Intervention de Miguel Fortéa

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Miguel Fortéa, secrétaire général de la Confédération générale du travail, CGT :

Qu'est-ce que le dialogue social chez Air France ? Durant le plan Transform 2015, les cinquante enquêtes lancées par le CHSCT ont été systématiquement contestées par la direction devant le tribunal. Ensuite, on s'étonne que les salariés soient exaspérés. Les missions du CHSCT sont systématiquement entravées par des procédures judiciaires qui sont beaucoup plus lentes que celles qui concernent les salariés poursuivis après le 5 octobre. Les membres de la direction ont le temps et l'argent. Le décalage de calendrier me fait dire que la justice n'est pas la même pour les puissants et ceux qui les combattent.

Pourquoi ne pas poursuivre la direction en application de l'article L.2328-1 du code du travail sur le délit d'entrave ? Nous sommes dans l'urgence et les procédures sont beaucoup trop longues. Tout le monde sait que nous avons raison : les salariés, vous, les médias, etc. Pour autant, la direction commence à avancer car elle a le temps et l'argent. Nous pourrions nous faire plaisir mais nous devons raisonner en termes d'efficacité.

Une question nous a été posée sur les procédures disciplinaires engagées après les événements du 5 octobre. Certains salariés ont reçu des courriers par erreur. On les a contactés pour leur indiquer que, finalement, la procédure de licenciement ne les visait pas. Je peux vous affirmer que tous les dossiers des salariés poursuivis pour des faits de violences physiques sont vides. Je peux vous le dire et vous le répéter : il n'y a rien dans ces dossiers. Ces salariés ont été pris au hasard pour faire des exemples. Ils sont condamnés par avance. Avant même l'entretien préalable, la direction a dit à ces salariés – notamment ceux du fret – qu'ils seraient licenciés. Le droit de la défense et la présomption d'innocence sont totalement bafoués. Quand le Premier ministre les qualifie de voyous, au siège social d'Air France, il les condamne aussi par avance et conforte la direction.

Les salariés sont tellement écoeurés par ce procès qu'ils refusent tous les conseils de discipline. Ils sont dans la précarité puisqu'ils font l'objet d'une mise à pied conservatoire sans solde. Puisqu'ils ne sont pas entendus et qu'ils sont jugés avant l'heure, ils ne voient pas l'intérêt de passer par un conseil de discipline qui va rallonger la procédure de deux mois. Ils sont sans ressources et ils ont le sentiment que l'on s'est aussi attaqué à leur famille, aux leurs. La direction d'Air France annonce que les sanctions seront prises avant le 2 décembre, avant même que les salariés soient entendus par la justice. C'est complètement scandaleux. Et je vous le dis : nous n'accepterons aucun licenciement. Si la direction veut en faire des exemples, ce sera Spartacus, on sera tous sur la place et on aura un conflit sans précédent !

Quand on parle de British Airways et Iberia, il me semble que l'on compare les SMIC européen. De quelle Europe sociale veut-on ? De quoi parle-t-on ? Demander aux navigants, qu'ils soient pilotes, hôtesses ou stewards, de travailler plus pour le même salaire revient à remettre en cause le temps de travail, ni plus ni moins.

Entre 2008 et 2014, le nombre d'agents d'exécution a baissé de 59 % tandis que le nombre d'agents de maîtrise diminuait de 1,27 %. Les agents d'exécution ne sont pas devenus agents de maîtrise, mais on a supprimé près de 60 % de leurs postes. On veut se débarrasser de nous ; on veut nous chasser de l'entreprise. Il y a pourtant des marchés naturels. Vous parliez des bases régionales, Mme Carlotti, il y a des citoyens qui demandent à pouvoir partir vers telle ou telle destination. On ne leur offre pas cette possibilité. Vous citiez le Maghreb à partir de l'escale de Marseille. Les salariés d'Air France regardent se construire Transavia alors qu'on leur dit qu'ils sont en sureffectif. À quoi bon le développement du pavillon français s'il se fait sans ses salariés ?

Pour terminer, je reviens sur mon idée : nous avons besoin d'un État stratège. Il nous faut un plan d'investissements mais ne donnez pas l'argent comme ça, comme pour le CICE. Il faut contrôler de l'utilisation des fonds et veiller notamment à ce qu'ils contribuent à maintenir l'emploi en France, que ce soit dans la compagnie ou dans tout le tissu économique et social du pays.

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