Intervention de Général Bertrand de Lapresle

Réunion du 15 octobre 2015 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Bertrand de Lapresle, vice-président de l'Union des blessés de la face et de la tête (UBFT) « Les Gueules Cassées » :

a loi de programmation militaire (LPM) a prescrit une refonte du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui devra être menée à bien au 30 juin 2016. Cette refonte doit être effectuée à droits constants. S'appuyant sur cette prescription, la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de la Défense envisageait de conduire cette mission à son niveau, en limitant le rôle du monde combattant et des pensionnés à une information périodique de caractère général.

Les sept associations de grands invalides de guerre se sont naturellement senties particulièrement concernées par cette refonte, du fait des problèmes que rencontrent nombre de leurs membres pour que soient satisfaits en temps et en heure leurs droits actuels. Elles ont donc décidé de s'impliquer activement dans le processus et ont créé un groupe de travail spécifique, intitulé GT-Refonte, en s'appuyant sur cinq autres importantes associations du monde combattant, les douze associations en question constituant ainsi un comité d'entente des grands invalides de guerre élargi. C'est au nom de ces douze associations, qui représentent une très large majorité du monde combattant ainsi que la quasi-totalité des associations de pensionnés, que je m'exprime aujourd'hui devant vous.

Avec l'aval du secrétaire général pour l'administration du ministère, la DAJ a pris acte de cette création, et une coopération s'est progressivement instaurée entre cette direction et le GT-Refonte. Depuis le mois de septembre 2014, la DAJ informe régulièrement le GT-Refonte de ses travaux, et nous avons proposé, au fur et à mesure que nous étaient communiqués les documents, les aménagements qui nous semblaient pertinents.

Les travaux conduits par la DAJ arrivent à leur terme, et les sept livres du code refondu doivent être prochainement soumis à la commission sociale du Conseil d'État, avant d'être transmis au Parlement le 1er janvier 2016. Le Parlement disposera alors de six mois pour étudier le projet, avant la date du 30 juin 2016.

Dans leur état actuel, les sept livres du projet de code refondu retiennent l'essentiel des compléments proposés par le GT-Refonte, qui estime que ses rapports avec la DAJ ont été, globalement, très fructueux, dans le strict respect des attributions de chacun.

Quelques-unes de nos propositions n'ont cependant pas été retenues par l'administration, pour des raisons généralement liées à une interprétation de la notion de droits constants qui nous semble très restrictive. Cette notion, selon nous, ne devrait pas faire perdurer la bêtise de certaines formulations incompréhensibles. Nous espérons que nos propositions seront prises en considération par le Conseil d'État.

Dès le début de l'année 2016, c'est ensuite du Parlement que nous tenterons d'obtenir les ultimes aménagements que nous souhaitons promouvoir. Nous voudrions, par exemple, obtenir que la carte d'un grand invalide de guerre lui permette de bénéficier de tous les droits dont bénéficient les grands invalides civils grâce à la carte que leur délivrent les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Nous apprécierions vivement que vous acceptiez de désigner deux ou trois parlementaires pour être les correspondants du GT-Refonte. Nous pourrions ainsi plaider auprès de personnalités motivées et influentes les amendements souhaités par le monde combattant, bien sûr à droits constants, pour le soutien moral et la réparation de nos camarades blessés et pensionnés, mais aussi de leurs conjoints survivants, orphelins et ascendants.

Mon second point sera un plaidoyer pour les blessés de la moelle épinière, titulaires de l'article L. l15 du code des pensions militaires d'invalidité. C'est un sujet très lourd, sur lequel j'aimerais vous faire partager l'inquiétude que ressentent les sept associations du comité d'entente des grands invalides de guerre, soutenues désormais par le comité d'entente élargi de douze associations, en espérant qu'une action des parlementaires pourra faire disparaître cette inquiétude.

Celle-ci porte sur les conditions dans lesquelles sont pris charge par le service de santé des armées (SSA) les plus lourds blessés de nos armées que sont les blessés de la moelle épinière. Depuis des décennies, ces blessés sont traités et soignés à l'Institution nationale des Invalides (INI), dans des conditions qui conviennent à leur pathologie très spécifique et mal connue. Elle exige notamment que ces blessés, pratiquement intransportables en raison du risque de dramatiques aggravations d'escarres, reçoivent dans un lieu unique les soins chirurgicaux exigés par leur pathologie à dimension tant cutanée qu'urologique. L'INI, notamment grâce à son bloc opératoire, au coeur de son centre médico-chirurgical, remplit bien cette mission, et nos camarades blessés de la moelle épinière considèrent véritablement cette institution comme leur maison.

Dans le cadre des études actuellement en cours sur l'évolution du SSA – le plan SSA 2020 – il semble que soit pratiquement prise la décision de fermer définitivement le Val-de-Grâce et le bloc opératoire de l'INI. Dans le plan initial, il avait été envisagé de créer au Val-de-Grâce une structure qui aurait satisfait les conditions évoquées plus haut pour la prise en compte efficace à chaud, puis dans la durée, des blessés médullaires. La décision de fermer le Val-de-Grâce réduit ce projet à néant. Avec la fermeture du bloc opératoire de l'INI, il semble que soit imaginée la possibilité de traiter les blessés médullaires soit à l'hôpital Percy, soit à l'hôpital Bégin, soit dans les deux. Dans ce cas, un très grave problème serait à résoudre : le choix de l'hôpital où seraient traités à la fois les problèmes cutanés et les complications urologiques. Or les projets actuels envisagent, à notre connaissance, les soins cutanés à Percy et les soins urologiques à Bégin, solution inenvisageable pour des blessés pratiquement intransportables. La réponse qui nous est faite, selon laquelle des urologues pourraient se déplacer de Bégin pour opérer à Percy, avec des équipes de bloc chirurgical qui ne sont pas les leurs, est totalement surréaliste.

En toute hypothèse, Percy et Bégin sont encore en travaux, et ce pour plusieurs années. La solution que nous préconisons de toutes nos forces, et qui calmerait les inquiétudes, est donc de mettre un terme, au moins provisoirement, au processus déjà largement entamé de fermeture du bloc opératoire de l'INI, et de doter ce dernier, ne serait-ce que pour les trois ou quatre années à venir, des moyens nécessaires à la poursuite de sa mission – ces moyens sont modestes –, en attendant que Percy puisse éventuellement accueillir décemment nos blessés médullaires.

Ces blessés ne sont certes pas très nombreux, et c'est heureux, même si c'est ce qui rend difficile de faire prévaloir leurs exigences. Ils nécessitent des soins très spécifiques, lourds et peu gratifiants pour le corps médical. Ils n'en méritent que davantage de faire l'objet d'une attention toute particulière de la part des autorités de la Nation. Il apparaît du devoir le plus élémentaire de celles-ci de calmer leurs profondes inquiétudes, et ce dès le budget 2016.

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