Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 20 décembre 2012 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, permettez à l'opposition de s'immiscer dans les congratulations sympathiques qu'échangent le Gouvernement et la majorité, pour faire quelques observations au sujet de la loi de programmation. J'essaierai de ne pas être trop long, à ce stade de nos débats.

De cette loi de programmation, on peut penser en partie du bien, puisque le Gouvernement et la majorité, après avoir pratiqué la dénégation, assument enfin une contrainte européenne de sérieux budgétaire et de réduction de la dette et des déficits.

Vous n'avez pas fait le choix de déchirer les engagements européens ; vous n'avez pas fait le choix de déchirer le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance et au fond, puisque le Gouvernement et la majorité ont fait le choix de ratifier ce que nous avions élaboré, il est normal que, contraints, vous en assumiez les conséquences dans le projet de loi de programmation.

Oui, il s'agit d'une programmation cohérente et sérieuse en termes d'évolution des déficits et de la dette. Je déplore néanmoins une conscience insuffisante, de votre part, de ce que sont les excès de dépenses publiques, et surtout de prélèvements obligatoires dans notre pays, même si l'introduction du crédit d'impôt compétitivité emploi vous a amenés à réviser votre copie et à minorer un peu l'évolution des prélèvements obligatoires. C'est un léger progrès, et il n'y a pas de raison de ne pas l'apprécier.

Je constate donc que cette loi de programmation respecte les contraintes. En revanche, je dois dire que les choix et l'arbitrage que vous avez faits entre l'évolution des dépenses et l'évolution des impôts ne nous convient pas, et nous vous le disons à nouveau. Nous préférerions que vous fassiez davantage d'économies et que vous fassiez preuve de plus de modération dans l'évolution de l'impôt. Respect de la contrainte, donc, et mauvaise répartition des efforts : telle est ma première observation.

Ma deuxième observation fait écho aux propos du rapporteur général : il vous faudra, monsieur le ministre, faire preuve de beaucoup de constance dans la mise en oeuvre de cette loi de programmation. Pour parler comme le président de la commission des finances, j'ai éprouvé de la sympathie voire de la compassion pour vous à certains moments de nos débats, en pensant à la façon dont peut tourner le débat sur la TVA dans les mois à venir.

Vous aurez de très grandes difficultés à assurer la recette à laquelle vous prétendez avec une majorité qui veut faire de toutes parts des trous dans le système. Si vous voulez réellement tenir les objectifs de la loi de programmation, il va vous falloir beaucoup de pédagogie auprès de la majorité pour expliquer qu'il ne faut pas créer d'exceptions de toutes parts.

Il vous faudra aussi, monsieur le ministre, beaucoup d'humilité, de discipline et d'honnêteté – mais vous en avez sûrement – pour ne pas trop recourir à la facilité consistant à qualifier de réduction de dépense ce qui n'est jamais qu'une augmentation d'impôts par la remise en cause de dispositifs de réduction ou de crédits d'impôts.

Je souhaite également aborder une troisième catégorie de remarques, auxquelles j'associe notre collègue Olivier Carré, portant sur la vraisemblance de votre programmation. Le rapporteur général a fait écho à une observation que j'ai faite l'autre jour sur la prise en compte de l'évolution de la trajectoire s'agissant des retraites. Le ministre a répondu qu'il y aurait un rendez-vous dans deux ans. C'est une réponse, mais la vraie question demeure.

Nous ne découvrons pas la problématique des retraites. Nous avions prévu un rendez-vous régulier, mais après les réformes que nous avons introduites, la situation économique n'a pas évolué comme nous pouvions espérer qu'elle le fasse. Nous nous trouvons donc face à un solde plus difficile, plus pénalisant, que celui que nous pouvions escompter. Cela posera une question de trajectoire des finances publiques, qui amènera nécessairement à modifier la loi de programmation. Quelques indications ou engagements de principe de la part du Gouvernement eussent été les bienvenus. En cohérence avec les propos que je viens de tenir, il ne faut pas, vu le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays, que les taux augmentent. La variable essentielle reste celle de la durée de cotisation.

Nous avons encore entendu Karine Berger nous dire hier soir qu'il fallait protéger les petites retraites. Mais les autres ? Les classes moyennes, dont nous avons souvent parlé, ne doivent pas être les victimes de la poursuite de la réforme des retraites, de la réforme supplémentaire que vous introduirez et des corrections de la loi de programmation auxquelles vous serez nécessairement conduits.

Les hypothèses de croissance souffrent aussi de ce manque de vraisemblance. J'ai entendu les propos de la majorité sur la période 2012-2013. Les hypothèses de croissance de l'ensemble de la loi de programmation sont-elles raisonnables ? Elles sont largement contestées en France et en Europe. Heureusement, la loi organique va vous placer demain sous le regard du Haut Conseil des finances publiques. Le Gouvernement – et la remarque vaut pour bien des gouvernements – pourra continuer à faire preuve d'une certaine dose de volontarisme, mais il devra également faire preuve d'un peu plus de réalisme, ce qui ne pourra pas faire de mal.

Cependant, les prévisions se sont précisées depuis que vous avez soumis ce projet de loi de programmation au Parlement. Est-il bien raisonnable de continuer à tracer des perspectives pour les années à venir sans tenir compte des enseignements économiques et des données actuelles ? Ce n'est pas vraisemblable.

J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'évoquer un autre sujet qui est un peu désagréable en ce qu'il met au jour les divisions de votre majorité, parfois au sein même du Gouvernement. Croyez-vous ou non à l'objectif des 3 % ? Tant de voix dissonantes se sont exprimées à gauche ! Vous-même, avec M. Moscovici, revenez régulièrement sur ce point sans beaucoup le développer, dans une sorte de rite. La majorité n'y croit plus, mais il est important que le ministre du budget et le ministre des finances disent régulièrement : « trois pour cent », pour rassurer. Mais sans y mettre plus de conviction que vous ne le faites, cela ne rassure pas beaucoup.

Dans d'autres pays en Europe, dans d'autres milieux politiques et économiques, se pose cette question de la trajectoire de rétablissement. Je suis d'avis de respecter cette trajectoire, et je ne partage pas les doutes de la gauche, ni ceux qui se sont exprimés en Europe. Mais puisque la question revient plusieurs fois dans cet hémicycle, elle aurait mérité de la part du Gouvernement mieux qu'un argument d'autorité. La discussion de la loi de programmation aurait mérité que l'on rentre réellement au fond de ce débat.

Puisque ce débat existe en France, et que les éléments en ont été renouvelés, puisque ce débat a été ouvert avec davantage d'intensité en Europe par des arguments et des esprits que l'on ne peut pas balayer d'un simple revers de la main, nous étions en droit d'attendre davantage de réponses de fond de la part du Gouvernement plutôt que l'argument d'autorité que vous maniez parce que les rites vous y obligent.

Bien que nous puissions partager un certain nombre d'objectifs de discipline et de sérieux qui figurent dans cette loi de programmation, la manière dont ses équilibres sont construits appelle trop de critiques, le manque d'adhésion réelle à cette discipline appelle trop d'observations et le refus d'entrer dans un débat qui existe en France et en Europe pose le problème du partage de ces choix. Tout cela justifie amplement notre opposition à ce texte.

Si l'on veut que la loi de programmation soit autre chose qu'un rite, si l'on veut qu'elle soit plus que la simple préparation technique des actes budgétaires, si l'on veut qu'il y ait une pédagogie réussie, il faudrait plus de conviction et d'engagement du Gouvernement. Ils ne sont pas au rendez-vous, et le groupe UMP votera contre ce projet de loi de programmation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

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