Intervention de André Chassaigne

Réunion du 28 octobre 2015 à 21h10
Commission élargie : finances - affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la forêt :

Les crédits consacrés à la forêt et à la filière bois figurant dans le programme 149 s'élèvent cette année à 278 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 279 millions d'euros en 2015, et à 291 millions d'euros en crédits de paiement, contre 297 millions d'euros en 2015, soit une réduction respectivement de 0,6 % et de 1,8 %. Ils affichent donc un niveau relativement stable dans un contexte budgétaire général dont vous nous rappellerez, monsieur le ministre, la tension.

Toutefois, ce répit s'inscrit dans une trajectoire structurelle de réduction des crédits consacrés à la forêt. Les rares budgets en augmentation dans les années récentes ont été liés à la prise en compte, après 2009, des conséquences de la tempête Klaus. Une exception notable, l'année 2014, seule année au cours de laquelle l'État a consenti un investissement plus significatif en faveur de la forêt.

De plus, la stabilité globale des crédits de ce budget masque une réduction des moyens accordés à l'ONF, contrepartie du rétablissement de la subvention du Centre national de la propriété forestière, qui avait été financé en 2015 sur ses seules réserves.

Enfin, le Fonds stratégique de la forêt et du bois connaît un abondement nettement insuffisant, malgré le besoin criant d'investissements en forêt privée et dans l'aval de la filière.

Vous en conviendrez sans aucun doute, monsieur le ministre, le budget en stagnation qui nous est présenté ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins de la forêt française aujourd'hui, et plus particulièrement à ceux de l'Office national des forêts qui constitue le principal opérateur de l'action publique en matière forestière et dont vous connaissez la situation particulièrement difficile, tant sur le plan financier que social.

Nous fêtons cette année les cinquante ans de l'installation de l'ONF, dont la création avait été décidée par l'Assemblée nationale au mois de décembre 1964. Cette date devrait être l'occasion, non seulement de saluer la contribution décisive de cet établissement et de ses agents dans la valorisation de la forêt publique française, mais aussi de dessiner des perspectives ambitieuses, à l'heure où le changement climatique rend plus que jamais nécessaire une gestion prospective rigoureuse et ambitieuse de notre patrimoine forestier. Or force est de constater que l'Office n'est pas aujourd'hui en mesure de relever ce défi.

Sur le plan financier, l'ONF manque structurellement de ressources, recourant à l'endettement pour assurer son fonctionnement. Sa dette s'élève aujourd'hui à 300 millions d'euros. Ses difficultés s'expliquent par l'insuffisance des moyens accordés par l'État, inadaptés à l'ampleur des missions dévolues à l'ONF, mais aussi par un modèle économique fragile reposant pour l'essentiel sur les recettes tirées de la vente du bois dont les cours sont fluctuants.

Sur le plan social, la situation des personnels de l'Office ne cesse de s'aggraver. Le triste bilan des suicides d'agents s'est encore alourdi, expression de la détérioration des conditions de travail. Sont ici en cause les réductions d'effectifs, l'aggravation de la charge de travail ainsi que les méthodes de gestion du personnel. Le climat social est largement dégradé et l'ensemble des organisations représentatives du personnel disent être peu entendues.

Enfin, alors que l'offre de formation dans les métiers du bois est insuffisante sur le territoire national, l'ONF se désinvestit des activités de formation, comme en témoigne la fermeture annoncée pour 2016 du centre de formation de Velaine-en-Haye, près de Nancy dont M. Potier pourrait, je crois, nous parler.

Alors que doit s'ouvrir à Paris, le 30 novembre prochain, la vingt et unième conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la France devrait montrer l'exemple en accordant à sa forêt les moyens qu'elle mérite. La forêt, dont le rôle protecteur contre le réchauffement climatique est établi, devra en effet s'adapter, dans les prochaines décennies, à une modification sans précédent de son environnement. Cette transition ne pourra se faire qu'avec le soutien des pouvoirs publics.

Chacun aura compris que je ne peux pas émettre un avis positif sur les crédits du programme 149 dont la stagnation risque non seulement d'obérer l'avenir de l'ONF mais aussi de compromettre l'adaptation de la forêt française au changement climatique.

Je vous poserai trois questions pour ne pas trancher ce débat à la hache.

La première porte sur les missions de l'ONF aujourd'hui. Au-delà de la garantie d'application du principe de multifonctionnalité en forêt publique, régulièrement réaffirmée, qu'attend aujourd'hui l'État de l'ONF ? La négociation en cours du contrat d'objectifs et de performance devrait être l'occasion de repréciser les missions de l'Office et non uniquement d'assurer son équilibre financier, même si ce point a son importance.

Ma deuxième question a trait au malaise social persistant parmi les personnels de l'ONF. Pourriez-vous nous indiquer les suites qui ont été données à l'audit socio-organisationnel mené en 2011, ainsi que les actions que vous comptez mener pour remédier à ce malaise ?

Dernière question en guise de planche de salut : la forêt française devra faire face, au cours des cinquante prochaines années, à une modification historiquement sans précédent de son environnement. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour accompagner les forestiers français, publics comme privés, dans le défi de l'adaptation de notre forêt au changement climatique ?

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