Intervention de Jean-Pierre Dufau

Réunion du 22 octobre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Ce projet de budget permettra de renforcer nos politiques d'asile et d'immigration d'une manière significative. Nous allons amplifier des efforts engagés depuis le début de la législature. Les créations massives de places dans les CADA en sont un exemple très emblématique, mais je pourrais en citer d'autres, notamment le renforcement des moyens de l'OFPRA pour réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Ces efforts sont évidemment nécessaires au regard des difficultés que nous sommes en train de régler, en particulier dans notre système d'asile. Ils le sont aussi en raison de la pression qui s'exerce aux frontières extérieures de l'Union européenne.

Parallèlement aux efforts consentis au niveau national, nous devons continuer à renforcer les politiques d'asile et d'immigration au plan européen. C'est sur ce point que je voudrais insister. Depuis que je suis le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur cette mission, je déplore une faiblesse persistante au plan européen dans ces domaines.

Si les normes applicables en matière d'asile ont été rapprochées progressivement, manque encore une véritable solidarité, en particulier à l'égard des pays situés en première ligne. La crise migratoire actuelle n'a fait que révéler cette carence – nous n'étions tout simplement pas prêts. Les conséquences de ce qui se passe aux frontières extérieures de l'Union, dont sont responsables les États concernés, touchent tout le monde. Nous avons donc besoin d'une gestion plus commune – j'allais dire : « communautaire ».

Je veux donc saluer les initiatives prises par le Gouvernement, dès 2014, au plan européen. Lorsque nous vous avons auditionné en commission des affaires étrangères, monsieur le ministre, vous nous avez rappelé que vous avez effectué une première tournée des capitales européennes dès le mois d'août 2014, pour proposer de travailler davantage avec les pays d'origine et de provenance des flux, de renforcer le contrôle de la frontière extérieure en Méditerranée, avec une opération conduite sous l'égide de Frontex, et de mettre en place un dispositif de solidarité.

Des progrès ont eu lieu. La création de mécanismes provisoires de relocalisation, pour 160 000 réfugiés, constitue une avancée. Nous nous sommes engagés à en accueillir 30 000 en France, et je tiens à le saluer. Pouvez-vous évaluer précisément la charge supplémentaire que cela représente pour notre système d'asile et nous indiquer les moyens prévus pour y faire face ? Mais peut-être l'amendement déposé par le Gouvernement répond-il déjà à cette question.

Cette solidarité s'accompagne de plusieurs corollaires indispensables : tout d'abord, la création des fameux hotspots, qui doivent permettre d'enregistrer et d'identifier les arrivants pour faire la différence entre ceux qui ont besoin d'une protection internationale et ceux qui n'en relèvent pas ; ensuite, la mise en oeuvre de politiques de retour qui doivent être efficaces. Les hotspots devraient être opérationnels au mois de novembre. Lorsque je me suis rendu en Italie au début du mois, le processus semblait avancer, mais je ne suis pas certain que la Grèce en soit tout à fait au même stade. Pouvez-vous nous dire comment la situation évolue dans ces deux pays ?

Nous devons éviter l'illusion et le danger d'un repli sur les frontières intérieures de l'espace Schengen, de même que nous devons conjurer la tentation de laisser passer les flux dans l'espoir coupable de reporter les difficultés sur d'autres. Pour cela, nous devons nous donner collectivement les moyens d'assurer une gestion commune des frontières extérieures. La création d'un corps de gardes-frontières et de garde-côtes européens ne réglerait certainement pas tout, et cette proposition peut aussi se heurter à certaines conceptions de ce que devraient être les compétences nationales, mais un corps de gardes-frontières européens, ou une réserve mobilisable, peut être un outil pour aider plus efficacement les États membres et pour faire face à un dysfonctionnement majeur à la frontière extérieure. Où en sommes-nous dans les discussions que nous avons avec nos partenaires sur cette question ?

À défaut d'un tel système, il semble qu'il y ait aujourd'hui des difficultés pour répondre aux besoins exprimés par Frontex et par le Bureau européen d'appui en matière d'asile. Ces agences demandent la mise à disposition d'experts, mais les contributions nationales seraient trop limitées ou trop lentes. Qu'en est-il précisément ?

Autre impératif, nous devons essayer de renforcer la coopération avec les États tiers. Je ne pense pas seulement à la Turquie, bien qu'elle concentre aujourd'hui tous les débats, mais aussi à certains pays d'origine ou de transit des migrations en Afrique. Dans cette perspective, qu'attendez-vous du sommet qui se tiendra à La Valette, les 11 et 12 novembre prochains ? Un fonds fiduciaire de 1,8 milliard d'euros devrait être créé au service d'objectifs ambitieux : favoriser la stabilité des pays africains et lutter contre les causes profondes des migrations illégales. À plus court terme, comment avancer concrètement avec les pays africains sur la question du retour des migrants qui n'ont pas vocation à rester sur notre territoire ?

En France, compte tenu des difficultés à obtenir des laissez-passer consulaires auprès de certains pays, un premier plan d'action a été mis en place en 2013, mais la question reste entière dans certains cas. Parmi les nouvelles orientations définies par le Conseil européen du 15 octobre dernier figure celle-ci : « promouvoir l'acceptation par les pays tiers d'un laissez-passer européen amélioré en matière de retour en tant que document de référence aux fins du retour ». Quelles précisions pouvez-vous nous donner sur l'usage actuel des laissez-passer européens et sur les perspectives d'amélioration en ce domaine ?

Je vous remercie des réponses que vous pourrez nous donner, monsieur le ministre. Nous vous faisons confiance pour continuer à défendre des propositions au niveau européen en vue de renforcer nos politiques d'asile et d'immigration. Nous en avons besoin, pour compléter la consolidation de nos dispositifs nationaux dans le cadre de cette mission budgétaire, sur l'adoption de laquelle j'émettrai bien sûr un avis favorable, avec le sentiment que les choses évoluent dans le bon sens.

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