Intervention de Laurent Grandguillaume

Réunion du 22 octobre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

D'ici à la fin de l'année 2016, la France doit accueillir 30 700 migrants fuyant la Syrie, l'Irak et l'Érythrée. Nous ne pouvons qu'être fiers de cette action républicaine, soutenue par les 700 maires des villes bénévoles et par des millions de nos concitoyens.

Je peux témoigner de la dignité de l'accueil offert à la première vague de 521 demandeurs d'asile arrivés le 11 septembre dernier et du travail remarquable effectué tant par les services de l'État et les collectivités locales que par les associations et les bénévoles. Je me suis rendu au centre Kellermann, dans le XIIIe arrondissement de Paris, qui appartient à la Ligue de l'enseignement. Soixante-deux places d'hébergement y sont gérées par l'association Emmaüs Solidarité. Je tiens à saluer les efforts déployés par les huit salariés de l'association, par les bénévoles et par les services de l'État, pour offrir le meilleur accompagnement possible. Ainsi a-t-il été possible de répondre en quelques jours aux demandes d'asile enregistrées dès l'arrivée des migrants.

Puissent cette réactivité et cette mobilisation, loin de se tarir au cours des prochains mois, agir comme un levier au bénéfice des autres migrants, notamment ceux dont les conditions de vie, à Calais, sont particulièrement déplorables. Je ne peux qu'apporter mon soutien à l'appel des 800 artistes et intellectuels qui dénoncent les conditions de vie insoutenables des 5 000 à 6 000 migrants survivant dans cette jungle inhumaine. Quelles dispositions comptez-vous prendre dans les prochains jours, monsieur le ministre de l'intérieur, afin de résoudre définitivement cette situation inqualifiable qui porte atteinte à nos valeurs républicaines ? Je sais quels efforts vous fournissez en la matière, mais il est important de rappeler ici ce qui va être fait.

Rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », je salue l'augmentation de près de 10 % en autorisations d'engagement et de 8 % en crédits de paiement des moyens qui lui sont dévolus. Cette évolution accompagne les progrès qui résultent de la loi relative à la réforme du droit d'asile du 29 juillet dernier et le projet de loi portant réforme du droit des étrangers adopté en première lecture. Saluons donc ces avancées notables : la création de 9 700 places supplémentaires en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) d'ici à 2017 ; la réduction des délais de traitement des demandes d'asile, tant attendue, grâce au renforcement des moyens humains de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; le soutien effectif à la lutte contre l'immigration irrégulière.

Toutefois, je souhaite faire part aussi des doutes que m'inspirent certains points. Si les crédits consacrés à la nouvelle allocation pour demandeur d'asile (ADA), qui entre en vigueur le 1er novembre prochain, augmentent de 25 %, il semblerait que ce soit insuffisant compte tenu de l'afflux des nouveaux demandeurs d'asile, quand bien même l'examen de leurs demandes se révélerait particulièrement rapide. Plus précisément, je m'inquiète de la phase de transition de quinze jours précédant la mise en place effective de l'ADA, pendant laquelle les demandeurs d'asile ne percevront, semble-t-il, pas d'allocation, quand bien même leurs droits ne sont pas interrompus. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, prendre en compte ce décalage budgétaire susceptible de porter préjudice tant aux associations qui gèrent les CADA qu'aux demandeurs d'asile ne disposant plus de moyens de subsistance ? Par ailleurs, s'il est à craindre que manquent 50 millions d'euros, comment comptez-vous y remédier ?

De même, les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence accusent une baisse de près de 12 % par rapport à 2015, qui serait justifiée par la création de places en CADA. Je ne puis évidemment qu'être favorable à une telle augmentation du nombre des places en CADA, mais elles ne permettront pas de répondre à tous les besoins d'hébergement. Il sera donc nécessaire d'orienter les demandeurs d'asile vers l'hébergement d'urgence, qui se révélera insuffisamment doté, et le problème risque ainsi de se répercuter sur l'hébergement d'urgence de droit commun, financé par le programme 177, déjà saturé, comme l'a d'ailleurs souligné la Cour des comptes dans son référé du 30 juillet dernier. Nous pouvons donc craindre sur ce point aussi une dérive budgétaire en cours d'exécution. Or, derrière ces chiffres qui paraissent parfois abstraits, il y a, ne l'oublions pas, des êtres humains dans des situations extrêmement difficiles, qui risquent d'en pâtir. Comme le Gouvernement vient de déposer un amendement à ce sujet, j'espère quelques précisions.

Je souhaite aussi relayer les craintes dont diverses d'associations – France terre d'asile, Forum réfugiés, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale et la Coordination française pour le droit d'asile – m'ont fait part. La lettre qu'elles vous ont adressée le 15 octobre dernier, monsieur le ministre, figure donc en annexe de mon rapport. Elles m'ont notamment signalé certaines incohérences et difficultés, qui leur sont gravement préjudiciables, dans la gestion des fonds européens. Les services de l'État comptent-ils donc accompagner véritablement les associations dans leurs démarches auprès des autorités européennes, et simplifier lesdites démarches ? Elles rencontrent par exemple d'importants problèmes de décalages de trésorerie, alors qu'elles qu'ont vocation à bénéficier pleinement de ces fonds européens, dont les montants ont d'ailleurs été largement augmentés pour l'année 2016. Ce sont là des compléments indispensables pour qu'elles mènent à bien leur action.

À cet égard, je m'inquiète également de la baisse du prix par personne et par jour d'une place d'hébergement en CADA, qui passe de 24 euros à 19,45 euros en raison de la disparition de l'allocation mensuelle de subsistance (AMS) et de l'allégement des missions des CADA. Dans ce contexte, comment les associations pourront-elles mener à bien les actions d'accompagnement socioculturel qui semblent avoir disparu des missions qui leur sont assignées ? Elles sont pourtant indispensables dans le parcours d'intégration d'un migrant.

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