Intervention de Yannick Favennec

Réunion du 18 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec, rapporteur :

Ernest Renan disait qu'une « nation est une grande solidarité ».

Cette vérité se vérifie chaque jour dans notre pays : le rôle des associations est essentiel dans des domaines clefs de la vie quotidienne des Français, tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Je le mesure quotidiennement dans mon département de la Mayenne et il en va sans doute de même dans chacune de vos circonscriptions.

La vitalité du monde associatif est un signe fort de la citoyenneté, et plus que jamais, dans le contexte des attentats du 13 novembre à Paris, la dimension civique et sociale des associations apparaît indispensable à la cohésion de notre pays.

C'est une évidence, leur action est irremplaçable ; comme le disait notre collègue Pierre Morange, en 2008, dans un rapport d'information sur la gouvernance et le financement des structures associatives : « les associations interviennent dans un champ de plus en plus vaste [...] Elles se voient confier des pans entiers de certaines politiques publiques ».

Elles peuvent ainsi être amenées à suppléer l'État ou à compléter l'action de ce dernier dans l'exercice de certaines de ses missions, grâce à des bénévoles qui, corps et âme, et toujours dans un esprit de civisme ardent, au service de leurs concitoyens, contribuent également à l'animation de nos territoires ainsi qu'au développement et au renforcement du lien social.

De plus, le poids économique du monde associatif est incontestable. Il a été estimé à 85 milliards d'euros en 2012. Les associations ont ainsi contribué à hauteur de 3,2 % du PIB, soit un poids équivalent à celui de l'agriculture et des industries agroalimentaires.

La vitalité du monde associatif est enfin un indicateur rassurant du dynamisme de nos territoires.

Cependant, si 16 millions de Français donnent généreusement de leur temps, dont 12,7 millions au sein d'associations, le bénévolat connaît une forme de crise qui menace la pérennité du monde associatif.

En effet, si nos concitoyens manifestent toujours la volonté de s'engager et d'être utiles concrètement, celle-ci s'accompagne cependant d'une réticence à prendre des responsabilités dans le pilotage des associations, notamment en raison des exigences croissantes en termes de disponibilité et de responsabilité.

L'engagement bénévole se transforme en un investissement plus ponctuel et ciblé, notamment chez les jeunes et les actifs.

Les associations sont aujourd'hui portées par le bénévolat des seniors. Or, le recul de l'âge de la retraite fait déjà ressentir ses effets de manière négative sur le monde associatif. Il tend à limiter le vivier de responsables bénévoles, en particulier pour les associations sans salariés qui sont majoritairement dirigées par des personnes retraitées.

De plus, compte tenu de l'allongement de la durée d'activité requise pour obtenir la liquidation de la pension à taux plein, l'interruption de l'activité professionnelle pour exercer des fonctions dirigeantes risque de pénaliser lourdement les assurés.

Par ailleurs, l'augmentation du nombre d'associations – je rappelle que le nombre d'associations en activité est évalué entre 950 000 et un million en France – accroît la tension sur le réservoir de dirigeants bénévoles. Il y a là un effet ciseaux : diminution du nombre de dirigeants bénévoles et augmentation des besoins.

Ce sont donc majoritairement les seniors qui assument les fonctions dirigeantes et, pour certains, depuis de nombreuses années : 25 % des présidents le sont depuis plus de dix ans.

En outre, la complexification de la gestion associative et l'accroissement constant des compétences nécessaires à l'administration d'une association tendent à décourager les responsables potentiels, freinant le renouvellement des équipes en place.

Ainsi, 60 % des présidents d'association ont déjà envisagé de quitter leur fonction, notamment du fait de la charge très lourde que représente cette tâche et de l'impossibilité d'être secondés.

Face à cette difficulté très prégnante de renouvellement des responsables associatifs, il apparaît donc urgent et nécessaire de valoriser l'exercice des fonctions dirigeantes au sein des associations.

Si de nombreuses mesures ont été adoptées ces dernières années – le congé individuel de formation, les « RTT » utilisées pour une activité bénévole, le congé de représentation –, force est de constater qu'elles n'ont pas produit les résultats escomptés et qu'elles demeurent insuffisantes.

C'est la raison pour laquelle, face aux mutations majeures que connaît le monde associatif, nous devons repenser nos politiques d'accompagnement et apporter un soutien à l'engagement bénévole plus conforme à la réalité quotidienne d'un secteur dont la plus-value pour notre société n'est plus à démontrer.

À cette fin, il me paraît indispensable de reconnaître l'engagement associatif. Depuis plusieurs années, l'idée de cette reconnaissance par le biais de l'attribution de trimestres de retraite supplémentaires est envisagée.

Encore récemment, la mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine, sous la houlette du Président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a, dans son rapport, en effet, recommandé de valoriser l'engagement associatif en accordant aux dirigeants d'association des droits à pension supplémentaires.

C'est une mesure de bon sens qui s'impose. Lorsque des bénévoles consacrent une part importante de leur temps à faire vivre une association d'utilité publique et à porter cette valeur majeure du vivre ensemble, alors que les conditions de réalisation de leurs missions sont de plus en plus difficiles voire décourageantes, il est effectivement souhaitable que leur engagement altruiste soit reconnu par la société, comme cela peut être le cas pour le service civique des jeunes.

J'insiste, il ne s'agit pas là d'une gratification, d'une rémunération ou d'une récompense, mais bien d'une reconnaissance qui peut inciter à l'exercice des responsabilités.

La reconnaissance ne se traduit pas par l'octroi d'un avantage, elle constitue un encouragement et une preuve de la solidarité nationale à laquelle tout un chacun a droit afin de ne pas se sentir seul, de ne pas douter et de ne pas se décourager pour finalement abandonner.

Conserver l'apport essentiel des associations, conforter leur rôle incontournable dans notre société doit susciter un consensus politique. Ce dernier existe déjà, tant du côté du Président de l'Assemblée nationale – j'ai cité le rapport de la mission qu'il a présidée – que chez certains de mes collègues parlementaires qui oeuvrent dans cette direction depuis plusieurs années, je pense à M. Decool notamment.

Cette proposition de loi permet donc de maintenir le caractère gratuit de l'engagement associatif tout en accordant aux dirigeants d'association une forme de reconnaissance légitime et concrète.

Elle propose d'attribuer des trimestres de cotisations d'assurance vieillesse aux dirigeants d'association qui se sont mobilisés pendant plusieurs années pour le dynamisme de leur association.

Je vais vous exposer maintenant de manière plus précise le mécanisme proposé.

L'article 1er de la proposition de loi prévoit valider pour les dirigeants de toute association un trimestre supplémentaire de cotisation d'assurance vieillesse par tranche de cinq années effectives de responsabilités assumées au sein du bureau de l'association.

J'ai déposé un amendement qui, pour plus de clarté, prévoit de créer un nouvel article L. 351-3-1 dans le code de la sécurité sociale, au sein de la partie qui traite des périodes dites assimilées pour l'assurance vieillesse, c'est-à-dire les périodes pendant lesquelles l'assuré social n'a pas eu d'activité salariée mais pour lesquelles des droits à pension sont néanmoins offerts – en cas de chômage, congé maternité, etc.

Cet article pose le principe de l'attribution d'un trimestre d'assurance vieillesse par tranche de cinq années d'exercice des fonctions de président ou de trésorier dans une association.

Il permet ainsi de reconnaître l'implication personnelle des dirigeants associatifs dans le bon fonctionnement des associations. Sans remettre en cause le caractère bénévole de l'exercice de ces responsabilités, cette validation de trimestres représente un signe permettant de valoriser et d'encourager ce type d'engagement.

D'après les informations communiquées par le ministère des affaires sociales, le coût annuel de la disposition envisagée varierait de 1,5 milliard d'euros par an avec l'hypothèse d'un trimestre d'assurance vieillesse valant 3 000 euros – ce qui représente la valeur moyenne de rachat d'un trimestre en 2015 – à 410 millions d'euros si les trimestres d'assurance étaient valorisés forfaitairement à 815 euros – comme c'est le cas pour le dispositif du service civique pour lequel l'État prend en charge forfaitairement les cotisations non versées à la sécurité sociale.

J'attire votre attention sur le fait que, certes, ce coût peut paraître important dans le contexte budgétaire actuel. Mais ce qui semble être une dépense en 2015 est en réalité un véritable investissement pour l'avenir.

Car je vous pose la question, chers collègues : qui pourra remplacer les associations qui disparaîtront faute de dirigeants ? Il est de notre responsabilité de légiférer pour l'avenir, d'avoir une vision politique à long terme.

Afin de mieux cibler les associations pour lesquelles la fonction de dirigeant représente un engagement significatif, je propose de limiter le bénéfice de la mesure aux associations dont le budget annuel est supérieur à 5 000 euros.

Je vous invite à adopter cette proposition de loi soutenue par le groupe UDI. Cette mesure ne changera pas par elle-même la situation des dirigeants d'association mais reconnaitra leur dévouement. Bien d'autres incitations restent à mettre en place. Je m'interroge notamment sur le sort des propositions énoncées dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire présidée par mon collègue Alain Bocquet, à laquelle j'ai participé, sur les difficultés du monde associatif en période de crise.

Les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour simplifier la gestion des associations et appuyer les équipes de dirigeants bénévoles confrontés à un environnement juridique et financier de plus en plus complexe.

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