Intervention de Philippe Plisson

Réunion du 28 octobre 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Plisson, rapporteur :

En préambule, je souhaiterais tout d'abord remercier la Commission et son président, Jean-Paul Chanteguet, d'avoir accepté de créer une mission d'information sur les oies cendrées et de m'en avoir confié la responsabilité.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire au cours de mes déplacements, dans le monde actuel fait de drames et de bouleversements, ce sujet pourrait sembler futile. En réalité, il n'est pas anodin car il participe à ce rejet de l'Europe que l'on rencontre en particulier dans nos campagnes. Certaines décisions n'y sont pas comprises, ce qui entraîne des réactions vives, des manifestations et des votes extrémistes que nous déplorons ici.

Ce sujet mérite qu'on s'y attarde, d'autant qu'il serait facile de le régler. Malheureusement, les freins juridiques auxquels on se heurte font que ce dossier est sur la table depuis des années.

L'objectif de la mission d'information était d'essayer de trouver une solution au débat qui perturbe depuis une dizaine d'années, sinon davantage, les relations entre fédérations de chasseurs et associations environnementales sur la question des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oies cendrées. Le souhait est d'éviter que de nouvelles manifestations ne se produisent lors de la prochaine saison de chasse et qu'un accord soit enfin trouvé de manière pérenne entre toutes les parties prenantes.

Dès le départ, j'ai souhaité associer, outre les membres de notre commission, les membres du groupe d'études chasse et territoires de notre Assemblée, qui ont été invités à suivre les auditions. D'ailleurs, certains ont été très présents, en particulier M. Jean-Claude Buisine.

Au cours de nos travaux qui ont duré quatre mois et qui nous ont conduits à nous rendre à Bruxelles et aux Pays-Bas, j'ai effectivement auditionné une cinquantaine de personnes dont vous trouverez la liste en annexe et que je remercie pour leur collaboration.

Le rapport qui vous est présenté aujourd'hui est articulé autour de quatre points : la présentation des données scientifiques les plus récentes sur l'espèce d'oies Anser anser, le rappel de la réglementation en matière de prélèvements cynégétiques ou autres et de la jurisprudence, tant de la Cour de justice de l'Union européenne que du Conseil d'État ; la présentation des termes du débat et des principales questions qui structurent les antagonismes ; les pistes de réflexion et les solutions envisageables.

En ce qui concerne les connaissances scientifiques sur les oies cendrées, je rappelle les deux études les plus récentes sur le sujet : d'une part, le rapport du Muséum national d'histoire naturelle d'octobre 2009, dont l'auteur est Jacques Comolet-Tirman ; d'autre part, le rapport demandé par le ministère chargé de l'écologie et remis par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) au mois de novembre 2014, dont l'auteur est Vincent Schricke.

Qu'ont confirmé ces deux rapports ?

Tout d'abord, que la population d'oies cendrées en Europe occidentale comporte entre 800 000 et 900 000 individus et est en progression notable. L'augmentation récente et assez spectaculaire des effectifs fait l'objet d'un consensus parmi tous les ornithologues. Si l'espèce a pu être menacée à un moment, aujourd'hui elle se porte plutôt bien puisqu'elle prolifère.

Ensuite, que notre pays est situé sur un axe majeur de migration péninsule ibérique – Scandinavie. On dénombre seulement une vingtaine de milliers d'oies cendrées hivernant sur notre territoire dont l'origine est essentiellement nordique. Mais les comptages montrent que la France est survolée par plus de 100 000 oies cendrées en migration vers le sud en automne et vers le nord au printemps. Les raisons évoquées pour expliquer cette croissance générale de la population sont multiples. Elles tiennent principalement à l'augmentation de la protection accordée aux oiseaux migrateurs et à l'interdiction de la chasse dans certains pays, au développement des capacités d'accueil et donc des aires d'alimentation – réserves naturelles ou ornithologiques, extension des prairies inondables, etc. – ainsi qu'aux changements climatiques qui modifient, pour toutes les espèces d'ailleurs, tant la date que le lieu des migrations. Les Pays-Bas qui ont multiplié les aires d'accueil et les cultures pour sédentariser les oies, ont obtenu des résultats au-delà de leurs espérances.

Enfin, que des évolutions importantes dans le comportement de l'espèce sont intervenues : déplacement des aires d'hivernage vers le nord de l'Europe, migrations de retour de plus en plus précoces depuis vingt ans et sédentarisation accrue dans certains pays comme les Pays-Bas où l'on dénombre plus de 500 000 oies cendrées au coeur de l'hiver dont la majeure partie ne migre plus mais reste pour nicher.

Si les connaissances relatives à l'espèce Anser anser sont satisfaisantes et ont même été complétées récemment, des incertitudes demeurent sur les changements de comportement de l'espèce. Or ces connaissances sont primordiales dans l'hypothèse de la mise en place d'un plan de gestion et elles constituent un préalable pour toute nouvelle prise de décision au niveau européen. C'est pourquoi, ma première proposition vise à poursuivre certaines études, en particulier par baguage et pose de balises GPS sur les oiseaux, afin de lever les dernières ambiguïtés sur les déplacements qui peuvent être soit erratiques, soit migratoires, et sur les dates de migration prénuptiale et postnuptiale.

Il s'agit en effet de savoir si les vols d'oiseaux que l'on voit passer sont en déplacement erratique pour changer de lieu de nourriture ou s'ils sont en migration prénuptiale. Aujourd'hui, seules des balises posées sur les oiseaux nous permettent de le savoir. C'est ce qu'a fait l'ONCFS, en équipant seize oiseaux d'un GPS. Il ressort de cette expérience que tous ces oiseaux ont commencé à migrer après le 10 février. Cependant, comme on a vu des oiseaux voler avant et après cette date, la question reste posée.

Deuxième axe du rapport : Quel est le statut légal de l'espèce ?

Tant la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices sauvages que l'Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique – Eurasie (AEWA) ont classé l'espèce, du fait de sa large répartition dans le monde et de son importante population, dans la catégorie LC, c'est-à-dire en préoccupation mineure. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a procédé au même niveau de classement.

Au niveau européen, la base juridique est la directive 79409 sur la conservation des oiseaux sauvages de 1979 – contre laquelle M. Georges Riboulet, le président de l'Union nationale de défense des chasses traditionnelles françaises (UNDCTF) s'est battu pendant des années – modifiée pour la dernière fois en 2009, qui énonce un principe général de protection mais reconnaît la commercialisation, la chasse et la capture de certaines espèces et sous certaines conditions. C'est le cas de l'oie cendrée, espèce chassable.

En ce qui concerne la France, je rappelle que dans la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée figurent les trois espèces, oie cendrée, oie des moissons et oie rieuse, qu'en vertu de l'article R. 424-9 du code de l'environnement le ministre en charge de la chasse est seul compétent pour fixer les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau, et qu'il s'appuie sur l'article L. 424-2 du code de l'environnement qui détermine les conditions de définition des périodes de chasse, en application de la directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages.

Les dates d'ouverture de la chasse aux oies cendrées sont complexes car elles dépendent des territoires concernés. Par contre, la date de fermeture de la chasse est uniforme sur l'ensemble du territoire : l'arrêté du 19 janvier 2009 fixe désormais au 31 janvier la date de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau.

Mais il faut indiquer que, depuis vingt ans, les dates de fermeture de la chasse aux oies cendrées ont été ramenées par étapes jusqu'à cette date : 28 février jusqu'en 1998 ; 20 février à partir de 1999 ; 10 février en 2008 ; et donc le 31 janvier depuis 2009. C'est depuis cette dernière date que chaque année, le 1er février, il y a une « guerre civile » dans ma circonscription.

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