Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 22 octobre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur l'asile :

Nous examinons la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour l'année 2016 dans un contexte inédit et dramatique : 700 000 migrants sont arrivés en Europe depuis le début de l'année ; 3 100, au moins, ont trouvé la mort, dans des conditions tragiques. Or nous examinons ce budget, monsieur le ministre, quasiment comme si nous étions dans une situation normale. Si tel était le cas, l'augmentation de 8 % des crédits du programme 303 pourrait répondre aux défis nouveaux de l'asile et permettre la mise en oeuvre du projet de loi en question, mais nous ne sommes, hélas, pas dans une situation normale. Selon le HCR, entre lundi soir et hier mercredi soir, ce sont 27 000 migrants qui sont arrivés en Grèce ! Le projet de loi de finances et la politique qu'il incarne sont-ils de nature à relever ce défi inédit et, je le répète, dramatique ?

Nous examinons aussi ce budget quelques jours après la publication par la Cour des comptes d'un référé extrêmement critique sur l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile, de 2010 à 2013. Le constat dressé par les magistrats de la rue Cambon est particulièrement sévère et extrêmement critique. Un chiffre le résume, qui traduit la faillite de notre système d'asile qui place désormais sur le même plan demandeurs et réfugiés : à peine 4 % des déboutés du droit d'asile ont été éloignés ! Vous avez contesté ce chiffre à la suite du rapport provisoire : la Cour évoquait 1 %, vous évoquez vous-même 8 %, ce qui serait, à vous en croire, un résultat extraordinaire, mais, que ce chiffre soit de 1 %, 4 % ou 8 %, il est tragiquement mauvais et traduit une politique totalement déséquilibrée. En effet, elle aboutit, je le répète, à une erreur tragique : placer sur le même plan ceux qui bénéficient du statut noble de réfugié ou de la protection internationale, opprimés ou persécutés en raison de leurs convictions, de leurs idées, ou dans le cadre de conflits qui secouent leurs pays, que la France s'honore d'accueillir, et les autres. Le droit d'asile devient donc le vecteur légal de l'immigration illégale, puisque tout demandeur d'asile est aujourd'hui certain de pouvoir se maintenir dans notre pays. Finalement, le triste épisode de ce Beechcraft qui a suscité la polémique est peut-être l'illustration, quoiqu'un peu réductrice, d'une politique à la fois coûteuse et, comme le soulignent les associations, inefficace.

Aujourd'hui, plusieurs questions se posent. Ce budget ne tient donc aucun compte d'un contexte tout à fait exceptionnel, même si nous venons de constater que le Gouvernement a déposé un amendement. Certes, vous ajoutez des moyens, mais je tiens à souligner, en tant que rapporteur pour avis, que nous n'avons pu obtenir de réponse sur le coût global de l'accueil de ces 30 700 réfugiés, qui ne sont pas des demandeurs d'asile et que le Président de la République a accepté d'accueillir dans une forme de suivisme que je veux dénoncer, derrière l'Allemagne. Nous pourrions même parler de 33 000 personnes, en comptant aussi les réinstallations, que je salue, de migrants qui ont obtenu le statut de réfugié depuis la Syrie et l'Irak et qu'il est normal d'accueillir.

Nous nous interrogeons donc vivement sur le coût de ce dispositif. Nous voyons que vous abondez les crédits de 98 millions d'euros, mais j'estime à plus de 450 millions d'euros le coût de ces 33 000 migrants pour le budget de la nation. Pouvez-vous nous répondre précisément sur ce point spécifique ? Et comment ce programme sera-t-il financé ? Nous avons entendu la ministre du logement indiquer que ces crédits seraient redéployés à la faveur d'une baisse des aides personnalisées au logement. Qu'en est-il ? Je veux dénoncer là une forme d'insincérité, d'opacité, volontairement entretenue dans le cadre de ce budget. Qu'allons-nous faire, monsieur le ministre, quand les centaines de milliers de migrants qui se trouvent, pour l'heure, à l'extérieur de l'Europe, en franchiront les frontières ? Qu'allez-vous faire pour améliorer les procédures d'éloignement, dont le degré d'application frise aujourd'hui le ridicule ? Enfin, comment résoudre la question de la jungle de Calais, qui fait honte à notre pays ? Cette situation indigne traduit, elle aussi, l'impuissance d'une politique ?

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