Intervention de Ronald Noirot

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Ronald Noirot, secrétaire général de la CFE-CGC :

Madame Attard, il ne s'agit pas que d'une chemise arrachée : on a bafoué l'honneur d'un homme devant plus de 500 millions de téléspectateurs. Or le respect des salariés – tous les salariés – fait partie des valeurs que défend la CFE-CGC ; ce qui s'est passé nous apparaît donc inacceptable, et les autorités compétentes doivent absolument se prononcer. Aujourd'hui, le procès est en cours, et une décision de justice sera prise le 2 décembre. Je ne ferai donc pas plus de commentaires.

Comme la CFDT, nous sommes contre le plan B qui prévoit l'attrition des lignes d'Air France, alors que d'autres solutions peuvent être envisagées. Mais nous n'en parlons aujourd'hui qu'à cause de l'échec, depuis plus d'un an, des négociations avec les pilotes. Or pour une compagnie aérienne, le refus d'évoluer est bien plus grave lorsqu'il vient des pilotes que du personnel au sol ou du personnel navigant commercial. Par conséquent, si le SNPL, syndicat majoritaire des pilotes, n'est pas capable de trouver des solutions pour revenir à la table des négociations, le blocage perdurera. La CFE-CGC ne fait pas partie de cette intersyndicale précisément parce qu'elle ne souhaite pas joindre sa voix à celle du SNPL. Ce matin, c'est un représentant de ce syndicat qui était le porte-parole de l'intersyndicale ; on peut s'interroger sur sa bonne conscience alors qu'il y a un an, le SNPL expliquait que ce n'étaient pas les pilotes, mais le personnel au sol qui coûtait cher à Air France, et qu'il fallait en virer 5 000 ! Dans l'état actuel des choses, il ne saurait donc y avoir d'unité syndicale. Finissons-en avec la pensée unique : ce n'est pas parce qu'on crie le plus fort, ou que l'on entreprend des actions en dehors de toutes les règles de bienséance, qu'on a raison ! J'ai la prétention de penser que la majorité du personnel d'Air France partage aujourd'hui les positions réformistes et intelligentes que notre syndicat défend depuis deux ans : le refus de tout licenciement sec et de toute baisse de rémunération, en toute transparence et en toute équité. Ce matin, alors que je me rendais à pied à cette audition, les membres d'un autre syndicat m'ont traité de vendu, simplement parce que nous n'avons pas défendu les mêmes positions qu'eux. La direction générale a des torts et doit faire bien des efforts ; mais nous tous, syndicats, devons également nous poser des questions pour savoir si nous sommes là pour défendre les salariés de l'entreprise ou pour tout autre chose.

Ce matin, j'ai entendu des discours très militaires, mais il faut relativiser : Air France, ce n'est pas la guerre, mais une compagnie malade qui, il n'y a pas longtemps, était au bord de la mort. En 2010, lorsqu'on a lancé le plan Transform à l'initiative d'Alexandre de Juniac, l'entreprise était pratiquement en cessation de paiement. Grâce à ce plan, signé par la CFE-CGC, on a sauvé l'essentiel. Aujourd'hui, on est dans la deuxième phase – Perform – qui court jusqu'en 2020 et qui, si l'on exclut l'hypothèse du plan B, doit nous permettre de redevenir la première compagnie mondiale. C'est la place que nous occupions jusqu'en 2008 ; on mesure le déclin survenu depuis. Si l'on n'est pas capable de se poser les vraies questions de la réforme et de la restructuration, on n'arrivera pas à concurrencer Lufthansa et British Airways. Ne nous comparons pas aux compagnies du Golfe, mais aux compagnies européennes voisines. Certes, tout le monde se gausse des bénéfices qu'Air France fait cette année ; mais l'entreprise en réalise trois fois moins qu'International Airlines Group (IAG) – British Airways et Iberia – et 2,5 fois moins que Lufthansa. Cela montre le chemin qu'il nous reste à parcourir. Ne pas mener ces réformes ne nous empêchera pas de fonctionner ; mais nous fonctionnerons mal, et un jour, dans le cadre des regroupements qui marquent le paysage du transport aérien, nous serons victimes d'une prise de participation hostile, et Air France ne sera plus maître de son destin. C'est ce que nous aimerions éviter en donnant à l'entreprise les moyens de rentabiliser son activité et de la rendre encore plus performante qu'elle n'est aujourd'hui. C'est la seule petite ambition que nous avons, et tout le monde doit en prendre conscience. Ce n'est pas parce qu'on dit le contraire de la majorité de nos collègues – dont certains ne défendent que des avantages corporatistes – qu'on doit être si mal traités !

Certaines centrales syndicales se livrent aujourd'hui à une manipulation pour essayer de faire passer des messages fallacieux : le 5 octobre, on a ainsi annoncé qu'il y aurait 2 993 licenciements. Cette annonce, qui a mis le feu aux poudres, était fausse. Je ne défends pas la direction générale, mais la vérité. M. Frédéric Gagey est dans l'entreprise depuis trente ans ; le classer en tant que politique mis en place par les pouvoirs publics est donc pour le moins abusif. Issu d'Air Inter, comme lui, je sais de quoi je parle : ce n'est pas un technocrate parachuté selon le bon vouloir des politiques. MM. Frédéric Gagey et Alexandre de Juniac ont commis deux erreurs : dire au SNPL qu'il ne cogérerait plus l'entreprise avec la direction générale, puis annoncer qu'on allait s'attaquer frontalement à un bastion de la CGT, Marseille. Cette escale – la seule du réseau où l'on n'a pas pu faire les mesures de modernisation et de restructuration introduites partout ailleurs – pose aujourd'hui d'énormes problèmes à la lumière des comparaisons avec la concurrence parce qu'elle fonctionne toujours comme il y a trente ans. D'où vient la différence, du simple au double, du coût de la touchée entre Marseille et d'autres escales telles que Bordeaux ? Une fois qu'on l'a constaté, on peut choisir l'inaction, mais en tant que syndicaliste, je me dois de dire la vérité même quand elle est difficile à entendre pour les salariés. Il faut absolument se poser les bonnes questions, car sinon, un jour, c'est la totalité de l'entreprise que l'on perdra.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion