Intervention de Denis Jacq

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Denis Jacq, vice-président du Syndicat des pilotes d'Air France, SPAF :

Vous avez posé beaucoup de questions intéressantes. Vous aurez compris que nous partageons à peu près le diagnostic de la direction mais pas forcément ses objectifs et ses solutions. S'il s'agit de délocaliser, de laisser d'autres compagnies opérer sous des numéros de vol Air France via des accords de partage, je ne suis évidemment pas d'accord. S'il s'agit de baisser continuellement les salaires des personnels pour entrer dans la logique de bas coûts, je ne suis évidemment pas d'accord.

Vous avez raison : le CCE devrait effectivement être le lieu du dialogue social, et la direction fait du délit d'entrave. Rappelons que les représentants de l'État siègent au conseil d'administration – qui est complètement verrouillé – mais pas au CCE. Que puis-je faire, en tant que salarié, pour me faire entendre au conseil d'administration ? Certaines personnes y parlent en mon nom, mais elles sont minoritaires et il ne s'y passera jamais rien.

De quelle maladie souffre le dialogue social ? Sans être médecin, je vais me risquer à en diagnostiquer deux. La direction est atteinte d'une forme de surdité : ce que l'on vous dit, personne ne l'écoute. Plus grave encore, elle souffre d'une espèce de syndrome de Gilles de la Tourette des médias : elle ne peut s'empêcher de faire des annonces à droite et à gauche, partout sauf dans les endroits spécifiques où elle est supposée les faire.

Quel est le nombre de salariés par avion ? Voici ce ratio qui gêne et qui nous a obsédés pendant longtemps : 120 pour British Airways, 140 pour Air France et 145 pour Lufthansa. En fait, comme l'ont très bien dit mes collègues, ce chiffre n'éclaire rien. Il est beaucoup plus intéressant de savoir ce que font ces salariés par avion.

M. Carvalho, vous avez posé la question fondamentale, celle de la sécurité des vols. Les pilotes sont de moins en moins nombreux alors qu'il y a toujours autant de vols, dites-vous. En fait, ce n'est pas le cas et c'est bien le drame : il y a de moins en moins de vols. Il fut un temps où 135 Airbus A320 assuraient des liaisons moyen-courrier ; il n'y en a plus qu'une centaine ; il n'en restera bientôt que 70.

Comment se fait-il qu'Air France n'apparaisse pas dans les palmarès ? Compte tenu des critères retenus pour la confection de ces classements – nombre de passagers, notamment – il est logique que nous n'y figurions pas. En revanche, Air France est la compagnie qui a le plus progressé dans les récents palmarès, signe que nos efforts ont porté leurs fruits.

Quel usage a été fait du CICE ? La direction d'Air France s'est servie de ces millions pour négocier un crédit auprès d'une banque.

Quant aux bases régionales, M. de Juniac ne les a jamais perçues autrement que comme un laboratoire social où il pouvait procéder à des expérimentations en matière de casse du modèle français.

J'aimerais revenir sur l'octroi de créneaux horaires sur nos aéroports aux compagnies des pays du Golfe. À chaque fois que l'on accorde un créneau à ces compagnies, on donne à des pays de 2 à 3 millions d'habitants la possibilité de venir prendre des passagers à un pays de 66 millions d'habitants qui est la première destination touristique du monde, un pays qui joue un rôle fondamental dans l'industrie touristique et aéronautique mondiale. Trouvez-vous cela équitable ?

En France, on ne peut pas faire du low cost, on fait du low fair. Nos coûts sont ce qu'ils sont, liés à notre histoire et à notre structure fiscale. On ne peut pas les baisser. Résultat : Transavia perd beaucoup d'argent parce qu'elle vend ses billets moins chers qu'Air France tout en ayant des coûts équivalents.

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