Intervention de Thierry Mandon

Séance en hémicycle du 27 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Recherche et enseignement supérieur

Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, messieurs les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, je suis particulièrement heureux d’être devant vous ce soir pour évoquer le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le sujet est essentiel : l’avenir de notre pays se dessine dans les établissements d’enseignement supérieur et les structures de recherche, leurs amphithéâtres, leurs laboratoires et leurs publications.

Après les riches débats que nous avons eus en commission élargie, je concentrerai mon propos sur trois priorités.

J’évoquerai tout d’abord la rentrée 2015-2016, que l’on peut qualifier de rentrée charnière.

Moment charnière pour les effectifs, puisque le nombre d’étudiants dépasse pour la première fois la barre des 2,5 millions.

Moment charnière pour les structures de l’enseignement supérieur, puisque les réformes de la loi de 2013 portée par Geneviève Fioraso sont désormais pleinement opérationnelles et contribuent à dessiner le paysage de l’enseignement supérieur dans notre pays, tant du point de vue de sa structuration que du point de vue de son lien avec la société.

Moment charnière pour la recherche, dans une période où celle-ci est plus que jamais un élément déterminant du rayonnement d’un pays. Cet après-midi encore, en Espagne, deux Françaises ont reçu un prix de première importance. Notre pays, en ce domaine, tient son rang dans le monde et nous devons nous en réjouir.

Dans ce contexte, l’enseignement supérieur doit faire face à plusieurs grands défis.

Le premier et le plus important est celui de la qualité. Celle-ci est déjà une caractéristique de notre système. L’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – a montré que 80 % des jeunes Français qui accèdent à l’enseignement supérieur en ressortent avec un diplôme. C’est dix points de mieux que la moyenne européenne, et pourtant il reste encore beaucoup à faire.

Pour relever ce défi, nous modernisons l’enseignement supérieur. Après la simplification très significative des intitulés des licences, masters et doctorats que nous avons opérée, l’offre de formation est désormais beaucoup plus compacte et bien plus lisible. Nous réformons aussi certains parcours dont l’organisation doit être adaptée à l’augmentation du nombre des étudiants. Ce matin même, j’ai ouvert les travaux relatifs à la réforme des études de santé. Enfin, nous accompagnons les regroupements d’établissements qui mettent en oeuvre une stratégie partagée de développement et de compétences.

Le deuxième défi est celui de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Cela passe par l’aide aux étudiants, notamment aux étudiants de familles modestes qui ont besoin d’être soutenus dans leur scolarité. Depuis 2012, près de 500 millions d’euros supplémentaires ont été consacrés aux bourses sur critères sociaux, permettant à 132 500 étudiants issus des classes moyennes de bénéficier pour la première fois d’une aide. La rentrée 2015 conforte cette politique, qui sera accompagnée de nouvelles mesures visant à préserver le pouvoir d’achat des étudiants, à commencer par le gel des droits d’inscription. Le niveau modeste de ces droits, en France comme dans bon nombre de pays européens, caractérise ce que j’appellerai le « modèle continental » d’accès à l’enseignement supérieur. L’effort social se poursuit avec le plan de construction de 40 000 logements étudiants et la montée en charge de la caution locative étudiante.

Le troisième défi concerne la place de l’université dans la société. L’université doit être au coeur de nos préoccupations et au coeur de notre projet de société. C’est pour cette raison que le Président de la République a fixé pour les dix années à venir l’ambitieux objectif de 60 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, reprenant en cela une des propositions de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur. Pour réaliser cet objectif, il faudra donner aux universités les moyens d’accueillir ces nouveaux étudiants.

Ces moyens relèvent d’abord et avant tout du budget de l’État. Pour la rentrée 2016, c’est un budget ambitieux pour l’enseignement supérieur qui vous est proposé : quelque 165 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2015 permettront d’accompagner la croissance en effectifs, avec notamment la création de 1 000 emplois indispensables.

Cependant, le modèle économique des universités ne saurait dépendre du seul effort budgétaire de l’État. Il faudra aussi que les établissements développent leurs ressources propres. Le développement de la formation professionnelle continue à l’université y contribuera. Il conviendra enfin de renforcer drastiquement les efforts en matière d’orientation, de simplification et d’amélioration de la vie quotidienne de l’ensemble de la communauté éducative.

Le budget de la recherche, pour sa part, est sanctuarisé en 2016. La France fait partie des quelques grandes puissances scientifiques. Elle se situe ainsi au sixième rang scientifique mondial avec 3,5 % des publications scientifiques totales, et au quatrième rang si l’on se réfère aux 10 % des publications les plus citées ; elle est au cinquième rang des pays de l’OCDE pour l’effort de recherche, avec 2,23 % du PIB consacré à la dépense de recherche et développement en 2013.

Par cette sanctuarisation, le Gouvernement réaffirme sa volonté de développer pleinement le potentiel de recherche et d’innovation du pays, de maintenir les crédits de la recherche et d’en consacrer une part importante à la recherche fondamentale, qui est le socle des connaissances, en veillant plus qu’on ne l’a fait au cours des dernières années au juste équilibre entre sciences humaines et sociales et sciences « dures ».

Le budget pour 2016 prévoit ainsi 7,71 milliards d’euros dédiés à la recherche, soit une augmentation de 6 millions d’euros. Les moyens de fonctionnement des opérateurs s’établissent, à périmètre constant, à 5,82 milliards d’euros en 2016, soit une stabilisation par rapport à 2015. Cela permettra de maintenir l’emploi scientifique, d’assurer le remplacement de tous les départs à la retraite, selon le principe du « un pour un », et même de discuter, comme nous le faisons actuellement avec certains organismes dont le CNRS, d’un niveau de recrutement supérieur aux départs à la retraite.

Les moyens d’intervention de l’Agence nationale de la recherche sont également maintenus : à 555 millions d’euros, ils restent stables par rapport à 2015. J’ai indiqué en commission élargie que ce montant était à mes yeux un montant plancher, au-dessous duquel il y aurait lieu de s’interroger sur l’utilité d’une telle agence.

De leur côté, les crédits destinés à la couverture des engagements internationaux de la France progressent pour tenir compte de nos engagements.

En dernier lieu, il conviendra d’analyser les différents dispositifs d’innovation mis en place ces dernières années pour vérifier non seulement qu’ils produisent bien leurs fruits en matière de renforcement de notre tissu industriel, mais aussi et surtout que les soutiens apportés sont intéressants pour la recherche publique : celle-ci doit bénéficier d’un juste retour financier de la richesse qu’elle permet au pays de créer. Nous engagerons à ce sujet un travail systématique d’inventaire dans les prochaines semaines.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales caractéristiques de ce budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je me réjouis qu’il ait été augmenté de 100 millions d’euros, sur l’initiative du Premier ministre, par le biais d’un amendement gouvernemental qui vous sera présenté tout à l’heure, de manière à ce que l’on n’opère pas cette année le prélèvement sur fonds de roulement qui avait fait l’objet de quelques débats ici même.

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