Intervention de Michel Lesage

Réunion du 4 novembre 2015 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Lesage, rapporteur :

Le texte que nous examinons est appelé à évoluer encore, mais je note que le consensus existe sur le principe qui le sous-tend – l'institution du droit à l'eau pour tous, singulièrement pour les plus défavorisés, comme un droit fondamental. C'est un enjeu d'hygiène, de santé et de dignité des personnes, et parfois de salubrité. Le problème étant avéré, nous devons lui apporter une solution. Le consensus s'est fait aussi sur les bénéficiaires des mesures à prendre : premièrement, ceux dont les habitats précaires ne sont pas raccordés aux réseaux de distribution d'eau, et les personnes sans domicile fixe ; deuxièmement ceux qui sont raccordés, mais qui ne peuvent pas payer leur facture.

La question des coupures d'eau ne figure pas dans la version du texte qui vous est soumise parce qu'elle a été réglée par la loi dite « Brottes » du 15 avril 2013 et ses décrets d'application ; elles sont désormais interdites toute l'année, pour toutes les résidences, quels que soient les revenus des abonnés. Je sais que cela ne fait pas forcément consensus, notamment en cas de mauvaise foi, mais cette affaire est désormais juridiquement tranchée.

L'accord existe aussi sur le fait qu'il appartient aux communes de se mobiliser, puisqu'elles ont autorité pour installer des points d'eau, des douches et des toilettes publiques. Nous pouvons bien sûr revoir les seuils de population à partir desquels les collectivités devront installer ces équipements, mais j'appelle l'attention sur le fait que l'abaissement des seuils signifie l'augmentation du coût de la mesure car, à ce jour, il y a presque partout des toilettes publiques dans les agglomérations de plus de 3 500 habitants et beaucoup de douches publiques dans les villes de plus de 15 000 habitants.

L'octroi aux personnes vulnérables d'une aide préventive pour l'eau fait consensus parmi tous ceux qui travaillent à ces questions depuis longtemps. Son principe n'a pas été remis en cause au cours du débat, mais les modalités de son financement divisent.

Chacun le sait, la consommation d'eau est financée par les taxes, les transferts et les tarifs. On pourrait donc envisager d'augmenter la tarification de l'eau, que les communes déterminent. On aurait pu aussi concevoir de taxer les grandes sociétés délégataires ; mais pour éviter une distorsion de concurrence il aurait fallu taxer aussi les régies et, au final, la taxe aurait été répercutée sur les usagers ; c'est pourquoi cette solution ne nous est pas parue souhaitable, non plus que celle qui consisterait à augmenter la redevance perçue par les agences de l'eau. La modalité retenue me paraît la plus pertinente, mais rien n'empêche d'approfondir encore la réflexion entre collègues et avec le Gouvernement pour mettre au point une alternative qui semblerait meilleure. On pourrait d'ailleurs régler la question très simplement : il suffirait de distraire les 50 millions d'euros nécessaires au financement de l'aide préventive des 175 millions d'euros que l'État prélève chaque année sur les 2,3 milliards du fonds de roulement des agences de l'eau, lui-même constitué par un prélèvement opéré à 80 % sur les factures d'eau domestiques. Le problème serait réglé…

Il n'y a pas création d'une taxe nouvelle puisque la taxe sur les eaux et autres boissons embouteillées existe déjà. Certains arguments avancés pour s'opposer à son augmentation me semblent contradictoires : si, comme il a été dit, elle est répercutée sur les consommateurs d'eau en bouteille, elle ne pèsera pas sur les embouteilleurs. Au demeurant, notre collègue Bertrand Pancher a fait référence à une enquête conduite par la société Ipsos et dont les résultats sont éloquents : non seulement les deux tiers des personnes interrogées se disent favorables à une contribution solidaire d'un centime d'euro sur le prix d'achat d'une bouteille d'eau, mais 70 % des acheteurs d'eau en bouteille se déclarent prêts à contribuer.

Au vu de ces résultats, j'ai fait valoir aux embouteilleurs d'eau l'image positive que donnerait une pastille « solidarité » collée sur chaque bouteille pour attester du geste fait en faveur des plus démunis, et souligné que les acheteurs continueraient, j'en suis convaincu, d'acheter de l'eau embouteillée en dépit de ce centime supplémentaire, qui serait donc sans conséquence sur le chiffre d'affaires des entreprises considérées, y compris les plus petites d'entre elles.

Une proposition pratiquement identique à la nôtre avait été présentée par le Conseil général de l'environnement et du développement durable, saisi par Mmes Nathalie Kosciusko-Morizet et Roselyne Bachelot, alors ministres, qui publia en 2012 un rapport consacré à l'accès à l'eau et à l'assainissement dans des conditions acceptables par tous, confié à Mme Isabelle Monteils et à M. Pierre Rathouis, et dont les conclusions sont reprises dans le texte qui vous est soumis ; l'alternance politique empêcha l'aboutissement de la proposition.

Enfin, j'ai cité le nom de M. Martial Saddier par correction, car je le sais attaché à l'aide, par ce moyen, aux plus défavorisés, même si des divergences peuvent demeurer sur l'appréciation des instruments à mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif commun visé.

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