à moderniser.

La proposition de loi tend à nous orienter vers un régime unique de retraite par points que pratiquent déjà d'autres pays européens. Notre système actuel associe à la fois des régimes de base, obligatoires et par répartition, des régimes complémentaires obligatoires, des régimes surcomplémentaires facultatifs et enfin des régimes spéciaux. Nous pourrions, à travers un régime de retraite par points, connecter la durée de cotisation de nos concitoyens à celle de l'espérance de vie. L'OCDE a recommandé à la France « de rendre véritablement automatique le lien entre les gains d'espérance de vie et la durée de cotisation donnant droit à la retraite à taux plein, comme c'est déjà le cas en Lettonie, en Pologne, en Suède et en Norvège ».

En effet, à la suite de la grave crise économique qu'elle a connue dans les années 1990 et qui l'a conduite à s'engager dans une réforme complète de son système de retraites, la Suède est passée d'un système analogue au nôtre, structurellement déficitaire et incapable d'assurer l'avenir des retraites, à un système non seulement capable de dégager des excédents, mais aussi et surtout plus juste. Si la Suède a réussi à relever ce défi, il n'y a pas de raison que nous n'y parvenions pas : nous sommes un pays de « râleurs » mais qui peuvent aussi être précurseurs dans nombre de domaines.

Ce système repose sur un dispositif appelé le « compte notionnel » qui correspond à un compte individuel théorique où les cotisations alimentent un capital qui, à la date de liquidation de la pension, est divisé par l'espérance de vie à la retraite de la génération à laquelle appartient l'assuré. Chaque assuré sait ainsi, dès le départ, que sa pension sera proportionnelle au travail qu'il aura fourni toute sa vie. Ce mécanisme permet une parfaite adéquation entre la croissance du pays et le montant des pensions : si la croissance baisse, le niveau des pensions diminue et inversement.

C'est la raison pour laquelle, afin de faciliter le pilotage de notre système de retraites et de compléter les mesures d'équité et de simplification que constitue l'extinction progressive des régimes spéciaux, la proposition de loi suggère de créer, à l'horizon de 2020, un régime universel de retraite par points, inspiré du modèle suédois. Pour résumer, la proposition de loi vise trois objectifs : instaurer un régime unique universel de retraite par points ; faire converger les régimes de retraite des secteurs public et privé ; parvenir à l'extinction des régimes spéciaux.

Ce texte est porté par le groupe de l'Union des démocrates et indépendants, et notamment par Francis Vercamer qui a déposé avec constance des amendements sur le sujet lors de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) successifs.

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