Intervention de Général André Lanata

Réunion du 7 octobre 2015 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général André Lanata, chef d'état-major de l'armée de l'air :

De nombreuses questions ont trait à notre capacité à durer. Aujourd'hui, j'estime, madame Récalde, qu'avec les six mirages 2000D et les six Rafale dont nous disposons, notre dispositif est adapté aux opérations menées au Levant. Mais il est bien évident que si celles-ci devaient s'intensifier, il nous faudrait l'ajuster. Dans les domaines où nous avons traditionnellement besoin de nos alliés, c'est-à-dire le ravitaillement en vol et la surveillance, il nous faudrait également adapter nos capacités. Pourquoi avons-nous engagé des Mirage 2000N en Jordanie – ainsi, d'ailleurs, que des Mirage 2000C au Sahel ? Nous nous sommes aperçus que les unités de Mirage 2000D étaient trop sollicitées – le taux d'engagement était de l'ordre de 50 % – pour que nous puissions poursuivre cet engagement dans la durée : nous aurions « rincé » les unités, non pas tant au plan technique qu'au plan humain. Nous avons donc allégé la pression sur les unités de Mirage 2000D en proposant la mise à disposition de Mirage 2000N de manière à organiser des patrouilles mixtes.

Pour remédier aux tensions que connaît la flotte des Mirage 2000, qui sont très sollicités, nous avons pris la décision, dans le cadre de l'actualisation de la LPM, de prolonger des Mirage 2000C, autant pour répondre aux besoins de nos opérations que pour compenser le potentiel consommé par l'accompagnement du soutien export de la flotte Rafale, puisqu'une partie des heures de vol de cette dernière est consacrée à la formation des équipages des pays clients de cet équipement.

Pour durer, la rénovation du Mirage 2000D est donc absolument nécessaire, car c'est cette flotte pivot qui nous permet de garantir le format de l'armée de l'air et notre capacité à tenir nos opérations dans la durée. Aujourd'hui, la cible de ce programme d'armement est de 45 avions rénovés, sachant que nous disposons de 71 avions en parc. Si les opérations devaient s'intensifier ou durer très longtemps, nous aurions donc toujours la possibilité de rénover davantage de Mirage 2000D. La rénovation de 10 Mirage 2000D supplémentaires permettrait en outre de prendre en compte l'attrition sur la période 2020-2032 pour maintenir 185 avions de chasse en parc au sein de l'armée de l'air.

J'en viens au projet FOMEDEC, qui a fait aussi l'objet de plusieurs questions. Ce projet participe également de notre capacité à durer et de la modernisation de nos capacités. De fait, les objectifs que nous poursuivons sont multiples en la matière. Il s'agit, en premier lieu, de moderniser la formation des pilotes de chasse. Cette modernisation est rendue nécessaire par le fossé important qui existe actuellement entre les Alpha Jet employés au début de la formation et la génération du Rafale. L'Alpha Jet est en effet un avion des années 1980 ; il ne dispose donc pas d'un système d'armes nous permettant de former correctement nos pilotes de chasse. Mais la modernisation de la formation participe d'une transformation beaucoup plus complète qui combine, outre le remplacement des Alpha Jet par une flotte plus économique, une adaptation de notre modèle RH – qui devrait permettre de réaliser des gains sur la plateforme de Tours et le soutien des Alpha Jet –, une restructuration – grâce au basculement de l'activité de Tours sur Cognac – et une évolution vers le nouveau format de l'aviation de chasse tel qu'il est prévu dans la LPM, en permettant la création d'un deuxième cercle d'équipages qui renforcera le premier si celui-ci est trop sollicité en opération.

Pour ce faire, nous prévoyons un dispositif qui inclut la formation des pilotes de chasse et la préparation opérationnelle du deuxième cercle d'équipages. Il s'agit, non pas de les former ab initio sur ce nouveau type d'appareils, mais, une fois qu'ils auront une expérience opérationnelle en unité de combat, de les maintenir à niveau grâce à une activité équilibrée comprenant 40 heures de vol par an sur avion de combat et le reste sur ces appareils modernisés qui leur permettront de se remettre à niveau pour être engagés sur les théâtres d'opérations. Ce deuxième cercle devrait être composé d'une cinquantaine d'équipages.

J'ajoute, pour être complet sur ce chapitre, que ce dispositif exige que nous nous appuyions sur des appareils plus modernes, qui embarqueront de la simulation représentative d'un système d'armes moderne, et plus économiques. Tels sont les deux paramètres que l'armée de l'air a fait figurer dans son expression de besoins. L'appel d'offres est en cours : aujourd'hui, la balle est dans le camp de la DGA. Bien entendu, le plus tôt sera le mieux. L'armée de l'air envisageait initialement une mise en service en 2016, mais les discussions ont un peu traîné et la contractualisation est longue, en raison du montage que nous voulons réaliser. En effet, cette contractualisation ne concerne pas que l'acquisition des équipements : nous achetons également la prestation permettant de produire les heures de vol sur la base de Cognac. Je pense aujourd'hui que la mise en service opérationnelle aura lieu au plus tard en 2018. Je précise que nous avons compensé au mieux, dans le cadre des travaux de VAR, le delta financier afin d'intégrer le retard du programme. J'espère que les premiers appareils seront livrés en 2017. Enfin, le chiffre de 100 millions d'économies annuelles réalisées sur l'ensemble des périmètres – RH, heures de vol et carburant – est exact.

M. Candelier m'a interrogé sur le programme A400M. Celui-ci a en effet rencontré des difficultés dont la presse s'est fait l'écho. La DGA a engagé un dialogue direct avec Airbus, car nous avons un impérieux besoin de renforcer notre capacité dans ce domaine. Initialement, nous devions recevoir quatre avions en 2015 ; en raison des capacités de production d'Airbus, seuls deux avions seront livrés à l'armée de l'air en 2015, portant notre flotte à huit avions. En tout état de cause, il nous a été garanti que ces livraisons seraient rattrapées d'ici à 2018. Par ailleurs, les premiers A400M n'ayant pas été livrés aux standards tactiques définitifs de l'appareil, il a été convenu avec Airbus que ceux-ci seraient rattrapés à partir de 2016, date à laquelle serait livré le premier avion disposant de toutes les capacités, y compris l'aéro-largage de parachutistes et le largage de charges – l'autoprotection et l'atterrissage sur terrain sommaire constituent également deux capacités essentielles pour faire de cet avion un véritable avion tactique. Aujourd'hui, l'industriel nous dit pouvoir être au rendez-vous en 2016 pour ce qui est des standards tactiques et être capable de « rétrofiter » des appareils qui nous auront déjà été livrés, de manière à ce que l'armée de l'air dispose de six avions avec leurs capacités tactiques avant la fin 2016. Nous attendons une confirmation : une discussion sur ce point est en cours entre la DGA et Airbus.

Pour être complet sur cette capacité de transport tactique, qui est essentielle en particulier au Sahel, où il faut ravitailler des forces stationnées aux confins du désert, je précise que nous nous appuyons sur des A400M en phase de maturation opérationnelle, d'une flotte vieillissante de C-160, dont les coûts d'exploitation augmentent, et d'un noyau de C-130, qui constitue en quelque sorte notre flotte pivot. Mais certains de ces avions sont également âgés. C'est pourquoi nous avons demandé, dans le cadre de l'actualisation de la LPM, l'acquisition de quatre C-130 supplémentaires. Aujourd'hui, deux options sont à l'étude : la première consisterait à acquérir des avions d'occasion, mais ces derniers sont bien souvent relativement vieux, la seconde à acquérir des avions neufs aux États-Unis. Nous pourrions ainsi moderniser cette capacité, que j'estime par ailleurs pérenne car, du point de vue de l'armée de l'air, une bonne structure de force pour les capacités de projection doit comprendre des cargos stratégiques de type A400M et des cargos médians de type C-130, qui porteraient par ailleurs la mission des forces spéciales, les deux flottes étant, il est important de le souligner, complémentaires.

Quant à notre capacité à durer sur le long terme, c'est une question que je me pose. J'estime que l'actualisation de la LPM nous permet de nous adapter à l'intensité des opérations. Nous estimons pouvoir durer au rythme d'engagement actuel–, mais si les opérations devaient encore s'intensifier, il faudrait procéder à de nouveaux ajustements.

En ce qui concerne la féminisation de l'armée de l'air, je peux vous indiquer que les femmes représentent 6 % du personnel navigant, 11 % des mécaniciens et 34 % des soutiens, pour un total supérieur à 20 %.

Par ailleurs, les avions en opération ont essuyé surtout des tirs de petit calibre en République Centrafricaine, dans le cadre de l'opération Sangaris. En revanche, au Levant, sur le théâtre Chammal uniquement, ainsi qu'en Libye en 2011 et en Afghanistan, des tirs de missile ont été détectés par les systèmes d'armes des avions.

Quant à l'actualisation de la LPM, elle visait à assurer notre capacité à durer, d'une part, sur le territoire national, d'où un effort portant principalement sur les effectifs de l'armée de terre, et, d'autre part, sur les théâtres d'opérations extérieures, d'où une série d'ajustements qui ont apporté, pour les trois armées, une réponse que nous avons estimée équilibrée, dans la limite de l'effort budgétaire possible, entre les effectifs, les équipements et le maintien en condition de ces derniers pour garantir leur régénération dans la durée. Il s'agit d'une réponse ciblée nous permettant de durer en opération.

En ce qui concerne les effectifs de l'armée de l'air, l'actualisation de la LPM a prévu une moindre déflation de 1 300 postes, qui permet principalement d'améliorer la situation de nos effectifs dans certains domaines : drones, protection, commandement et contrôle et soutien à l'export. Quant aux équipements, il s'agit de pods de désignation laser, d'équipements destinés aux forces spéciales, de C-130 et de leurs missiles. Surtout, un peu moins que la moitié de l'enveloppe de 500 millions dédiée au MCO est directement consacrée à l'entretien des matériels aéronautiques et nous permettra d'accélérer la régénération de certains équipements, en particulier pour les flottes de transport et de chasse, et, dans une moindre mesure, pour le ravitaillement en vol.

L'actualisation de la LPM est donc une réponse à la capacité à durer de l'armée de l'air, compte tenu contexte sécuritaire et opérationnel actuel.

En ce qui concerne la base d'Abou Dhabi, je partage, monsieur Pueyo, l'appréciation que vous portez sur le partenariat privilégié que nous avons avec les EAU et leurs autorités militaires, qui font preuve d'un niveau opérationnel remarquable. Je sais que mon prédécesseur entretenait d'excellentes relations avec ses homologues émiratis – que je rencontrerai en novembre – et je compte bien maintenir ces contacts pour bâtir un partenariat avec les autorités de ce pays.

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