Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 18 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue :

La progression importante du nombre de demandeurs d'emploi inscrits au chômage depuis un an ou plus nous mobilise tous – je devrais parler de travailleurs sans emploi, durablement éloignés de l'emploi.

Il est heureux de constater que des projets innovants sont engagés sur le terrain, comme celui porté par ATD Quart Monde sous le nom « Territoires zéro chômeur de longue durée », dont notre collègue Laurent Grandguillaume s'est inspiré pour cette proposition de loi d'expérimentation territoriale.

Ce texte part d'un postulat simple : si les emplois manquent, le travail ne manque pas. Il existe des besoins non satisfaits sur les territoires qui relèvent des travaux d'utilité sociale non pourvus. Ces travaux sont partiellement solvables mais, reconnaissons-le, insuffisamment lucratifs pour le marché classique.

Avant de commenter en détail le dispositif proposé, je veux saluer la méthode employée qui s'appuie sur une double novation.

Une première novation tient à la saisine du Conseil d'État sur le fondement de l'article 39, alinéa 5, de la Constitution. Il s'agit de la quinzième saisine à ce titre depuis 2008, date à laquelle cette possibilité a été créée. Le Conseil d'État a rendu son avis jeudi dernier en Assemblée générale. Ses observations et ses recommandations contribueront à parfaire la qualité juridique du texte : les amendements proposés par notre rapporteur en témoignent.

La seconde novation est liée au caractère expérimental du dispositif. Il ne s'agit certes pas de la première expérimentation en matière de politique de l'emploi. Le contrat de sécurisation professionnelle est par exemple le fruit d'une expérimentation réussie. Toutefois, ce choix est suffisamment rare pour être souligné.

Ces deux novations offrent un parcours singulier à un texte lui-même novateur sur le fond.

Pour reprendre les termes de la Conférence contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de novembre 2012, la proposition de loi tend à « adapter les emplois aux personnes autant que les personnes aux emplois, tout en solvabilisant les besoins des populations ». Dans le cadre d'une loi qui jette les bases d'une première phase d'expérimentation, un fonds national sera mis en place dans dix territoires très localisés. Ce fonds, alimenté notamment par une dotation de l'État et des contributions de toutes les collectivités locales volontaires, apportera une aide financière permettant à des entreprises relevant du secteur de l'économie sociale et solidaire, au sens des articles 1er et 2 de la loi relative à l'économie sociale et solidaire, de recruter en contrat à durée indéterminée à temps plein ou à temps partiel des chômeurs de longue durée, rémunérés au SMIC et restant inscrits à Pôle emploi. Je note que l'embauche en CDI répond au besoin de stabilité qui caractérise les parcours d'insertion.

Au niveau national, le fonds aura pour mission de superviser le pilotage incombant aux comités locaux, et d'approuver les modalités de fonctionnement et le programme d'actions de ces derniers.

Complémentaire des dispositifs existants, basé sur le volontariat des personnes et des collectivités concernées, ce dispositif est déjà expérimenté aujourd'hui dans cinq territoires. Le texte permettra de sécuriser l'ensemble des projets en cours et à venir.

Enfin, expérimenter c'est évaluer. L'évaluation constitue une pierre angulaire du projet pour permettre de disposer d'un bilan chiffré et analytique de l'expérimentation. Je sais que plusieurs amendements ont été déposés pour modifier la date de remise du rapport d'évaluation. En tout état de cause, la date d'évaluation doit permettre que l'expérimentation soit suffisamment avancée et que l'administration dispose d'un délai acceptable pour élaborer un rapport de fond.

La proposition de loi renverse un paradigme communément accepté d'adaptation de l'offre à la demande, en partant de la demande et des compétences des demandeurs d'emploi pour créer l'offre d'emploi correspondante, tout en prenant en compte les besoins identifiés sur les territoires. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutiendra cette proposition de loi, soutien dont il fait déjà preuve depuis plus d'un an.

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